"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
M est le narrateur de ce thriller original mêlant des thèmes, apparemment sans lien, comme l’art, la légion étrangère et la finance pour un résultat captivant et fascinant.
Écrit à la première personne du singulier, j’ai eu l’impression moi-même de recueillir les confidences de ce narrateur, autour d’un verre dans un endroit isolé aux coins d’un feu, un soir d’hiver.
Suscitant la réflexion quant à notre monde antagoniste entre l’hyper-connexion et l’hyper individualisme ainsi que la surconsommation menant doucement notre société à sa propre perte.
M nous narre son enfance, entouré d’un père violent et alcoolique et d’une mère absente, avant de faire le choix de rentrer dans la légion étrangère où une rencontre déterminante va changer sa vie : celle avec Mémé, un soldat qui lui donne l’amour des livres et de la littérature. Mais il y a aussi sa « seconde vie » après la légion, celle de peintre anonyme hautement coté sur le marché de l’art ainsi que le monde des fonds de placement et les data-centres.
Pouvant sembler pessimiste à bien des égards comme vision de la société, ce livre est pourtant hélas bien réaliste sur de nombreux points.
Le milieu financier n’est pas un sujet dont je maîtrise les ficelles ou qui me fascine vraiment et malgré tout, l’auteur Guillaume Lafond m’a rendu cela accessible et très intéressant.
Après un premier roman, « La correction », qui m‘avait déjà beaucoup plu, son second est encore plus addictif. Dorénavant, Guillaume Lafond fera partie des auteurs français à suivre et dont j’attendrai le prochain roman avec impatience.
Le premier roman de Guillaume Lafond, La correction, était décalé, étrange et m'avait fait forte impression. Je ressors tous ces qualificatifs pour son deuxième roman, qui en outre oscille entre un roman et un thriller. Un roman sur base de thriller ou un thriller littéraire ? De nouveau, l'auteur interroge notre monde qui ne semble pas se diriger vers le meilleur. La course éperdue au progrès, aux innovations, à toujours plus de possessions matérielles, financières nous mène dans le mur à grande vitesse.
Il commence par l'enfance du légionnaire-peintre, violente : "Abruti par plusieurs générations paysannes autochtones, mon père était un taiseux, solitaire et asocial ; sa dépendance à l'alcool avait grandi avec le rétrécissement de son être et le rendait colérique et brutal. Il m'avait frappé pour la première fois lorsque j'avais neuf ans, après une soirée arrosée au bar du village. Dès qu'il était aviné, je devenais le responsable de son mal-être et de sa rancœur. Ma mère n'était pas victime de sa violence et ne s'était jamais interposée ; elle était inculte, lâche et bigote, préférant nier sa responsabilité dans un confessionnal." (p.14/15) Puis ce seront les années de légion, et son amitié avec Mémé qui lui fait découvrir la littérature, la culture et l'ouvre à la curiosité et à la découverte. L'après légion, c'est la peinture, et de là, partiront une foultitude d'événements que je ne peux ni ne veux décrire ici. Guillaume Lafond nous emmène loin, dans les méandres du monde de l'art et dans celui des data centers et des fonds de placements. Dans le monde des spéculateurs sans scrupules qui ne pensent qu'à gagner davantage sans se préoccuper des conséquences sur la population. Très bien expliqué, on ne décroche pas, je dirais même qu'on ne veut pas décrocher, parce que le suspense est haletant. Puis il y a le légionnaire, cet homme brisé qui trouve un but. Formidablement creusé, énigmatique, souhaitant parfois l'anonymat, d'autres fois la gloire, il est ambivalent mais sait comment mener son projet jusqu'au bout.
Ce très beau et très bon roman, à l'écriture qui emporte, de laquelle il est difficile de sortir, dit les choses les plus horribles avec une grande beauté, directe, crue. Il dit comment nous ne sommes plus maîtres de nos destins, comment nous subissons les lois des plus riches, des plus puissants. Comment l'envie de tout révolutionner est là, tout près, on pourrait la toucher du doigt, il ne manque pas grand chose pour qu'elle prenne forme et que le grand chamboulement advienne. La liberté face à tous les dogmes, à toutes les doctrines, qu'elles soient économiques, politiques ou religieuses... Ni dieu ni maître...
L’éminente littérature !
Prodigieux,spéculatif, une plongée en apnée dans « La colère selon M », dans les profondeurs d’un chef-d’œuvre. L’humanité comme une force. Les émotions comme une vie en veille.
Magnétique, fascinant, viscéral, intègre, ce livre est d’ombre et de lumière. Essentielle et mélancolique, la déambulation est-elle qu’on ne lâche pas la main de M. Il semble notre héros, notre grand frère. À l’instar d’un ami qu’on attend les soirs d’hiver avec un thé brûlant. Un rituel, une visite riche de connivences.
M. est le narrateur. Le « je » de ce livre qui déploie sa vie et ses intériorités gorgées de pluie.
« Ma pénitence touche à sa fin. Il aura fallu plusieurs vies et un destin chimérique pour que mon mépris et mon ressentiment trouvent à s’accomplir. Le bateau me conduit à Amorgos, dans les Cyclades ».
M. conte. Son enfance lacérée par son géniteur. Un homme mutique, alcoolique et violent. La lâcheté omniprésente sur ses lèvres. Il vit à Rouffiac dans le Cantal, « déserté et sans horizon », jusqu’à ses quinze printemps. Le jour de trop, celui où son père le frappe et où M. réagit et laisse son père quasi mort dans les bois. Il va fuir. Flirter avec la ligne jaune. Chercher le pain pour la faim et l’eau pour la soif. La tendresse sera peut-être pour plus tard, pas tout de suite, pas maintenant. C’est un jeune homme qui va mûrir sous les difficultés et ses quêtes intérieures. Le Cantal n’est plus. Seules les senteurs boisées, les chemins croisés, les brouillards épais sur les monts sont les souvenirs dont le croustillant lui manque. L’impossible retour, les dérives assassines et le corps ployé par les affres insidieuses. L’écriture est un palais d’honneur. L’adolescent rebelle, quelque peu agressif, « je restais prisonnier de ma propre indigence », s’évade et se cherche. Il ne voit pas sous le flou des regards, mais pressent « la Légion » comme une métamorphose. Il est temps. Il allait sombrer sur la mauvaise rive. Il reçoit son képi blanc le 3 février 2003. Légionnaire attentif à la passation d’un changement pour lui-même. Il écrit à sa mère, lui dire, qu’il frôle l’âge adulte et sa plausible sagesse. Il va rencontrer l’ami. Le vénérable ami, son sauveur : Mémé. Un homme d’Ouganda et anglophone. Plus âgé, plus serein et plus maître que lui. Ils vont être liés à la vie. Le pacte d’une rémanence liane. Mêler leurs souffrances ancestrales, le Rwanda et ses folies meurtrières, les coups d’un père, l’alliage des douleurs. Le récit décline le pathos. Nous sommes dans un olympien des beaux sentiments nobles. L’exaltante camaraderie, dans cette fraternité innée. Taire la suite. Lisez ce livre, amis.
Sachez que la rencontre avec M. et Mémé n’aura pas de fin.
M. va être blessé gravement. « Les visages des popes sont blêmes ». M. qui n’aura de survivance que par Mémé. Les rappels pavloviens comme des chapelles en haute montagne.
Amputé, balafré, la mort comme du verre brisé sous son corps. Il est ici. De retour dans dans le Cantal. « Mes géniteurs ne me laisseraient pas en paix tant que je n’aurais pas rendu à leur foyer le plus méticuleux hommage . Alors le coucher de soleil sur les monts du cantal est venu saluer mon repos ».
Le fil d’Ariane est invincible. Mémé, Georges, le seul qui franchira l’antre bergère, le seul qui verra les peintures sublimes, pictural du sang de Mémé, et qui ne doutera jamais.
« Georges était leur récipiendaire bienveillant. Me confier à lui était salutaire ».
Georges est celui qui bâtira le triptyque de ce récit. Trois hommes avec leurs destinées entrelacs. Georges, lui aussi, avec le poids du monde sur les épaules. Celui de la finance. M. et sa colère sourde, ses choix et son éthique coûte que coûte. Le basculement d’une renaissance belle à couper le souffle.
Ce livre est une madeleine de Proust. Un outil pour demain. Le chaos sociétal qui décroche les peintures du ciel. Mais l’homme devenu veille. La Grèce et sa langue salvatrice. Chacun des chapitres octroie une clef. Prenez en soin.
« La colère selon M » est un livre qui donne des forces. La définition même de l’envol. Un livre qui relie au présent. Une épopée humaine, vertigineuse que l’on serre dans nos bras.
Après « La Correction » en 2021, « La Colère selon M » est digne d’un génie évident. Publié par les majeures Éditions Intervalles.
Et si le libre arbitre que nous pensions tous posséder n’était au final qu’une pure fiction? Et si nos actes n’étaient finalement pas seulement dûs à notre volonté mais fortement guidés par une sorte de main invisible ? Guillaume Lafond imagine dans son roman, « La correction », une société secrète œuvrant dans l’ombre pour mettre en garde certains individus afin qu’ils cessent de nuire autour d’eux.
Premier livre de l’auteur et pourtant, il nous met déjà la barre haut par la qualité de son récit. J’ai fortement apprécié ma rencontre avec ses personnages, souvent torturés, qu’on adore détester mais surtout unis autour d’un évènement commun dont il faut arriver aux toutes dernières pages pour en connaître ses tenants et aboutissants. Le mystère est entier et ce n’est pas le prologue qui vous aidera à vous éclairer lors des premières pages.
En parlant du prologue, ne vous laissez pas surprendre par son côté un peu complexe qui pourrait vous effrayer et vous stopper dans la lecture de ce livre, car indéniablement vous passeriez à côté d’une très bonne surprise. Au contraire, une fois terminé, vous reviendrez sûrement à ce prologue, une fois le livre achevé et vous en comprendrez alors toutes les petites subtilités qui étaient pourtant devant vos yeux dès le départ.
L’histoire est ensuite contée sur et par chacun des protagonistes. Changeant de style pour coller au mieux à leurs psychologies, l’auteur effectue un travail de haut-vol qui aurait pu le mener à la schizophrénie. Heureusement, ce n’est pas le cas ;) Distillant à chacun des chapitres de menus détails pouvant sembler anodins, ils se mettront en ordre comme lors de la révélation finale d’un jeu de puzzle.
Se lisant et se dévorant comme un roman noir, cette fine critique de notre société actuelle est peinte en filigranes, même si le livre ne compte que 160 pages, bien savoureuses néanmoins et finalement, une oeuvre de fiction nous amenant bien à la réflexion. Un auteur dont il faut retenir le nom!
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