"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
On ne sait jamais trop quand défilera le carnaval chinois dans le quartier de Saint-Ambroise. C'est en tout cas l'hiver, un jour de janvier ou février. Un jour comme les autres pour Ézéchiel qui, depuis la mort de son père, occupe les longues journées qu'il ne passe plus au lycée en fantasmes flamboyants et débridés. Ézéchiel qui, de questions sans réponses en désirs sans fond, s'épuise à comprendre un monde qui se dérobe. Tandis que l'insaisissable Melsa Coën prend peu à peu, dans ses rêveries, la place d'une mère absente à tous comme à elle-même. Seule sa sour maintient le lien comme elle peut, continuant pour Ézéchiel le récit de sa vie au loin, perchée « dans une cabane dans les arbres ».
C'est pourtant ce jour-là, au son des gongs et des cymbales, que choisit le funeste Demontfaucon, alias Nosferatu, pour revenir prêcher sa haine.
Dans ce roman écrit dans l'énergie syncopée de l'improvisation, tout commence dans le grand balancement du désir et de la répulsion qui porte les personnages de cette nouvelle dramaturgie urbaine.
Auteur de nombreuses pièces de théâtre jouées un peu partout dans le monde, Koffi Kwahulé, né en Côte d'Ivoire en 1956, se réclame volontiers du jazz, avec ses fractures sur fond de basse continue. Lauréat 2006 du Prix Ahmadou-Kourouma pour son roman Babyface, Grand Prix ivoirien des Lettres la même année, Koffi Kwahulé a également reçu en 2013 le Prix Édouard-Glissant, destiné à honorer une ouvre artistique marquante de notre temps.
Nouvel an chinois est son troisième roman.
Étrange livre que voilà. Difficile de se frayer un chemin balisé entre les rêves, les fantasmes, les délires, la réalité -fictionnelle- de la vie d'Ézéchiel. Je pourrais résumer mon impression par un dialogue du livre lorsqu'Ézéchiel lors d'une soirée dit qu'il lit un roman africain :
"Vous aimez ?
Je ne comprends pas tout. (...) Ça parle d'identité... (...) C'est marrant, enfin je veux dire joyeux. Un peu compliqué parfois, mais ce n'est pas grave. Parce que le vrai sujet du roman, c'est la langue. Parler comme si on faisait l'amour. Ça doit être compliqué d'écrire aussi simplement." (p.138)
Ce roman entre le rêve et la réalité est écrit dans un style étonnant, Ézéchiel en est le narrateur, qui passe du "je" au "il" sans que cela ne gêne le lecteur qui s'y retrouve toujours. Certaines pages sont néanmoins déconcertantes, d'autres absolument magnifiques.
Une histoire elliptique, très imagée, notamment lorsque pour évoquer la masturbation, Koffi Kwahulé parle de prière ou de méditation, une métaphore qui dure jusqu'à la fin du roman : "Aussi ses séances où le plaisir était constamment différé constituaient-elles à ses yeux une prière. Une prière à lui-même adressée. Une profonde méditation. Plus la séance durait, plus la jouissance et surtout le sperme lui paraissaient de meilleure qualité. Au fond de lui-même, depuis la découverte de cette maîtrise de soi, cette recherche d'équilibre, Ézéchiel se considérait comme un moine des temps modernes. Certains jours, Ézéchiel priait plus que de raison." (p.28)
Je ne connaissais pas l'auteur, qui écrit là son troisième roman mais qui est plus connu pour ses nombreuses pièces de théâtre ; une découverte marquante.
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