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La Pâque sonne désormais dans la discrétion d'un paysage sonore, tout entier sous le joug du flux continu des bruits automobiles. Le reste du temps, l'on n'entend guère vraiment que le son civique de l'instrument municipal par excellence : la sirène des pompiers. Seuls semblent devoir survivre dans nos mémoires, le clocher de Saint-Hilaire ou l'église de Combray, prenant dans l'oeuvre de Proust et pour l'éternité conscience d'elle-même dans "l'effusion de sa flèche".
Quand donc a eu lieu ce basculement de la culture sensible ?
Le langage des cloches rythmait les relations entre individus. Comment imaginer aujourd'hui leur puissance émotionnelle, la complexité des codes alors en jeu ? Comment comprendre le fonctionnement de la sonnerie communautaire comme marqueur symbolique des identités ? C'est tout ce système d'affects disparus - quand l'espace des sons était fragmenté et qu'il n'existait pas de bruits continus comme ceux de l'avion - que Corbin décrit magistralement dans son étude. La désacralisation de l'espace et du temps, le double système temporel du XIXè siècle (cloche contre horloge), le lent transfert d'émotion du rythme cosmique au temps civil. En lisant ce travail, on ne peut pas ne pas songer à l'étude non moins splendide d'Eugen Weber sur La fin des terroirs. Mais là où ce dernier posait le transfert du sentiment de la localité vers l'identité nationale, Corbin, très justement, parle de sa captation, la République n'ayant jamais cherché à l'éradiquer. Une étude splendide !
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