"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le soir du 9 novembre 1989, à Berlin- Est habituellement désert sitôt la nuit tombée, de petits groupes silencieux convergent vers les postes-frontières.
Tous ont entendu, sur l'unique chaîne de télévision, le porte-parole du Parti bredouiller ab sofort, « dès maintenant », à la question d'un journaliste sur la date de l'ouverture du mur. Son invraisemblable réponse ne correspond pourtant à aucune décision du Comité central, réuni pour trois jours sur fond de manifestations massives des Allemands de l'Est en faveur de la liberté de voyager.
De ce colossal cafouillage naît l'événement historique majeur que vivent, incrédules, les protagonistes de ce premier roman : Anna, une jeune Française amoureuse de l'Allemagne, rêvant de retrouver Micha, naguère croisé à l'Est ; Micha lui-même, fils en rupture de ban d'un hiérarque communiste, que hante sa tentative de fuite, quinze ans plus tôt ; le jeune cinéaste et sa mère, transfuges de l'Est, chez qui Anna est hébergée à l'Ouest... Mais aussi les soldats désemparés d'un des postes- frontières, le lieutenant-colonel dont les appels à son propre supérieur de la Stasi restent sans réponse, les membres du Parti furieux, et même l'informateur chargé de tenir à l'oeil Micha.
Anna découvre la foule en marche vers les checkpoints en sortant d'un cinéma où elle est allée revoir Les Ailes du désir. Avec le sentiment irréel que le film se poursuit, elle participe aux scènes de liesse qui déjà saluent les premiers citoyens de l'Est. Prolongeant la magie, la romancière ajoute à la ronde de ses personnages celui de Cassiel, l'ange des larmes de Wim Wenders : seul capable de survoler les lieux et de pénétrer dans la demeure de chacun, il est le spectateur complice et ému du formidable élan d'un peuple en route vers son destin, et de ses retrouvailles avec les voisins de l'Ouest, dont il était coupé depuis si longtemps.
Trente ans après la chute du mur, Christine de Mazières nous rappelle, en incarnant au plus juste les acteurs de ces trois journées pendant lesquelles l'his- toire a basculé, les si belles espérances qu'elles ont soulevées.
Qu'est-ce qui réunit Micha, dissident et fils d'un éminent membre du parti communiste de RDA, Anna, la jeune française, le lieutenant-colonel Becker, en poste à l'un des check-points sur le mur de Berlin, Lorenz, qui a fui la RDA avec sa mère, Gunther Schabowski, le porte-parole du parti communiste de RDA, et tous les autres ? Ils sont tous à Berlin ce 9 novembre 1989 où l'avenir de l'Allemagne bascule.
Par la voix de ses multiples personnages, Christine de Mazières nous fait partager de l'intérieur l'envie et l'impatience de se retrouver des deux côtés du mur de Berlin, l'angoisse de se faire piéger par la police politique (STASI), l'égarement des dirigeants annonçant imprudemment que le mur va s'ouvrir, et que la décision s'applique "dès maintenant", l'enthousiasme quand l'heure des retrouvailles arrive...
Michel Fugain aurait chanté : "C'est un beau roman, c'est une belle histoire". Belle, l'histoire l'est assurément. Si le roman se laisse moins facilement conquérir, ce n'est pas la faute à l'écriture, à la fois riche et simple, sans fioritures inutiles. Ce sont plus les personnages secondaires, un peu trop nombreux, qui viennent détourner l'attention du lecteur ; l'auteur aurait pu simplifier un peu et se concentrer davantage sur les personnages principaux, qui donnent déjà beaucoup d'épaisseur au texte. Et c'est vraiment le seul reproche que je ferai à ce court roman.
Chronique illustrée : http://michelgiraud.fr/2020/12/11/trois-jours-a-berlin-christine-de-mazieres-editions-christine-wespieser-une-belle-histoire-un-beau-roman/
La chute du mur de Berlin vue à travers plusieurs personnages. Certains se connaissent, d'autres pas. Certains sont joyeux de l'événement, d'autres le vivent avec plus de crispation ou de nostalgie. Les autorités est-allemandes semblent elles-mêmes subir l'inexorable événement avec la convergence de milliers de gens vers les postes frontières de la ville. Un cafouillage géant bien restitué dans le livre.
Christine de Mazières dresse de multiples portraits d'hommes et de femmes sans avoir le temps de laisser au lecteur le temps de s'attacher à tel ou tel personnage pour mieux montrer que c'est l'événement qui illumine le livre, que tous les habitants de Berlin se confondent et que désormais leur existence ne sera plus jamais tout à fait la même.
Un beau roman fruit de la rencontre entre l'auteure et la ville de Berlin mais qui est aussi une pièce d'histoire avec ces divers témoignages d'anonymes ou de gens plus connus qui ont vécu l'événement.
Éditions Sabine Wespieser
Parution le 07/03/2019
Coup de coeur des lectrices Femina Mai 2019
Je me souviens très précisément de ce soir, historique, dont ma jeunesse ne me permettait pas de me rendre compte de l’ampleur de ce qui se passait sous nos yeux. En direct. Le jour de la chute du mur de Berlin. Nous étions en famille, agglutinés tous les quatre sur notre canapé, à des kilomètres de ce lieu où se jouait, là, le chamboulement de ces nombreuses vies.
« D’habitude, j’évite les abords du mur et de tout ce qui rappelle que je ne pourrai jamais y aller, de l’autre côté. Pourtant, j’avais cru y arriver, une autre nuit. »
Un peuple en mouvement, secouant et brisant les chaînes qui les ont trop longtemps divisés.
« Miradors, barbelés, le mur les toise. Le mur est une scie qui déchire la chair. »
« Ici, à la frontière, à la place du Peuple résigné et soumis de la RDA, se tiennent des personnes qui clament leur désir de liberté. Ils sont venus fuir un pays muselé et ils rencontrent un peuple en train de secouer ses chaînes. Une onde de joie illumine les visages et allume de minuscules étincelles dans les regards. »
Ce court roman retrace les trois jours passés à Berlin, par plusieurs personnages donnant ainsi l’angle de vue de chacun d’eux. Et Anna en est le centre. La pièce commune à tous.
On vit cet événement, on y est, dans la foule qui se masse devant ce mur, d’abord dans le calme, pacifique. Parce qu’on leur a promis l’ouverture. La libération. L’unification. Une promesse qu’ils attendent d’être tenue. Depuis si longtemps.
« Ils ont annoncé qu’ils vont ouvrir le mur, comme ça, tout à coup, c’est incroyable, quel espoir ! Allez-y donc, Fraulein, et revenez nous raconter. »
A travers ces pages, on assiste à leur stupéfaction, ils sont comme subjugués par ce qui est en train de se produire.
« La RDA leur promettait l’Égalité, ils voulaient la Liberté, ils trouvent la fraternité. »
Et leur sidération devient la nôtre, nous lecteurs, en plein coeur de ce roman bref et puissant, tranchant et bouleversant. On se sent faible devant une telle force, ce cri d’un peuple, son espoir.
Un très grand coup de coeur !
« Quand la vie tourne au ralenti comme dans une salle d’attente, quand les hommes finissent par se taire par dégoût du mensonge, lire est un refuge. »
« Toutes ces heures passées à oublier l’Etat des ouvriers et des paysans en lisant, toutes ces heures à s’évader par l’imagination. Dans nul autre pays au monde, on ne lit autant. La République démocratique allemande a mérité le surnom de LeseLand, pays de lecteurs. »
https://littelecture.wordpress.com/2019/04/29/trois-jours-a-berlin-de-christine-de-mazieres/
Lorsqu’on aime l’histoire et ses bouleversements, on ne peut qu’être séduit par le thème de ce court roman et la manière dont l’auteure l’aborde. Elle mêle avec subtilité l’histoire, la grande, avec des fragments de vie de ses personnages confrontés à la chute du mur ce 9 novembre 1989 à Berlin.
On vient d’annoncer la nouvelle sur l’unique chaine de télévision : la frontière est ouverte.
« Ils prennent leur manteau et sortent. Cela ne prendre qu’un instant. Quel jour sommes-nous. ? Jeudi 9 novembre. Oui, il ne faudra pas trop tarder, la semaine n’est pas finie. Le poste frontière de la Bornholmer Strasse est au coin de la rue. Ils veulent en avoir le cœur net… »
Plutôt que de nous expliquer l’évènement historique en l’entremêlant de ses propres souvenirs, Christine De Mazières choisit les points de vue de différents personnages qui, tel un kaléidoscope, nous racontent ce basculement de leur vie avec la chute du mur.
Les héros, des gens ordinaires, sont très différents, il y a Anna la française en visite à Berlin Est où elle fait la rencontre de Micha qui cache un traumatisme. Il y a un journaliste, membre du Politbüro, des militaires dont ce soldat qui garde le mur. De l’autre côté, il y a Lorenz le cinéaste qui a fui la RDA et d’autres encore. Ces destins qui s’entrecroisent apportent la touche d’émotion à ce récit.
J’ai particulièrement aimé le personnage de Niklas, ce jeune handicapé mental qui vit dans l’attente du retour de son frère Tobie, le meilleur ami de Micha disparu alors qu’ils tentaient tous deux de fuir la RDA.
A cette galerie de portraits se rajoute celui, imaginaire, de l’ange Cassiel, échappé du film de Wim Wenders, Les ailes du désir, que vient de revoir Anna. Cassiel survole ces hommes dont il décrit les débordements de joie, il les suit dans leur quotidien et fait le lien entre eux de chaque côté du mur. Ce personnage irréel donne au récit un souffle de poésie.
« Une forêt de mains levées…Des mains qui s’élèvent pour attraper le vent d liberté soufflant cette nuit. Voyez ce peuple de mains qui s’éveillent. Tor auf ! Wir kommen wieder ! »
Pas de grandes épopées dans ce livre mais de petits cheminements de vie, et des personnages terriblement attachants que j’ai suivis avec curiosité et tendresse. Tous convergent sans le savoir vers ce 9 novembre 1989 sans savoir encore qu’il deviendra historique
« Ils prennent leur manteau et sortent. Cela ne prendra qu’un instant. Quel jour sommes-nous. ? Jeudi 9 novembre. Oui, il ne faudra pas trop tarder, la semaine n’est pas finie. Le poste frontière de la Bornholmer Strasse est au coin de la rue. Ils veulent en avoir le cœur net… »
Cette histoire vient fort à propos nous rappeler, trente ans après, l’importance de la chute du mur et l’immense espoir que cela a suscité dans le monde.
Ecrit dans un style fluide et sensible, bien documenté, ce court roman se lit avec plaisir
L'auteure décrit très bien la ville de Berlin, que je connais un peu et j'ai eu plaisir à retrouver à travers les lignes certains endroits emblématiques de cette ville si particulière. Quand on visite Berlin, on ressent énormément l'histoire et son passé si lourd. A travers plusieurs personnages, Christine de Mazières nous décrit le soir de novembre 1989, quand le mur va enfin s'ouvrir et que les berlinois de l'Est vont rejoindre ceux de l'Ouest. Cette ouverture pacifique est décrite par plusieurs personnages : que ce soit Micha, un jeune berlinois de l'Est, dont le père est un apparatchik de la Stasi, que ce soit Anna une jeune française, amoureuse de la culture allemande et qui passait quelques heures à l'est quand c'était possible. Nous retrouvons dans ce récit, le climat de Berlin et de ces différents quartiers et la pesanteur du mur qui séparait des familles. Un texte qui m' a beaucoup plu par la description de personnages touchants, et par la ville de Berlin et de belles pages sur le superbe film de Wenders, les ailes du désir, qui est un bel hommage aussi à Berlin.
« Avant l’événement, avant le colossal acte manqué où tout a basculé, la pliure de l’histoire dans laquelle un monde a disparu, bien avant, il y a la ville.
Peut-être faut-il commencer par là. Cette ville bâtie sur une terre pauvre, ravinée de cours d’eau. Terre de moraines, dont les sablières et les lacs recèlent plus de plomb, d’acier et d’ossements blanchis que les forêts remplies d’oiseaux ne le laissent deviner.
Plaine immense, couloir de migrations, champ d’innombrables batailles.
Des peuples frugaux y sont passés depuis des millénaires. Des rois-soldats y ont levé d’immenses armées de conquêtes. D’un bout à l’autre du continent, ils ont avec fracas semé la mort comme du pavot noir, et sur les ruines, au cœur des villes, au cœur des hommes, construit des murs. »
L'événement dont il est quesrtion ici, c'est bien entendu la chute du mur de Berlin. À ses propres souvenirs Christine de Mazières vient ajouter les points de vue de différents acteurs, y compris ceux de l’ange Cassiel, conférant à ce moment historique sa dimension extraordinaire.
L'Histoire avec un grand H s'écrit souvent à partir de petites histoires, de faits qui semblent anodins, d'instants qui passeraient inaperçus s'ils n'étaient pas l'aboutissement d'un processus, le résultat d'un long cheminement. Christine de Mazières l'a parfaitement compris en construisant son roman. Elle nous raconte la chute du mur de Berlin en donnant la parole à des acteurs qui fort souvent ne se rendaient pas vraiment compte de ce qui se jouait ce 9 novembre 1989.
Prenez par exemple le cas de Günther Schabowski. Le journaliste, membre du Politbüro doit rendre compte des décisions gouvernementales après la fuite de milliers de personnes via la frontière hongroise ouverte depuis mai vers l’Autriche. Egon Krenz, nommé quelques jours plus tôt à la tête de la République démocratique allemande – en remplacement d’Erich Honecker remercié après avoir été vertement sermonné par un Michael Gorbatchev pressé de voir sa nouvelle politique de glasnost (transparence en russe) essaimer – lui donne deux feuilles de papier sur lesquelles il a rédigé «le projet de réglementation sur la liberté de circuler» avant de s’éclipser.
Lisant le texte, il est tout autant ébahi et incrédule que le parterre de journalistes rassemblés pour rendre compte de l'action gouvernementale. Pressé de questions, il ne veut pas trop s’avancer mais, devant l’insistance des journalistes, il finit par lâcher cette phrase : «Cela s’applique… à ma connaissance… euh… dès maintenant, sans délai.»
Rendons-nous maintenant dans l'appartement de Holger et Karin, un couple de Berlinois qui vivent depuis des années sous ce régime. Ils ont, comme presque tous leurs compatriotes, déjà eu maille à partir avec la Stasi, la fameuse police politique chargée de contrôler toute attitude déviante et ont une confiance très relative dans leurs dirigeants. On imagine leur sidération en entendant Günther Schabowski. Mais à leur place qu’aurions nous fait? Sans doute la même chose qu’eux. Nous aurions voulu savoir si ce que la télé venait d'annoncer était vrai où il s'agissait de ce que l’on appelle aujourd’hui une fake news. Après tout, que risquent-ils à aller voir au poste-frontière si la barrière est désormais levée?
Il en va de même pour leurs voisins et pour des milliers de compatriotes. De toutes parts, ils affluent aux points de passage comme celui de la Bornholmer Strasse.
En face d’eux, le soldat Uwe Karsten comprend très vite que ses chefs sont pris de court, qu’il leur faut improviser, qu’ils essaient d’aller aux nouvelles, de demander des instructions précises.
Alors que le chef de la sécurité, le lieutenant-colonel Becker, s’étrangle devant cet amateurisme et ce manque d’anticipation, l’improvisation s’impose comme un ultime recours. On décide de tamponner les photos des passeports, signal que leurs possesseurs pourront passer à l’ouest mais aussi qu’on leur refusera de rentrer chez eux. Dérisoire tentative de conserver une once de pouvoir… avant de finalement lever définitivement la barrière, de mettre à fin à la division de la ville qui date du 13 août 1961. Si pas un coup de feu n’a été tiré, si les caméras du monde entier vont pouvoir filmer l’enthousiasme des Berlinois à s’attaquer au «mur de la honte», c’est peut-être grâce à Cassiel.
L’ange qui survole la ville dans le superbe film de Wim Wenders, Les ailes du désir, ne pouvait manquer dans ce récit. C’est lui qui en fait se substitue à la romancière qui dispose de tous les pouvoirs, qui voit la foule autant que chacun des individus, qui sait leur histoire et leurs motivations, qui tend les fils invisibles qui relient les uns et les autres. Anna la Française venue à Berlin négocier l’achat des droits de livres pour le compte d’éditeurs et Micha qu’elle a croisé à l’Est et dont elle a perdu la trace ou, à l’inverse ceux qui ont fui à l’ouest et rêvent de pouvoir retrouver les membres de la famille et les amis restés de l’autre côté.
Christine de Mazières réussit très bien à dire la charge émotionnelle et l’énergie formidable qui se dégage de ces Trois jours à Berlin. Sans doute est-ce aussi parce qu’une partie de ma famille a vécu à Berlin-Est et que j’ai moi-même vécu ces instants de retrouvailles que ce livre m’a tant touché. À l’heure de fêter les trente ans de la chute du mur, je conclurai avec John Fitzgerald Kennedy et cet extrait de son fameux discours de 1963: «Tous les hommes libres, où qu'ils vivent, sont des citoyens de Berlin. Par conséquent, en tant qu'homme libre, je suis fier de prononcer ces mots: Ich bin ein Berliner!»
https://urlz.fr/9zeV
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