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Gabrielle Danoux a eu beaucoup de mérite de traduire La Poupée russe, de Gheorghe Grăciun, auteur roumain que je découvre grâce à ce roman hors normes.
En effet, avec l’histoire de Leontina Guran, l’auteur me plonge dans la Roumanie communiste. D’ailleurs, il n’hésite pas à insérer des intermèdes permettant de s’imbiber de l’ambiance de l’époque, de cette République socialiste de Roumanie où tout devait être parfait, où tout le monde surveillait tout le monde tout en lorgnant vers l’ouest sans se faire remarquer par le grand-frère soviétique.
Tout d’abord, Leontina n’aime pas son prénom alors que celui-ci reflète bien sa double personnalité ; Leon affiche sa masculinité et Tina une féminité qui va s’affirmer de plus en plus, allant jusqu’à une absurdité dérangeante.
Gheorghe Grăciun mélange allègrement les époques, les situations, les rencontres, revient sans cesse en arrière alors que je suis impatient de savoir ce qui va arriver à Leontina. L’auteur change même de narrateur sans prévenir…
Il n’hésite pas à m’embarquer dans des phrases interminables avec un déferlement de mots, d’expressions, qui n’en finit pas. Cela peut être impressionnant, enthousiasmant mais aussi lassant parfois.
Surtout, il y a l’érotisme, ce sexe omniprésent, qu’il soit subi ou mené par Leontina. C’est souvent très cru car Gheorghe Grăciun nomme chaque chose par son nom et, allez, j’ose, appelle une chatte, une chatte…
Cette fille, abusée sexuellement très jeune, violée aussi bien par des femmes que par des hommes, en demande et en redemande, collectionne les amants, s’en débarrasse facilement aussi, tout en restant sous l’emprise du parti unique et de ceux qui se chargent d’assurer sa domination.
À quatre reprises, l’auteur livre ses impressions, ses doutes, partage ses fantasmes, laisse aller son imagination qui va produire encore et encore des pages gorgées d’un vocabulaire impressionnant qui peut aller du scatologique au plus recherché, mais peut aussi être poétique. Il va même nous conter sa visite dans les vécés femmes d’une petite gare et cela lui fait oublier sa réputation d’homme tendre et pudique…
Comme cela s’est produit à plusieurs reprises et m’a gêné les premières fois, j’ai été surpris de tomber sur des intermèdes publiés sur deux colonnes avec une taille de caractères plus réduite. C’est là que je plonge dans l’ambiance de l’époque, un endoctrinement forcené imposé dès l’enfance.
Il y aurait beaucoup à dire encore à propos de cette Leontina qui se souvient avec tendresse de papi Tase mais ne revient plus dans son village de la campagne roumaine alors qu’elle vit en ville, surtout à Bucarest. Comme il l’a écrit dans une note, l’auteur a réussi à se mettre dans le corps d’une femme pour coller au plus près de sa vie, de ses émois, de ses doutes, de ses plaisirs et de ses émotions. Par contre, je le trouve beaucoup trop sévère, voire injuste, lorsqu’il décrit le corps de son héroïne qui prend de l’âge.
Leontina, basketteuse de haut niveau chez les jeunes, n’a pas poursuivi hélas plus avant alors qu’elle aurait pu monnayer ses talents à l’ouest. Le renversement de Ceaușescu est arrivé trop tard mais, jamais elle n’a réussi à se décider à quitter son pays où elle aime, où elle subit, où elle se cherche.
Dans La Poupée russe, Gheorghe Grăciun fait vivre cette Roumanie dont j’ai beaucoup entendu parler. Ses descriptions du quotidien valent le détour. Elles sont crues, terriblement détaillées sans épargner les odeurs, mais cet écrivain qui aurait le même âge que moi aujourd’hui s’il ne s’en était allé en 2007, est un fameux auteur.
Je remercie Gabrielle Danoux pour me l’avoir fait découvrir et je salue à nouveau son énorme travail de traduction, travail qu’elle poursuit pour beaucoup d’autres écrivains roumains. Coup de chapeau amplement mérité !
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/08/gheorghe-graciun-la-poupee-russe.html
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