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Comme une rivière bleue, c'est le roman de la Commune de Paris, non pas du point de vue de ceux qui l'ont fuie pour Versailles et qui se sont chargés plus tard de la dénaturer, mais de quelques-uns de ceux qui y sont restés et en lesquels elle s'est incarnée. Une petite foule de personnages : Maria, Paul, Marthe, Floriss... qui vivent, aiment, espèrent, travaillent, écrivent, se battent, et meurent, dans une ville qui est encore à peu près la nôtre. L'histoire de ces jeunes communards commence avec la prise du Journal Officiel, le lendemain de la fuite du gouvernement Thiers. Elle se poursuit jour après jour à travers la ville, lors de fêtes sur les places ou de débats fiévreux sur les réformes, à l'Hôtel de Ville ou sur les fortifications, la nuit dans les salles de concert ou le secret des chambres... Puis dans les massacres, avec les innombrables disparus, les dénonciations, et le sort de ceux qui réussissent à s'échapper.S'appuyant sur des sources jamais exploitées, ce roman nous entraîne au coeur de la ville assiégée et de ses faubourgs populaires, avec les hommes et les femmes qui y sont enfermés. Michèle Audin sort de l'oubli quelques-uns des inconnus et des obscurs qui fabriquèrent cette révolution, « tranquille et belle comme une rivière bleue ».
Peu de romans ou d’essais historiques sont consacrés à la Commune de Paris .Est-ce dû à la brièveté de l’événement ? À son caractère d'utopie révolutionnaire inenvisageable ? Probablement un peu de tout cela .Michèle Audin, dans son récit Comme une rivière bleue évoque cette période, non pas du point de vue global de l’histoire, mais de celui des Communards de base, ceux des quartiers en pleine ébullition, des faubourgs populaires, de ceux qui tiennent des réunions enflammées par la passion de transformer le monde.
Michèle Audin ne manque pas de décrire avec fougue et conviction ce qu’éprouvent à titre privé et dans leur for intérieur les Communards, comment ils s’aiment, se querellent, se retrouvent .Le récit s'articule en descriptions successives des quartiers parisiens juste après la proclamation de la Commune en mars 1871 .On arpente ainsi la place de Grève, le onzième arrondissement, le Faubourg Saint-Antoine, le quai Conti .Mais c’est la prise du journal Officiel qui est présentée comme l’une des premières décisions de la Commune, c’est l’occasion d’y présenter les personnages que l’on retrouvera à travers la récit :Emilie Lebeau, Pierre Vésinier, Florris Piraux ,Paul Vapereau,Charles Longuet .On y croise bien sûr les grandes figures de la Commune, Jules Vallès qui s’écrit : « Quelle journée !Ce soleil tiède et clair qui dore la gueule des canons, cette odeur de bouquets, le frisson des drapeaux !le murmure de cette révolution qui passe tranquille et belle comme une rivière bleue … ».
Mais que se passe-t-il de décisif ? Michèle Audin nous le rappelle en évoquant les décisions de la Commune, celle d’Edouard Vaillant proposant une paie identique aux instituteurs et institutrices, ou la création d’une autogestion au travail, la suppression des amendes frappant les ouvriers : « Il faut signaler aussi, le 3 mai, le projet de règlement très autogestionnaire soumis à l’approbation de la Commune par cinq cents ouvriers des ateliers de repartions et transformation d’armes du Louvre. »
Le récit de Michèle Audin s’attache aussi à la vie quotidienne dans les quartiers, aux bals organisés, à l’évocation de la joie qui éclate, des sentiments qui débordent d’intensité : « Cette nuit-là….Les soucis, le manque de pain, ça bouffait le désir et la joie .L’espoir né des dix derniers jours, dont la fête a révélé l’ampleur (…) Embrasse-moi, camarde ! Aime-moi camarade !(…) C’est une grande soif de bonheur, c’est la joie de ce bonheur enfin trouvé, Et Paris s’endort dans ces souffles haletants. »
Autre point historique souligné par Michèle Audin : le rôle joué par les Francs-maçons lors de la Commune de Paris et déjà illustré dans Les chemins de la fraternité de Jean-François Nahmias, roman historique consacré également à cet événement. Beau texte, qui nous introduit dans les cœurs et les âmes des Communards, comme pour réhabiliter-mais en a-t-elle vraiment besoin ?-l’utopie, cette vielle lubie humaine .La mort de la Commune est décrite à la fin du roman : exécutions massives, évasions de certains, déportations en Nouvelle-Calédonie, à l’instar de Louise Michel. Concluons avec le bel hommage de Ferrat, en 1971 :
« Devenus des soldats
Aux consciences civiles
C'étaient des fédérés
Qui plantaient un drapeau
Disputant l'avenir
Aux pavés de la ville
C'étaient des forgerons
Devenus des héros »
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