"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans la nuit sans étoiles du périphérique parisien, une DS verte n´en finit plus de tourner. Au volant, Martin, quinquagénaire, raconte à la fille d´un ami défunt leur jeunesse militante dans les années soixante. L´ancien maoïste, désabusé et nostalgique, retrace les années d´espérance, de flamboiement, les nuits blanches et les heurts de cette jeunesse enthousiaste qui croyait pouvoir apprivoiser le monde.
Une volonté de changer le monde… Un livre d’une actualité saisissante sous la houlette d’une plume d’exception !
Ils étaient engagés pour « la Cause », une révolution en marche… « On était ensemble jusqu’à l’absurde. »
Interview Radio France d’Olivier Rolin :
« Le livre met en scène une bande de jeunes révolutionnaires qui ressemble à celle à laquelle j'ai appartenu dans ces années-là. On y trouvait des saints et des balances, des castagneurs et des pleutres, des rebelles et des fayots, des rêveurs et des petites frappes. Une nuit, bien longtemps après, au début de notre siècle, dans une vieille DS tournant sur le périphérique (voiture dont Barthes fit une "mythologie"), Martin raconte à Marie, la fille de son ami Treize mort quand elle était enfant, leurs aventures d'autrefois. Il y a dans leur histoire du grotesque mais aussi de la poésie brute, la crédulité y côtoie beaucoup de romantisme, on peut appeler ça comme ça.
Internet n'existait pas, alors, ni le TGV ni les portables ni le câble, le vocable "digitale" ne désignait qu'une fleur mauve, la télé était en noir et blanc, le président Pompe allait succéder à De Gaulle. Au Viêtnam la "guerre du peuple" était victorieuse de la puissante Amérique, les impérialistes étaient des tigres en papier, la Chine était rouge pour l'éternité, le Che plus grand mort que vivant. L'Internationale serait le genre humain. C'était dans la nuit des temps... »
Gédéon, Judith, Chloé, d’Angelo, Fichaoui- dit Julot, Jean d’Audincourt, Juju, Amédée, Roger le Belge, Momo Mange-serrures, Reureu l’Hirsute, la Chiasse, Pompabière, Klammer…et Treize : une bande de potes dont les portraits peuvent rappeler certains journalistes, intellectuels et artistes de gauche d‘une mouvance maoïste non fictifs, propulsés avec talent dans un scénario romanesque d’actions révolutionnaires successives et digne d’une BD des Pieds Nickelés pour traduire leur besoin d’héroïsme tout en dévoilant l’actualité de l’époque dont les manifs, le terrorisme d’extrême gauche, la pensée fanatique et les volontaires partis combattre en Cochinchine auprès des soldats de l’armée rouge Viet-Minh (les descriptions du Viet Nam sont saisissantes) et aussi enrichi de références historiques et littéraires.
Ce périph parisien qu’on a vu se construire « comme une piste autour d’un stade »… Pour peut-être mieux contenir les débordements révolutionnaires… Doublant les boulevards extérieurs. Ces enseignes nouvelles aux éclairages fluorescents et ces panneaux indiquant de nouvelles sorties à voies plus rapides… Ces nouvelles marques et démarques publicitaires éclairant la ville… Ce renouveau doublant l’ancien. Cette nouvelle vie se superposant à l’ancienne, celle des souvenirs lointains mais si proches. Cette mémoire qui appartient maintenant à « l’âge des clubs de gym et des radios du colon » transmise à une jolie jeune femme…
Regard dans le rétroviseur, combattants antifascistes désespérés, un goût pessimiste d’impuissance dans l’abandon des luttes. Olivier Rolin, par ce texte magistralement bien écrit, nous livre une mémoire de sa jeunesse révolutionnaire avec force, humour et sensibilité.
«Mais ces histoires dormaient dans les journaux d'il y a trente ans et personne ne les savait plus.» Marcel Proust. (Le Temps retrouvé)
Pourtant ce qui suit, me semble faire résonner un passé très actuel…
« Tu t’étais avancé vers la muraille sombre et scintillante de casques, de visières, de boucliers, de jambières, d’où fusait l’enivrant feu d’artifice des grenades, brandissant… quoi, d’ailleurs ? Curieusement tu te souviens très bien de la certitude que tu avais, commençant à courir en avant des premières lignes de la manif, qu’il allait t’arriver quelque chose, tu te souviens du choc et du démantibulement, de la chute et de la douleur, la cuiller de la grenade te cassant les dents, de la stupeur et en même temps de l’espèce de satisfaction de constater que quelque chose, en effet, était advenu, ces miettes sanglantes, ce goût salé dans ta bouche, et de l’obsession presque simultanée de te relever pour échapper aux ‘pigs’, ainsi que par référence aux Black Panthers US vous appeliez les flics quand vous ne les traitiez pas de SS : tout cela le temps d’une détonation, d’un coup de lance-patates ; mais tu as oublié ce que ta main droite s’apprêtait à lancer : pavé, cocktail Molotov ? Et cette main, ensuite, c’est Chloé qui la tient : tu es allongé dans le cabinet d’un salaud de médecin qui, tout en suturant le plus brutalement qu’il peut, te déclare que tu n’as ce que tu mérites : et ce con n’a pas l’air de comprendre que tu ne pouvais rien rêver de plus beau que ça, être couché sur sa foutue table, puant comme un blessé d’une vraie guerre, avec la gueule en sang et la main de Chloé tenant la tienne. Quelque chose comme le Paradis. Qu’est-ce qu’on était romantiques, fais-tu remarquer à la fille de Treize (parce que tout de même, le whisky aidant, qui rend immensément bavard, fait littéralement fourmiller de paroles, tu n’as pu t’empêcher de lui raconter cette histoire, au rythme de sa jambe qui bat dans la pénombre), et en même temps tu te dis que sans doute tu ne serais pas parti ainsi, absurdement, à l’assaut des casques et des boucliers, si tu n’avais pas lu L’Iliade, ni vu sur une photo célèbre de Robert Capa un milicien foudroyé d’une balle en pleine tête devant Cordoue, et qu’il se fait ainsi d’étranges cocktails Molotov dans la tête des jeunes gens, des caramboles explosives, des courts-circuits d’images. »
La mémoire d’un homme de lettres, pour traduire le ressenti d’une forte espérance et de croyances en ruine.
Et ce samedi, le vent porte aux fenêtres de mon appartement parisien l’écho d’une révolte qui gronde dans la rue… jusqu’aux derniers mots du livre :
« Et après ? Après, rien. On s’en va, vous en faites pas. »
un livre fort qui retrace la vie d'une catégorie de personnes à une époque proche et pourtant si lointaine
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