"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Aby est aide à domicile auprès de personnes âgées, Ali manutentionnaire dans une grande enseigne d'un supermarché du Sud de la France, Hajer médecin à l'hôpital public... Tous 3, comme les autres témoins dont les récits structurent 2 euros de l'heure, se battent, affrontant la violence administrative, pour obtenir des papiers.
Nejma Brahim a rencontré des centaines de travailleurs de l'ombre, partout en France. Elle dévoile un système d'exploitation étendu et installé, et dresse un tableau à rebours de tous les fantasmes, sur ces étrangers qui bénéficieraient des « aides sociales » sans rien faire. Au contraire, ils et elles travaillent, souvent beaucoup et la plupart sans contrat, pour, parfois, pas plus de 2 euros de l'heure.
Ce document donne à voir ce qu'est véritablement « l'intégration à la française » : une main d'oeuvre qui n'est pas concernée par le droit du travail et qui soutient pourtant l'ensemble des pans de notre économie. Comment les employeurs, parfois les plus gros, profitent de cette situation ? Pourquoi et combien l'Etat accepte-t-il de perdre ? En bref, à qui profitent les sans-papiers ?
Une enquête menée sur des individus invisibilisées par la société, à la fois par leur poste mais surtout par le fait qu'ils n'existent pas, en tout cas au sens administratif du terme car on parle principalement de sans-papiers. Les sans-papiers est un terme fourre-tout qui a une connotation plus ou moins négative selon par qui il est utilisé et surtout les fins qu'il sert. Ici, il n'est pas question de rentrer dans un débat de pour ou contre mais de montrer que derrière ce terme se cache des êtres humains avec des parcours qui n'ont rien de singulier.
Nejma Brahim, journaliste chez Médiapart, enquête sur les conséquences sur le travail des sans-papiers dans la société française. Contrairement à l'imaginaire collectif, les personnes se retrouvant sans aucune identité valable ne le sont pas parce qu'elles le souhaitent. On découvre ici que le système français laisse faire par manque de moyens dans les préfectures mais surtout pour respecter des quotas annuels de régularisation. Mais derrière ces faits, des milliers de personnes se retrouvent privées de leur vie et doivent composer pour continuer de boucler les fins de mois.
Ainsi derrière un terme flou et vague, se cache une multitude de parcours de vie. Il y a des personnes ayant fui leur pays pour un avenir meilleur jusqu'à celles venues poursuivre leurs études et qui se retrouvent bloquées dans une situation de non droit où la peur prime, tout comme un avenir incertain à la clé. Mais ce qui est révélé ici, c'est que cette situation est exploitée par certains, surtout dans les secteurs où il est difficile de recruter pour cause de pénibilité. Ainsi chaque jour, des hommes et des femmes travaillent en toute illégalité, sans sécurité sur leur lieux de travail mais surtout pour un salaire bien en-deçà du minimum légal – quand ils arrivent à se faire payer. Toute une économie parallèle existe et elle n'est pas cachée car ces personnes œuvrent dans des secteurs visibles. Ce qu'on apprend est que certains travaillent "au noir" mais qu'un autre phénomène existe, celui des travailleurs sous alias. Ces derniers utilisent les papiers d'un autre (avec sa complicité) pour pouvoir travailler sans jamais cotiser pour eux mais seulement pour leur prête-nom.
Cette lecture montre surtout que ces personnes inexistantes sont exploitées à la fois dans le monde du travail mais aussi par certaines autres non scrupuleuses. Cela crée une dépendance et une vie à la marge alors que ces individus travaillent et créent de la valeur pour la société française qui ne veut/peut pas les reconnaître. Certaines actions sont mises en place, notamment côté associatif, mais on montre que derrière chaque victoire se cachent des dossiers en attente de régularisation.
Une enquête qui pousse à réfléchir et qui permet surtout de donner une voix à ceux qui en sont privés et de montrer que leur présence est visible même s'ils ne sont pas reconnus administrativement parlant.
« 2 € de l’heure - La face cachée de l’intégration à la française »
Une urgence de lecture !
Ce documentaire journalistique lève le voile sur les faillites de l’État pour les centaines de travailleurs « sans papiers ».
Le triomphe de la vérité, ses blessures et injustices pointées du doigt.
Chaque jour nous croisons ces hommes et ces femmes « sans papiers », anonymes ou amis (es).
Ils font partie du socle de notre République, et pourtant !
Neyma Brahim est journaliste au Pôle International de Mediapart.
Elle veut comprendre, écouter la parole des migrants. L’ubuesque administratif, le mépris, le rejet, l’inattention pour ces êtres en péril, abusés par les employeurs qui profitent d’un système flouté par un manque de considération pour ces travailleurs de l’ombre et de sueur.
Cet essai décortique les carcans, veut épuiser les diktats. Prouve par A+B, l’exploitation indigne de ces hommes et femmes. Un radeau de Géricault qui sombre dans notre pays pourtant si orgueilleux et hautain. Notre indifférence et surtout cet esclavage moderne à la vue de tous et de toutes.
« Deux euros de l’heure. C’est en moyenne, ce que peuvent gagner des travailleurs illégaux en France, dans le secteur de la construction, de l’entretien, de la restauration ou du soin à la personne. »
Un labyrinthe semé d’épreuves, au pays des Droits de L’Homme.
« Pour demander un titre de séjour, on nous demande de ramener les fiches de paie. Mais pour avoir des fiches de paie, il faut travailler, et pour travailler, il faut un titre de séjour...Le système tel qu’il est laisse les pleins pouvoirs aux employeurs, qui peuvent exploiter les travailleurs comme bon leur semble. »
Les chapitres sont des témoignages, des faits, les preuves et dénoncent le titanesque administratif. Le racisme latent ou visible, les petites combines pour avancer coûte que coûte, malgré le brouillard opaque d’une société qui pousse du pied, l’autre, cet étrange (er).
« Une des dames dont je m’occupais avant habitait à Saint-Maur-des-Fossés donc je connaissais déjà cette ville. Pour un appartement de deux pièces de trente-deux mètres carrés, elle paie un loyer de 710 euros par mois. Son fils dort dans la chambre et elle dans le salon. Avec ses différents emplois cumulés, Sara atteint difficilement le Smic. »
Cet essai, sans armures, écarte les branches des aspérités, des inégalités, et rassemble l’épars. Les périples de ces sans-papiers, pour obtenir le sésame ou pas.
« À ce jour, il estime aberrant que des personnes étrangères ressentent le besoin d’être accompagnées en préfecture. Cela signifie, à ses yeux, que la charte « Marianne » n’est pas respectée, et que les pousse-papiers doivent « organiser » le travail de la préfecture, en prenant soin de trier le dossier de la demande du requérant en amont du rendez-vous. »
D’aucuns abusent de cette masse salariale presque gratuite. Pas de charges, de fausses fiches de paie. Gagner 2 € de l’heure, pour apaiser la faim et la soif et dormir sur un matelas dans une chambre à 6. Ici, pas de paraboles d’humanisme et de compassion. La réalité concrète d’un abus de pouvoir. Parfois certains patrons se battent contre cette injustice. Que dire du mineur qui pouvait travailler, apprendre un métier et se retrouve le jour de ses dix-huit expulsable ?
Est-ce le reflet de la France ?
Hajer médecin à l’hôpital public, tous et toutes dans le cercle du combat. Que pensent-ils de la France ?
Ces centaines de travailleurs de l’ombre, tenaces et volontaires, et souvent aidés par des avocats humanistes et d’éthiques, comme un bouclier contre la peur de l’expulsion. Le pain moisi jeté aux chiens.
La préfecture dont le pouvoir est un bandeau noir sur les yeux de ces « sans-papiers ».
le mépris et l’hostilité, la barrière de la langue. Le passage dans le souterrain pour obtenir le droit ou pas de vivre tout simplement avec les valeurs républicaines.
Ce livre devrait être lu par tous et toutes. Déposé dans chacune des préfectures, des lieux où les décisions échappent au vivre-ensemble. Que les employeurs lisent ces témoignages ainsi que le monde agricole qui exploitent sans relâche ces esclaves modernes, ces vulnérables frères et sœurs en humanité. Les valeurs républicaines bafouées, la montée de l’Extrême Droite comme un boomerang qui va nous frapper en pleine tête.
Le silence d’un gouvernement fébrile et pragmatique, égoïste et condescendant. Le manque de courage pour faire de Sabine, aide à domicile qui travaille jour et nuit, l’étendard de notre république.
Chacun, chacune, détient un morceau d’étoile à partager.
Cet ouvrage puissamment nécessaire, est sans lyrisme, terriblement humain. Sociologique, politique, il est un livre blanc à bâtir.
Publié par les majeures Éditions du Seuil.
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