"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Frappée d'amnésie, hantée par d'insoutenables cauchemars, Naëlle, malgré l'aide de Simon, n'a plus goût à la vie. Son compagnon l'incite à entreprendre un trekking méditatif en Bolivie, pour échapper à ses tourments et tenter de cicatriser ses blessures émotionnelles. Loin des sentiers touristiques, au coeur d'une nature spectaculaire, Naëlle va chercher à se reconstruire, tenter de remonter la chaîne du souvenir. Ayant atteint la communion avec la faune et la flore tropicale, elle parviendra au cours d'une transe à renouer avec son passé refoulé. Mais Simon la croit disparue, en danger. Commence pour lui une quête non moins initiatique.
Naëlle est une jeune femme perturbée. Amnésique, ses nuits sont perturbées par les cauchemars. Elle ne peut vivre pleinement son amour avec Simon, un écrivain à succès qui l'a prise sous son aile et qui fait son possible pour lui faire reprendre goût à la vie. Après de multiples séjour en asile psychiatrique, Simon en accord avec les médecins, propose à Naëlle de partir seule en Bolivie, pour un trekking méditatif en espérant que ce séjour, par l'introspection et la magie des paysages, l'aide à recouvrer la mémoire.
Naëlle quitte donc la Belgique, mais le voyage organisé, ne répond pas à ses attentes, la méditation de pacotille proposée la laisse froide, elle reste à l'écart du groupe, surveillée du coin de l'oeil par Manko, un guide indien loin d'être insensible à son charme et à sa personnalité. Les seuls moments où elle se sent bien, sont les moments de marche dans le désert salé, seule avec ses pensées. A la fin du séjour, alors qu'ils ont trois jours de quartier libre, Naëlle part à l 'aventure et est victime d'un accident . Elle est recueillie et soignée par des indiens. Va alors commencer pour elle une aventure qui va la plonger dans la forêt amazonienne, lui faire vivre des expériences chamaniques. Elle va partir à la recherche de son histoire, des ses blessures au travers de périodes de transe.
"Il lui semblait que la chanson du vent, coursant les nuages, avait aboli le temps, absorbé le superflu, ne restait que l'essentiel : être là... tenter d'être là. Ce qu'elle voulait c'était rejoindre les autres dans la vrai vie, ne plus fuir le réel et arriver à faire comme eux."
Pour les organisateurs du trekking, Naëlle a disparu. Ils préviennent Simon de la disparition de son amie. L'écrivain prend le premier vol et guidé par Manko, lui aussi très motivé pour retrouver la jeune femme dont il est tombé amoureux, ils vont partir à la recherche de la jeune femme.
Dans Les murmures de la terre nous assistons à la quête d'une femme. Naëlle part à la recherche d'elle même. A la recherche d'un passé oublié mais qui la hante. Elle part à la recherche de ses traumatismes d'enfance pour se réapproprier sa personnalité, son corps mis de côté, pour enfin vivre sa vie de femme. Elle va le faire en communion avec la nature, en se plongeant dans les pratiques d'un peuple millénaire qui lui, n'a pas oublié que l'homme est un chaînon de cette nature, qu'il est relié à elle, connecté à tous ses éléments. Une nature qui leur donne ce qu'il leur faut pour vivre, pour se soigner. Une nature en danger, menacée par la course au profit des sociétés dites civilisées.
Les murmures de la terre est un roman passionnant, dépaysant. Un roman porté par un style précis et plein de poésie. Un style très sensuel qui m'a happé, me plongeant dans cette nature, tour à tour désertique et luxuriante, je la voyais, tant elle est décrite avec précision, je la sentais, j'entendais les sons qui l'animaient, j'avais l'impression de presque pouvoir la toucher physiquement, d'en ressentir l'aridité ou l'humidité. Le lecteur vit les expériences chamaniques de Naëlle, comme s'il y était, à la fois de manière extérieure ( le son lancinant des tambours et des chants) et intérieure (les visions de Naëlle et les émotions qu'elles provoquent). Ce livre est le deuxième tome d'une trilogie mais peut très bien se lire indépendamment, c'est d'ailleurs ce que j'ai fait puisque je l'ai commencé alors que je l'ignorais. Tome 1 Comme des larmes sous la pluie Tome 2 Les murmures de la terre Tome 3 Là où la lumière se pose. Deux autres tomes que je lirai rapidement tant j'ai pris de plaisir à cette lecture.
Ce roman est le deuxième d'une trilogie qui commence avec Comme des larmes sous la pluie -que je n'ai pas lu- et qui finit avec Là où la lumière se pose -dont je parlerai très bientôt, puisque je viens d'en entamer la lecture. Une trilogie qu'on peut suivre de bout en bout, ou bien prendre en cours comme moi ou n'en lire qu'un seul sur les trois, chaque opus étant relié et indépendant. Vendu en quatrième de couverture comme un "thriller amoureux", je me demandais bien dans quoi je m'étais embarqué -je dois dire que la dédicace enthousiaste de l'auteure et la joie (dans le tome suivant) de retrouver brièvement les personnages du dernier roman de Francis Dannemark, Aux Anges (j'en parlerai plus dans mon prochain billet) ont été les deux gouttes d'eau qui ont mis le feu aux poudres (???) et je me suis donc lancé. Et bien m'en a pris, parce que j'ai beaucoup aimé, ne me suis pas ennuyé une seule fois au cours des 499 pages, et ai même, à peine posé le livre, pris le suivant pour rester encore un peu de temps avec Naëlle et Simon.
C'est tout le cheminement de Naëlle qui est intéressant, ses rencontres avec les guérisseurs locaux et les chamans ; Véronique Biefnot s'est sûrement beaucoup documenté parce que certaines pages sont très détaillées sur la manière de guérir avec les plantes, sur le moyen de parvenir à des transes en ingurgitant tel ou tel mélange. On est avec Naëlle en pleine nature avec des Boliviens qui y ont toujours vécu et qui veulent transmettre leurs connaissances à leurs descendants au grand dam des multinationales qui déboisent et voudraient profiter de ces connaissances pour faire un maximum de profit : "Ici, la transmission du savoir se fait oralement, les Indiens n'ont donc aucun moyen de prouver la paternité de leurs formules. Combien de plantes, de graines, de lianes n'ont-elles pas été ainsi pillées au patrimoine de ces pays et exploitées par des firmes étrangères ?" (p. 442/443). Les paysans du coin que décrit l'auteure ont une approche de la vie très différente de la nôtre, consumériste, ils pratiquent l'échange ou le service sans demande de retour, une simplicité que nous avons un peu oubliée : "Nous, dans les villages, nous ne fonctionnons pas comme vous dans les villes : ce n'est pas l'argent qui nous intéresse... Si je soigne quelqu'un, si je lui rends service, alors il sait qu'il me doit quelque chose... Sa conscience lui parle et il m'offre quelque chose d'autre en retour pour me remercier, c'est ainsi que nous fonctionnons, nous les Indiens. Les Blancs poussent les villageois à la monoculture, à l'utilisation d'engrais, ils les incitent à brûler la forêt inutilement. Avec cette logique de la terre brûlée, le peuple perd son âme et tue sa terre." (p.446/447) C'est toute une culture et dans le monde entier de nombreuses traditions, de nombreuses cultures qui disparaissent au profit d'une uniformisation voulue par l'argent et le profit. L'auteure ne fait pas un manifeste pour sauver les Indiens de Bolivie, leurs croyances, leur savoir-faire, mais ce sont les pages qui ont le plus résonné en moi. Tous les passages relatifs à la vie locale, aux coutumes, aux esprits, au chamanisme et à l'histoire de la Bolivie sont instructifs et passionnants. En plus, Véronique Biefnot avance par petites touches dans le personnage de Naëlle, nous faisant découvrir petit à petit ses souffrances du passé, la complexité de sa personnalité, c'est ça qui est le fil rouge du roman, ce qui en donne le sel et qui provoque l'attrait et l'envie de savoir. Les séances de transes sont bien écrites, on avance avec avidité ; ce que vit Naëlle est écrit en italique et ce sont des scènes convaincantes qui font avancer dans son personnage. La mise en page sert aussi à plusieurs reprises le contenu du texte, faisant une forme d'oiseau lorsque Naëlle voit dans un condor un messager personnel et particulier.
Ce qui donne le rythme aussi, c'est la construction du bouquin : de courts chapitres alternant les points de vue : Naëlle, Simon, Lucas le fils de Simon, Grégoire ou Céline un couple ami de Simon dont on peut se demander parfois ce qu'ils font là, mais j'imagine qu'ils étaient plus impliqués dans le premier tome de la série et qu'ils le seront plus dans le troisième et que dès lors, Véronique Biefnot ne voulait pas perdre le fil avec eux. Une écriture simple, rapide, efficace, sans effet de style, mais très agréable, fluide et limpide.
J'ai une foultitude de compliments à faire à ce roman qui vraiment m'a tenu de bout en bout grâce aux situations, grâce à toutes les informations sur le pays et le chamanisme et grâce aux personnages vraiment bien travaillés, j'aurais pu en rajouter des caisses et des caisses, mais je préfère vous laisser découvrir, quant à moi, je retourne avec Naëlle et le reste de l'équipe pour le troisième tome de cette trilogie. J’espère qu'il sera de même niveau, la barre est assez haute !
Véronique Biefnot est une auteure belge qui signe avec cette trilogie ses premiers romans, très prometteurs.
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