"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Emily Dickinson aurait pu ne jamais être pour nous qu'un nom étranger. Celui d'une femme, américaine, moins connue pour son talent littéraire que pour avoir passé la majeure partie de sa vie confinée chez elle. Puisqu'elle s'était toujours farouchement refusée à voir ses écrits publiés, rares sont ceux qui savaient, de son vivant (1830-1886), qu'Emily était aussi une formidable poète. Peu avant son décès, elle demande à sa soeur Lavinia de brûler tous ses papiers personnels. Mais lorsque cette dernière découvre dans sa chambre des centaines de poèmes renversant de beauté, griffonnés sur des morceaux d'enveloppes ou d'emballages, elle est à la fois sidérée et incapable de lui obéir. Jusqu'où la volonté des morts peut-elle changer l'existence des vivants ? Ne pas les suivre, est-ce les trahir ? Et si les mots pouvaient faire revivre les disparus - et celles et ceux qui leur survivent ? Lavinia choisit la vie. Et décide de confier ces poèmes à deux femmes autrement endeuillées, d'abord sa belle-soeur, Susan, épouse de son frère, puis Mabel, maîtresse de ce dernier, pour qu'elles l'aident à les faire publier. Une ultime complice leur prêtera main-forte : Millicent, fille de Mabel, qui grâce à sa malice se révélera la plus juste lectrice de la « dame en blanc ». Tour à tour on les suit, Lavinia, Susan, Mabel et Millicent, dans une narration où surgit par endroits le je de l'auteure se joignant à elle pour les accompagner.
Dans ce roman profond et envoûtant, Dominique Fortier prolonge la vie d'Emily Dickinson en racontant la grande aventure qui mènera ces héroïnes anonymes à faire paraître ses poèmes pour la première fois. Texte lumineux sur le deuil, l'absence, la poésie, le pouvoir des mots et l'importance de la littérature, Les ombres blanches nous fait assister à la naissance d'une oeuvre qui aurait pu ne jamais voir le jour, et à la renaissance de trois femmes. On le lit comme on observe, au printemps, le retour de la vie. Ou comme on lit la poésie d'Emily Dickinson : avec bonheur et ravissement.
Emily Dickinson ombre blanche cloîtrée volontaire entre les quatre murs de sa chambre pendant de très longues années a écrit des centaines de lettres et autant sinon plus de poèmes posés en quelques mots, quelques lignes, sur une multitude de petits bouts de papier de toute sorte.
A son décès le 15 mai 1886, à Amherst, dans le Massachusetts, elle a demandé que toute sa correspondance soit brûlée, ainsi que tous ses papiers. C’est ce qu’a accepté de faire Lavinia, sa sœur, pour les lettres, nombreuses, les journaux intimes, mais le geste s’est fort heureusement arrêté là.
Pourquoi et par quel heureux hasard a-t-elle décidé de ne pas obéir à cette sœur singulière à qui elle n’avait jamais rien refusé ? Impossible de le savoir, mais pour notre plus grand bonheur elle a fini par réunir tous ces bouts de papier, chaque phrase, chaque mot, chaque respiration, chaque soupir d’Emily pour qu’ils soient retranscrits dans des livres.
C’est cette aventure incroyable que nous conte Dominique Fortier dans ce roman.
Pourquoi je l’ai aimé ? D’abord parce qu’il n’est ni une autofiction, ni une captation par un auteur de l’actualité, de l’air du temps, des catastrophes quotidiennes ou des malheurs du monde dont nous entendons parler déjà chaque jour aux informations.
J‘ai aimé cette singularité, cette originalité et surtout rencontrer Emily Dickinson, sa sœur, son frère, mais aussi Mabel, la maîtresse de celui-ci, sa nièce Millicent, les femmes de son entourage qui ont su comprendre l’importance de son œuvre et la faire parvenir jusqu’à nous. Si les premières retranscriptions ont été peu respectueuses des écrits d’Emily, modifiés, corrigés, en particulier pour les majuscules ou les tirets placés en apparence au hasard, la sténographie première de la poétesse lui a été restituée par la suite, offrant ainsi aux lecteurs une œuvre magistrale et unique.
Un roman qui sort du lot en cette rentrée littéraire, à la fois intimiste, poétique, délicat et intelligent.
chronique en ligne sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2023/03/07/les-ombres-blanches-dominique-fortier/
Après Les villes de papier, dans lequel Dominique Fortier imaginait la vie d'Emily Dickinson, elle s'intéresse dans Les ombres blanches aux "fantômes" qui écrivent et peuplent les livres.
Sans sa sœur Lavinia, son amie Susan et même sans Mabel, la maîtresse de son frère, l'œuvre d'Emily Dickinson ne serait jamais parvenue jusqu'à nous.
C'est l'histoire de ces femmes et leur rapport à la poétesse qui est au cœur de ce roman.
Alors que Lavinia et Susan souhaitent prolonger la présence d'Emily au travers de ses écrits, Mabel a un rapport plus égocentrique à ce livre auquel donner vie. Enfin Millicent, la fille de Mabel, ne connaîtra "Mademoiselle Emily" que de façon posthume mais non moins intense.
Texte lumineux, vivant et poétique, Les ombres blanches traite du deuil et de l'absence et touche au cœur.
A sa mort en mai 1886, Emily Dickinson laisse derrière elle des monceaux de papier. Lettres, écrits divers et surtout poèmes. Des dizaines de morceaux de papiers accumulés au fil des ans que sa sœur, Lavinia, va découvrir dans la chambre d’Emily. Les dernières volontés de celle-ci sont claires : elle a demandé que tous ses papiers personnels soient détruits. Mais Lavinia ne peut se résoudre à jeter au feu les centaines de papiers, notes, emballages, enveloppes sur lesquels Emily a jeté ses mots, formant autant de poèmes. Elle va même prendre la décision de les conserver et de les faire éditer. Avec l’aide de sa belle-sœur, Susan et surtout de la maîtresse de son frère, Mabel, les écrits d’Emily vont être classés, corrigés, regroupés pour les faire sortir de l’ombre.
Dominique Fortier reprend l’histoire là où elle l’avait laissé avec Les Villes de papier. A croire qu’on ne se débarrasse pas si facilement de l’envoutante Emily Dickinson. Elle raconte ici l’après Emily et interroge sur la naissance d’une œuvre. Car si Lavinia avait écouté sa sœur et respecté son souhait, jamais les poèmes d’Emily ne seraient parvenus jusqu’à nous. Si ces trois femmes ne s’étaient pas mobilisées pour faire émerger la voix d’Emily de ces centaines de papiers nous ne connaitrions rien de l’œuvre de la recluse d’Amherst.
Dominique Fortier rend ici un bel hommage à Lavinia, travailleuse de l’ombre, consciente du talent de sa sœur et de la valeur inestimable des écrits qu’elle laisse derrière elle. Peut-on lui en vouloir de ne pas avoir respecté les volontés d'Emily ? Clairement non. Que seraient devenus ces poèmes si Lavinia était partie avant sa sœur ? Est-ce qu’Austin, leur frère, aurait eu cette sensibilité et cette prescience qu’il y avait ici une matière admirable, vivante, qui exprimait miraculeusement la personnalité d’Emily ?
En parallèle, Dominique Fortier s’attache à nous décrire ces trois femmes réunies autour d’une mission commune. Lavinia donc, en sœur dévouée. Susan, la femme d’Austin et amie d’Emily qui souffre de l’infidélité de son mari mais aussi du deuil d’un enfant. Et Mabel, maîtresse d’Austin, habitée par les écrits d’Emily et qui permettra à ses poèmes de prendre forme.
C’est un véritable plaisir de retrouver la plume de Dominique Fortier qui sait si bien parler d’Emily Dickinson mais aussi d’amour, de deuil, de passions, de littérature, de filiation à travers le portrait de ces trois femmes qui ont côtoyé Emily Dickinson et grâce auxquelles elle a aujourd’hui toute sa place dans l’univers littéraire.
En 1890, à Amherst, dans le Massachusetts, Emily Dickinson est décédée à l’issue de plusieurs années de réclusion volontaire. Le chagrin est immense pour sa famille. Le vide que sa disparition laisse est peuplé des innombrables écrits disséminés sur des fragments de papier, perpétuant sa présence.
Mais que faire de cet héritage éclectique ? Si elle avait anticipé les choses pour son courrier et son journal, exigeant qu’ils soient détruits à sa mort, aucune consigne pour le reste.
La famille est unanime, il faut les publier. Mais la tâche est complexe. Parce qu’il n’existe aucun repère d’un quelconque classement ni même de ce qui doit être gardé ou supprimé. D’autre part, dans cette Amérique du 19è siècle, les écrits posthumes d’une femme se voient gratifiés d’emblée d’un mépris condescendant.
C’est Mabel, la maitresse du frère dEmily qui se sent investie des qualités nécessaires au défrichage de l’oeuvre. Son parcours brillant et sa proximité de la famille l’autorisent à s’emparer de l’affaire. Mais l’écriture d’Emily n’est pas simple. Entre les exigences de l’éditeur qui veut rendre les poèmes accessibles et les difficultés de Mabel pour comprendre intuitivement cette poésie, il faut une bonne dose d’obstination pour poursuivre, ou bien l’aide miraculeuse d’une enfant sensible…
C’est avec beaucoup de délicatesse que Dominique Fortier s’immisce dans l’entourage affligé de la poétesse américaine la plus célèbre. Elle restitue l’ambiance morose dans laquelle la perte d’Emily a plongé cette famille disparate. On partage les secrets d’alcôve et les regrets enfouis. On y lit aussi de nombreux extraits des écrits laissés par la recluse.
Le vide qu’elle a laissé, l’incertitude et les hésitations de la famille sur le devenir de l’oeuvre, la place d’une femme écrivaine à cette période de l’histoire, tout cela est abordé avec pudeur mais assurance. On devine à travers le récit l’admiration sans borne de l’autrice pour Emily Dickinson.
Très beau récit, indispensable pour tous les lecteurs fascinés par le destin de la poétesse et pour ceux qui souhaiteraient le découvrir.
256 pages Grasset 11 janvier 2023
#Lesombresblanches #NetGalleyFrance
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