Au cœur des questions de société contemporaines, un suspense haletant porté par une écriture au scalpel
Au cœur des questions de société contemporaines, un suspense haletant porté par une écriture au scalpel
La justice et les vies détruites qu’elle côtoie tous les jours sont au coeur des romans de Mathieu Menegaux. Entrelaçant deux affaires de violence routière, son septième ouvrage met à l’honneur la justice restaurative encore peu pratiquée en France.
L’on pourrait s’y méprendre et croire longtemps que les deux voix qui entrecroisent leur histoire sont les deux parties d’une même affaire. Mais, dans un cas, la victime est une jeune fille de seize ans qui roulait à vélo, dans l’autre, un adolescent percuté sur son scooter. Les chauffards ont tous deux pris la fuite, abandonnant les jeunes gens à leur mort, mais l’un s’en est sorti avec un bracelet électronique, l’autre, parce qu’un célèbre humoriste venait de défrayer la chronique, avec la peine maximale de sept ans d’emprisonnement.
La première voix est celle d’Anna, la mère qui, dans sa détresse et sa colère, attend réparation de la justice. Celui qui lui a volé sa fille doit souffrir un enfer au moins semblable au sien. Désespérément longue à venir, froidement jargonneuse et distanciée, et surtout injustement laxiste à ses yeux, la condamnation décidée par le tribunal la dévaste. Pour elle, c’est le deuil à perpétuité ; pour le coupable, la liberté, même si sous surveillance électronique.
De l’autre côté, celui de ceux qui ont basculé au revers de la société, derrière les barreaux de ce qu’il faut bien appeler l’enfer carcéral, se fait entendre la seconde voix du roman. Paul n’est plus que culpabilité cuisante. Et si l’on compatit sans peine à la souffrance d’Anna, l’on finit par ressentir aussi une forme d’empathie pour cet homme jusqu’ici sans tache, qu’une grave erreur, un soir trop arrosé, a éjecté du monde humain. Sa femme a divorcé, il ne voit plus ses filles et sombre dans le désespoir. Pas un jour où le personnel carcéral ne sonde ses éventuelles intentions suicidaires.
Alors, se référant à Badinter qui insistait sur le droit à réparation et sur la différence entre un monstre et un homme qui a commis un acte monstrueux, Mathieu Menegaux se fait dans cette histoire l’avocat de la justice restaurative. Certes un peu trop miraculeuse dans ce roman où un seul entretien suffit à dénouer les impasses où les deux personnages se trouvaient enfermés, cette pratique complémentaire de la justice pénale consiste à offrir un espace de dialogue, encadré par un médiateur, où victimes et auteurs, pas forcément d’une même affaire, peuvent échanger sur leurs ressentis et leurs attentes. Cette libération de la parole s’avère essentielle à la reconstruction des victimes, tout comme à la responsabilisation, et donc à la réintégration, des auteurs.
Toujours juste et irréprochablement empathique, l’écriture fluide et efficace de Mathieu Menegaux explore sans pathos la douleur de ses personnages dans un récit poignant menant au final à une réflexion de fond sur la justice. Où que l’on place le curseur, le plus souvent au gré des pressions politiques et médiatiques, entre laxisme et punitivisme, l’on perd trop souvent de vue un objectif primordial : la reconstruction des victimes et des auteurs d’actes délictueux et criminels. Un bel hommage en passant au si progressiste et humaniste Robert Badinter.
Elle c'est Anna, une mère qui a perdu sa raison de vivre lorsque sa fille a été percutée par un chauffard et laissée pour morte sans secours au bord de la route.
Depuis, elle ne tient que par le combat qu'elle mène pour que ce meurtrier puisse finir derrière les barreaux d'une prison.
Combat inutile à ses yeux puisque ce chauffard qui avait bu et s'était enfui sans porter secours à sa fille n’a écopé que d'une peine bien trop légère pour qu’Anna puisse s'en satisfaire. Mais en fait, peut-on jamais se satisfaire du résultat quel qu'il soit lorsque le pire nous est arrivé.
Lui c'est Paul. Un conducteur qui a pris la route après un dîner arrosé, a percuté un jeune homme et l'a laissé pour mort au bord de la route sans lui porter secours.
Depuis, sa famille, son travail, sa vie, tout s'est brisé, tout s'est écroulé, et il purge une peine de prison exemplaire. Au fond de sa cellule il se demande comment il pourrait réparer ce qu'il a fait. Comment il pourrait sortir meilleur de cette peine de prison exemplaire qui lui a été donnée alors que pour autant la société ne le prend pas en charge pour que l'attitude qu'il avait eue, et que d'autre comme lui ont eue, change et que sa condamnation serve a quelque chose.
Mathieu Menegaux aborde le difficile sujet des coupables et des victimes, la façon dont la justice est rendue. Puis le comment agir pour que les détenus soient réellement pris en charge pour que tout change.
Impossible de se mettre à la place de ces personnages que tout devrait éloigner mais qui pourtant se rapprochent. Et c'est grâce à cette justice restaurative dont je n’avais quasiment pas entendu parler mais qui pourrait permettre de changer la façon qu'ont les uns et des autres de se juger.
Punir les coupables et les laisser sans leur permettre la moindre possibilité de réparation, ou tenter de faire avancer les uns et les autres vers une meilleure compréhension de chacun. Voilà une vraie question, hélas sans beaucoup de réponse tant le nombre de personnes affectées à ce type de solutions est dérisoire, et les budgets ne sont pas près d’être favorables à un déploiement en nombre.
J'ai trouvé intéressante cette approche de l'auteur, sa façon de voir et entendre la mère de la victime. Elle aussi victime endeuillée qui tente d’obtenir réparation pour une perte qui ne pourra jamais être comblée.
Puis son approche d'un chauffard coupable qui peu à peu prend toute la mesure de son acte, et des manques de la société pour faire évoluer ces situations.
Un sujet grave et difficile, traité ici avec une forme de distance mais peut-il en être autrement, et cependant une grande humanité.
https://domiclire.wordpress.com/2025/02/14/impardonnable-mathieu-menegaux/
Lucie est morte à seize ans, victime d’un chauffard qui l’a renversée, alors qu’elle circulait à vélo. Anna (sa mère) divorcée d’Antoine (le père, qui la considère – depuis toujours – telle la responsable de tous les malheurs du monde …) va devoir affronter cet (insurmontable) deuil, en compagnie de son fils ainé, Adrien (vingt ans) Pour Anna, la vie n’a plus de sens …
Paul réalise qu’il a foutu sa vie en l’air pour quelques verres d’alcool. Il a tué un jeune garçon et a pris la fuite, pour finalement se rendre le lendemain. Les parents de la victime sont dévastés … Condamné à sept ans de prison ferme, ce dirigeant d’entreprise a tout perdu : sa femme l’a quitté en emmenant leurs enfants. En un simple claquement de doigt, sa magnifique situation, ses biens, son prestige se sont envolés en fumée …
Paul ressemble terriblement à l’homme (Bernard Cambier) qui a tué Lucie (et s’est enfui, tout comme il l’a fait …) Après le jugement de Bernard Cambier (qui a été condamné plus légèrement que lui) Anna va rencontrer Paul (trois ans après la mort de sa fille) lors d’un projet de justice restaurative. Une expérience – pour ne pas dire une épreuve ! – afin de tenter de comprendre l’autre, sans pardonner (l’impardonnable) pour autant …
Mathieu Menegaux nous livre un pénétrant roman. Autant que clairvoyant. Sur la profonde souffrance des proches de victimes et de l’enfer qui leur faut traverser. Lucide également sur la non moins terrible culpabilité éprouvée par des criminels de la route, coupables d’un comportement parfaitement intolérable. Qui a brisé net une existence et explosé du même coup, la leur et celle de leur entourage. Leur enfer, ce sera l’incarcération et les remords …
C’est avisé, intelligent, bouleversant et sagace. J’aurais toutefois aimé – je l’avoue – que la partie concernant la « justice restaurative » soit un peu plus développée par l’auteur.
Je remercie vivement la Masse Critique Littérature de Babelio ainsi que les Éditions Grasset de m’avoir permis de découvrir ce bel ouvrage.
J’ai découvert Mathieu Menegaux avec Femmes en colère et Impardonnable est un roman aussi intense, aussi bouleversant. L’auteur interroge la justice et ses failles, la culpabilité et la rédemption, le pardon et ses limites, et avant tout le deuil.
Deux voix, deux solitudes, deux destins fracassés : Paul, un coupable, et Anna, une victime par procuration.
« Depuis l’accident, puisque c’est ce mot que les autres emploient pour désigner la tragédie, les gestes du quotidien lui semblent vides de sens. À quoi bon s’obstiner à préserver le noir dans une chambre où l’on ne dort plus ? Pourquoi se lever, s’habiller, se nourrir, se brosser les dents, se laver, sortir de chez soi, travailler, alors que tout est si vain, absurde, brutal ? »
Lui, un homme ordinaire dont la vie bascule en une seconde d’égarement : un accident, la mort d’un adolescent, la peur, la fuite. Sept ans derrière les barreaux pour expier une faute qu’aucune peine ne saurait alléger.
Elle, une mère brisée, dont la fille a été fauchée par un chauffard qui, lui, n’a pas connu la prison. Depuis, sa colère la consume.
Ils se rencontrent dans le cadre de la justice restaurative, une rencontre où les mots deviennent des armes ou des baumes, où la confrontation est peut-être la seule issue possible.
« Je crois que c’est ça que j’ai appris lors de ces rencontres, Anna. Ce ne sont pas des monstres. Ce sont des hommes, qui ont commis des actes monstrueux.
Et c’est très différent. »
Comme dans Réparer les vivants de Maylis de Kerangal, où l’indicible douleur côtoie le besoin de donner un sens à l’irréparable, Impardonnable met en scène des personnages prisonniers de leur souffrance. Menegaux excelle dans l’analyse des émotions à vif.
« Des existences cabossées qui retrouvent un sens, des plaies qui se pansent et l’espoir qui permet de sortir de la nuit noire. »
La structure chorale renforce l’intensité dramatique : d’un côté, Anna, écrasée par la perte, qui oscille entre fureur et résignation. De l’autre, Paul, rongé par la culpabilité, qui cherche désespérément à comprendre s’il peut encore être un homme « meilleur ».
Le roman est également une réflexion sociale sur notre système pénal. Punir suffit-il à réparer ? Quel en est l’intérêt ? Peut-on demander à une mère de pardonner la mort de son enfant ? À un homme d’être réhabilité quand il ne se pardonne pas lui-même ?
« Et je continue à noircir des pages, sur ce cahier d’une part et sur un autre carnet, dans lequel je consigne toutes les absurdités de notre système carcéral, ainsi que des propositions pour y remédier, histoire de ne pas être cantonné à un brillant diagnostic, ce qui me rendait fou déjà dans le monde professionnel. Chaque fois qu’on faisait venir des consultants, experts dans l’analyse de la situation et incapables d’apporter des solutions au-delà des “bonnes pratiques”, je finissais par m’emporter. Je ne sais pas encore ce que j’en ferai, de ce carnet, mais plus ma détention avance plus j’ai envie, besoin, de lui donner du sens. »
Dans cette nuit noire où tout semble figé, une fenêtre s’éclaire, celle de la résilience.
Impardonnable : un roman bouleversant sur le deuil, la culpabilité et le pardon.
#Impardonnable #NetGalleyFrance
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