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« Et je me mettais à croire, jusqu'à la conviction, moi qui gribouillait un peu en marge du jardin, qu'il devait en aller de même pour les écrivains, qu'il devait y avoir en eux un jardinier qui s'ignorait, pour ce soin que les jardiniers du temps prenaient à l'expression d'un visage intérieur, pensant donc, ce soir-là, sous les cris aigus d'un pic-vert venu naïvement soutenir de ces yeux noirs et fixes mon argument par une station impromptue et fulgurante sur le gazon, qu'il en allait des vrais écrivains comme des vrais jardiniers, quelque ait été l'importance, en volume, de leur oeuvre, la dimension ou l'extension comptant pour rien dans cette histoire qui était avant tout une histoire d'attitude et de convictions profondes, de nécessité intérieure, qu'ils devaient être jaloux de ce fort intérieur, pour reprendre une vieille expression rendue désuète par les effets de masse, qui les dressait dans le chemin, l'oeil insatisfait, le souci permanent, se consolant mal de n'être pas vus comme ils l'eussent dû dans ces excroissances venues de loin ; ce qui me ramena à l'esprit un commentaire qui fut fait à propos de mon retrait : "En fait peu de gens le connaisse vraiment" dans quoi me parut tenir, y pensant ce soir-là, avant de rentrer, la nuit tombant, l'équilibre incertain et fragile du jardinier et de l'écrivain. » Un homme, retiré des affaires, se consacre à son jardin tout en écrivant.
Il ne se croit ni jardinier ni écrivain : simple honnête homme, capable de labeur et d'endurance.
Le culte profond de la solitude, l'insidieuse mystique qu'il noue avec sa propre création, l'effet même du silence l'enferment peu à peu dans une sorte d'invisibilité irrésistible.
Voilà qu'il se surprend à douter de ce que le monde peut percevoir et recevoir de lui : qui pourra jamais témoigner de l'étendue de son « don », de ce qu'il donne comme de ce qu'il s'efforce de « nommer » tel Adam dans le premier « jardin » de la Création. Ni les journalistes qui se penchent sur ses textes ni les visiteurs qui s'aventurent sur son domaine ne semblent le « reconnaître. » Le jardin se découvre à l'image de la création littéraire : un champ de forces énigmatiques, de longue haleine, dont le « touriste », l'homme de peu de foi, « le lecteur de surface » ne peut qu'être... chassé.
Abandonnant l'artiste à son rêve divin, seul, le plus souvent incompris mais non dénué d'âme et de lumière.
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