"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Les expositions récentes, et les polémiques suscitées par la vente Breton, montrent que le surréalisme est le seul des mouvements d'avant-garde à avoir acquis un succès populaire et durable. En effet, il n'est pas un programme littéraire et artistique au sens classique du terme, désormais inscrit au cursus des collèges et lycées. À travers sa volonté de « transformer le monde » (Marx) et de « changer la vie » (Rimbaud), il intègre une dimension politique qui ne prétendait pas moins que de faire naître un homme nouveau. Cette théorie politique du surréalisme dont on parle peu, quelle fut-elle ?
Mouvement anarchiste et libertaire, dont les situationnistes dans les années cinquante puis les acteurs de Mai 68 prétendront être les héritiers, le surréalisme ne cesse cependant de frôler les idéologies totalitaires de l'époque. Les dix ans de rapports conflictuels avec le communisme, de 1925 à 1935, l'épisode inquiétant de Contre-Attaque, le « surfascisme » de Bataille, le théâtre d'Artaud, si proche du théâtre totalitaire des dictatures et son antisémitisme, tout cela fait plus que jeter une ombre sur l'activité d'une société secrète qui reprenait l'attirail d'une idéologie officielle, d'un parti unique, d'un chef charismatique, des purges et des procès, d'un système de propagande...
De la société secrète, le groupe partageait aussi le goût pour l'occultisme : tables tournantes, sommeils artificiels, médiums, logorrhées et graphorrhées. Comment le surréalisme pouvait-il concilier son espoir d'une révolution qui établirait sur Terre le règne de la Raison, avec son attrait pour le spiritisme ? Comment pouvait-il se réclamer de Trotski le jour, et de Blavatski la nuit ? En fait, Freud et Marcel Mauss, fondateurs de la psychanalyse et de l'ethnologie - les deux grandes anthropologies sur lesquelles le surréalisme prétendait s'appuyer -, rejetèrent brutalement les offres de service d'une idéologie dont ils avaient clairement distingué les périls.
« Ce n'est pas au surréalisme comme esthétique (...) que l'on s'attachera ici, mais au surréalisme comme symptôme. C'est une généalogie de la violence au siècle dernier qu'à travers lui on tentera de retracer. » Jean Clair est conservateur général du Patrimoine et directeur du musée Picasso à Paris. Il est notamment l'auteur de La Responsabilité de l'artiste (1997), Sur Marcel Duchamp et la fin de l'art (2000), et Court Traité des sensations (2002), essais publiés aux éditions Gallimard.
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