"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Adieu érotisme fantasmé d'un Orient de légende, complaisamment fabriqué, servi réchauffé par des générations d'érotomanes de cabinet. Place à l'obscénité du réel, à la satire brutale des copulations, à la dérision des postures les plus dégradantes, aux vices et à l'interdit. Épître de la queue et Douze séances salées (l'un persan et l'autre ottoman d'expression arabe) s'inscrivent dans la tradition séculaire du hazl, l'obscénité divertissante. Ils sont inconnus en Europe (et avec eux l'immense corpus auquel ils appartiennent) parce qu'ils choquaient les orientalistes d'alors. Ces prudes philologues occidentaux ne voyaient dans cette pornographie burlesque qu'une perversité au mieux condamnable. Il s'agit bien de pornographie, genre mineur et grossier, mais de la pornographie comprise comme un des beaux-arts. Ici, l'obscénité est un divertissement de lettré, cultivé, subtil et intertextuel, qui utilise toutes les ressources de la poésie, du pastiche, de la satire, de la charge et du mélange. Évidemment, le vocabulaire est cru, vulgaire ; on ne nous épargne aucun fluide, aucune déjection, aucune perversion. Ces deux lointains cousins des auteurs de L'Album zutique nous montrent que nous n'avons pas le privilège de l'humour gras, bien au contraire, et que ce que d'aucuns se plaisent à appeler «culture musulmane» n'est ni aussi uniforme, ni aussi islamiste que certains voudraient nous le laisser croire.
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