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Dans une chambre d'hôtel de Madrid, Santiago Biralbo, pianiste de jazz, raconte par bribes à un ami l'histoire de son amour pour Lucrecia, commencée cinq ans plus tôt à Saint-Sébastien. Quinze jours de passion fulgurante, le brusque départ de Lucrecia pour Berlin, quelques lettres, et le silence. Elle réapparaît cinq ans plus tard à travers une mystérieuse lettre en provenance de Lisbonne. Il n'en fallait pas plus à Biralbo pour se lancer à nouveau dans cette dangereuse passion.
Je suis un fervent admirateur de Munoz Molina, nullement rebuté par la longueur habituelle de ses phrases. Je le trouve excellent pour décrire les sentiments et les émois amoureux, j’aime les romans noirs et j’ai souvent rêvé d’être un pianiste de jazz, coincé entre un verre de bon whisky et une chanteuse appétissante…un peu comme Jeff Bridges dans Suzie et les Baker Boys, voyez.
Tout ça pour venir vous confier que je n’ai pas vraiment aimé L’Hiver à Lisbonne, bizarre, non ?
Quelque chose n’a pas fonctionné et j’ai du mal à savoir quoi. Peut-être le procédé qui donne la parole à ce narrateur dont on ne sait rien, qui semble ne rien éprouver et qui ne semble là que pour faire écran, pour épaissir un mystère qui, finalement, ne l’est peut-être pas tant que ça. L’écriture est toujours de qualité avec, me semble-t-il, des phrases plus courtes que d’habitude.
L’aspect musical n’est pas enthousiasmant, tout comme la description bien succincte de Lisbonne (que je ne connais pas) ou de San Sebastian (que j’ai connu). On en reste souvent à des ambiances nocturnes plutôt réussies, d’autres lecteurs ont dit en noir et blanc ce qui est bien observé.
L’histoire d’amour souffre à mon avis de n’être vue et contée que par ou pour le narrateur, vague compagnon de bar, froid et distant. Ce qui offre l’avantage d’augmenter la part de mystère de l’intrigue contribue également à édulcorer la passion amoureuse que Molina sait, en d’autres romans, si bien décrire. Quant à l’intrigue de ce roman noir, elle me semble aussi légère que les volutes de fumée de cigarettes qui obscurcissent les bars que fréquente le pianiste, et presque aussi maladroite que les méchants qui le traquent.
Un roman de jeunesse, une tentative à contre-emploi ? La preuve que réussir un roman noir n’est pas aussi facile qu’on le croit ? Je cherche des excuses, non pas à l’auteur, que j’apprécie énormément d’habitude, mais à moi et à ce que je viens de vous confier. Ma position est bien inconfortable et j’ai conscience de m’enfoncer un peu plus en tentant de me dédouaner avec les quelques bribes de latin qui me restent : « Qui bene amat bene castigat. »
Mon prochain Munoz Molina : Pleine Lune, on en reparlera, si vous voulez.
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