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Prisonnier dans un oflag allemand en 1940, Joseph, un officier français, est amené à dire la messe à ses compatriotes. D'évidence, cette charge d'aumônier l'interroge et le bouleverse. Ce trouble affecte les relations qu'il noue avec ses compagnons : Paul, le curé breton qu'il remplace, Henri l'instituteur, Abel le militaire de carrière...
Qui est véritablement Joseph ? Pourquoi voue-t-il à Werner, l'officier allemand, une si grande reconnaissance ?
Ce huis clos au coeur d'un conflit mondial met au jour le rapport intime de chacun à la spiritualité et exacerbe les tensions entre les hommes. Comment rester soi-même quand l'histoire nous commande de survivre ? Entre affabulation et vérité, ce roman de la mémoire explore de manière obsédante les doutes des existences et la fidélité des âmes.
Voilà un roman bien curieux , atypique , et complètement hors des clous d’un monde , le nôtre, peu habité par des préoccupations d’ordre spirituel ou théologique .Nous sommes en 1940 , dans un camp de prisonniers , un Offizierlager, selon la terminologie allemande , un camp réservé aux officiers et sous-officiers .Joseph , un officier français , se trouve amené à dire la messe à ses compatriotes qui ne sont pas tous , tant s’en faut, des croyants convaincus .Joseph a pris la décision de remplacer Paul , un curé breton incapable d’exercer son sacerdoce en raison d’une grave maladie .Ses compagnons de captivité comprennent également Henri , un instituteur , et Abel , militaire de carrière .
Sans nous dévoiler d’emblée les véritables raisons qui ont conduit joseph à accepter cette tâche, à laquelle il n’est nullement préparé, mentalement et intellectuellement, François Eulry nous décrit un homme marqué par la peur de ne pas être à la hauteur, par le doute, par des interrogations lancinantes sur l’efficacité du secours qu’il est censé apporter à ses compagnons de captivité.
Joseph trouve les voies et moyens pour porter ce message du christianisme ; il s’adapte à ce décor cruel et dramatique de la détention : « J’adaptais ma pastorale à ce que j’y voulais privilégier :la fraternité et l’amour du prochain, la solidarité, la convivialité ; je laissais de côté la foi. Paul s’en irritait ; en réalité, il n’en était pas mécontent :au moins je ne la travestissais pas. J’initiais toutefois les fidèles à la beauté des psaumes qui m’enrichissaient depuis l’enfance. »
Plus encore que l’enthousiasme généré par cette démarche de secours moral à ses compagnons, Joseph est marqué par la peur, le doute paralysant : « Oui, j’ai la frousse ; depuis le début (…) Jusque-là, l’action me la faisait refouler, je la dominais. Depuis que j’acceptai le premier rôle, quand je me voulais figurant, je ne la contrôle plus. »
On pense aux romans de Georges Bernanos traitant de la question de la transmission de la foi dans un univers déchristianisé, de la douleur de l’abbé Donissan, de sa fragilité intérieure …
François Eulry pose des questions décisives dans ce roman :sur la capacité de secours d’une conviction religieuse dans le contexte de la guerre, sur la vérité des êtres humains , le dévoilement possible de leurs secrets les plus intimes .Ainsi , Joseph recueille-t-il dans des pages émouvantes la confession d’Abel lui avouant son homosexualité .Les lecteurs férus de références théologiques et philosophies seront comblés :François Eulry évoque Martin Buber, Rachi, le théologien juif de Troyes , sans oublier d’émailler ses dialogues de citations de la Bible .
Un roman singulier, marginal, aux interrogations que d’aucuns pourrait trouver dépassées, mais un beau récit, éclairant sur l’âme humaine. A recommander pour l’effet de surprise que ce roman de manquera pas de produire à sa lecture.
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