"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Certains ont des amis imaginaires ; d'autres, des tyrans intérieurs. Celui de Thelma s'appelle l'Entraîneur. Il l'oblige à compter les calories et lui impose une discipline de fer. Soumise à sa loi, la lycéenne épuise son entourage et flirte avec l'abîme.
Mais une issue se dessine : du marathon ou de la séduction de son professeur de sport, quel projet déraisonnable saura la tirer des griffes de l'Entraîneur?
Combative et ironique, Thelma tâche de s'inventer un chemin parmi des adultes aussi désorientés que leurs cadets
Une petite quarantaine de kilos pour un mètre soixante-seize, Thelma a quinze ans. Intelligente, sa force de caractère s'oppose à son aspect physique.
Poussée par une voix intérieure impérieuse qui l'enjoint de maigrir toujours plus, elle souffre d'anorexie mentale depuis dix-huit mois. Cette conscience mortifère, elle l'appelle l'Entraîneur parce qu'il la pousse à pratiquer des activités physiques jusqu'à l'épuisement, tout en la sermonnant dès qu'elle prend quelques grammes.
Avec subtilité, Caroline Bouffault, qui signe ici son premier roman, souligne combien cette maladie est une confrontation entre les pulsions de vie et de mort.
Elle procure un sentiment de supériorité, de maîtrise de son corps et l'impression d'atteindre une pureté inaccessible à ceux qui sont incapables de résister aux tentations.
Elle met aussi en évidence les dommages collatéraux que provoque cette pathologie, les proches étant démunis face à elle en raison de sa complexité si difficile à appréhender.
Sans oublier le regard des autres qui culpabilisent les parents et surtout la mère évidemment.
https://papivore.net/litterature-francophone/critique-thelma-caroline-bouffault-fugue/
Thelma, lycéenne de 15 ans, intelligente, sérieuse, première de sa classe, est avant tout une adolescente qui se cherche. Elle se laisse manœuvrer par le gourou qui a pris possession de sa tête et lutte chaque jour contre son corps. Elle traque chaque gramme supplémentaire et se dégoûte de tout. Le sport est son seul dérivatif.
Si Thelma est le personnage principal du récit, le reste de la famille n'est pas mis de côté. C'est un véritable drame familial dont aucun ne sortira indemne. Thelma n'est pas la seule à souffrir et ses difficultés alimentaires empoisonnent le quotidien de tous. A chaque repas les tensions se multiplient malgré l'amour et l'attention que lui portent ses parents. Sans jamais la juger, son amie de toujours la soutient mais ne peut pas toujours la comprendre.
Avec des chapitres courts et une écriture fluide, Caroline Bouffault fait preuve d'une grande maîtrise pour un premier roman. Tout comme son héroïne, elle pose un regard lucide non dénué d'ironie sur la maladie. Le thème est difficile et pourtant le ton est particulièrement juste. Malgré la gravité du problème ce n'est jamais triste.
Je ne serais pas aller spontanément sur le thème d'une jeune lycéenne anorexique sans la fougue de Camille Paulian de chez Trames et je serais passée à côté d'une autrice prometteuse. Il y a sans doute du vécu dans ce récit et moi, qui n'aime ni l'autofiction ni les atermoiements de l'adolescence, j'ai été plus que séduite.
A suivre !
https://ffloladilettante.wordpress.com/2023/06/13/thelma-de-caroline-bouffault/
Le bon et le mauvais entraîneur
Thelma est anorexique et il semble bien que son entourage soit impuissant à la sortir de cette spirale infernale. Pour son premier roman, Caroline Bouffault a choisi un sujet délicat, mais réussit, avec justesse et humour à embarquer son lecteur.
C'est une famille sans histoire, ou presque. Le père est prof de math, la mère dirige une entreprise de meubles. Leurs deux filles suivent leur parcours scolaire sans difficulté majeure. Billie a six ans, alors que Thelma se frotte aux tourments de l'adolescence. Personne ne sait trop pourquoi, mais elle souffre d'anorexie. À quinze ans, cela fait déjà de longs mois qu'elle refuse de se nourrir correctement et qu'elle soumet son corps au supplice que lui impose son Entraîneur (c'est ainsi qu'elle nomme cette voix qui la met au supplice et définit les lois qu’elle doit respecter et qui sont de plus en plus dures.
Maintenant qu'elle pèse à peine 41 kilos, son entourage commence à s'affoler. Elle se rend chaque semaine chez le médecin pour vérifier sa courbe de poids, est suivie par un psy et ses parents essaient de l'encourager de leur mieux. Mais rien n'y fait. Tout au contraire, des dissensions vont se faire jour au sein de la famille. Si sa sœur ne comprend pas pourquoi Thelma n’est pas «normale», son père préfère minimiser et sa mère devient irritable. Toute sortie au restaurant est vécue comme une épreuve.
Violette, sa meilleure amie, croit avoir trouvé un bon plan. Il faut qu'elle couche avec un garçon pour ne plus figurer sur la liste des filles hors-catégorie dans le palmarès des plus baisables qui circule en classe. Et pour faire bonne mesure, un adulte serait le partenaire idéal.
Comme le prof de sport semble apprécier Thelma, c'est sur lui qu'elle décide de miser. Mais le chemin est long, d'autant qu'il n'est pas question pour l'enseignant de se compromettre avec l'une de ses élèves. Ce qui va toutefois changer la donne, c'est le désarroi des parents. Quand Violette leur explique que Thelma n'est pas insensible aux charmes de ce bel athlète, ils vont tout simplement lui demander son aide. «Ce ne serait pas la première fois qu’une approche originale réussirait là où échouent les thérapies classiques. Il a lu que la question de la confiance en soi est centrale dans l’anorexie. Quel meilleur traitement que le sport en compétition pour gagner en assurance? En toute humilité, Guillaume est assez sûr de son coup.» Réussira-t-il dans son entreprise? C’est tout l’enjeu de la seconde partie du livre.
Caroline Bouffault affiche une belle maîtrise pour un premier roman. D’une écriture qui sonne toujours juste, empathique avec une pointe d’humour, elle réussit à nous faire partager le combat de Thelma. Sans doute parce qu’il s’appuie sur du vécu. Saluons donc tout à la fois la primo-romancière et les éditions Fugue, dont c’est l’un des premiers ouvrages publiés.
https://urlz.fr/lLFV
Tu es cette petite brindille, qui attire les regards, entre fascination et répulsion, depuis que tu as décidé de prendre le contrôle sur ce corps que tu méprises. Les restrictions de plus en plus sévères ont fait de toi cette silhouette fantomatique qui semble cependant animée d’une énergie dévorante.
Vous les subissez vous aussi, ces regard, accusateurs, quelle mère est-on si l’on n’est pas capable de nourrir son enfant. De la provocation au dépit, les repas familiaux sont devenus des épreuves.
Alors vous, monsieur, un peu débarqué de ce combat, vous allez chercher ailleurs la preuve que vous existez encore.
Le drame familial qu’est l’irruption d’une anorexie mentale, ou d’un quelconque autre trouble du comportement alimentaire est très bien saisi dans ce roman, qui donnera parole aux différents protagonistes, permettant au lecteur de s’immiscer dans l’intimité de chaque personnage.
Un événement particulier autour duquel se construit l’intrigue permet au récit de se distinguer de ce qui pourrait être un reportage scientifique.
Beaucoup d’humanité, sans jugement, pour ce sujet difficile. Thelma ne peut manquer de séduire nombre de lecteurs.
256 pages Fugue 6 janvier 2023
Thelma est une jeune fille de 15 ans qui pense être bien dans sa peau. Elle écoute chaque jour les conseils, non, les ordres de l’entraîneur pour tenir la ligne qu’elle s’est fixée, ne pas se laisser envahir de disgracieux bourrelets, et toujours courir, éliminer, afin de ne jamais prendre un gramme de trop. Thelma connaît toutes les astuces qui donnent l’illusion qu’elle a pris un peu de poids en particulier lorsqu’elle doit monter sur la balance du docteur. Il suffit parfois de boire des litres d’eau avant la visite hebdomadaire et tout va tellement vite qu’il ne se rendra compte de rien. Une seule obsession, rester en permanence à la limite de la barre fatidique qui pourrait l’envoyer directement à l’hôpital.
Thelma vit dans une famille aisée, parents aimants, petite sœur docile. Chez elle, plus personne ne vit normalement, les parents sont à l’affût, sa petite sœur Billie doit suivre les consignes pour tenter d’endiguer cette vague qui un jour va tous les emporter. Car il est si difficile de vivre auprès du adolescente qui se détruit à petit feu sans que personne ne puisse démêler l’origine de son mal, comprendre son but, ni savoir que faire pour que tout rentre dans l’ordre.
Seules quelques rare personnes la considèrent comme un être normal. Dans ceux-là il y a surtout son amie Violette, mais aussi Justin ou encore le prof de sport remplaçant.
Thelma, brindille fragile que tous protègent comme si elle était en verre. Lorsque le prof lui propose de s’entraîner pour un marathon, sa vie s’illumine. Est-ce le moyen de faire définitivement taire l’entraîneur ? De rentrer dans le monde des autres, le monde normal ?
Le lecteur suit alors la progression de ce mal insidieux, sans jamais être dans une position de voyeur. Thelma est forte, intelligente, déterminée, mais son entourage est aussi pugnace qu’elle. L’amitié, le sport, la famille tiennent une vraie place pour tenter d’endiguer cette destruction au quotidien.
La suite sur le blog #DomiCLire https://domiclire.wordpress.com/2023/03/04/thelma-caroline-bouffault/
https://leslivresdejoelle.blogspot.com/2023/02/thelma-de-caroline-bouffault.html
Certains ont des amis imaginaires, d'autres des tyrans intérieurs. Celui de Thelma s'appelle l'Entraîneur. Il règne sur son quotidien, lui enjoint de compter les calories et lui impose une discipline de fer. Soumise à sa loi, la lycéenne de quinze ans épuise son entourage et flirte avec l'abîme. Mais avec l'appui de son amie Violette, une issue se dessine : du marathon ou de la séduction de son professeur de sport, quel projet déraisonnable saura la tirer des griffes de l'Entraîneur ? Une compétition sportive ou l'amour physique lui feront-ils gagner l'assurance qui lui manque tant ?
Sur un sujet grave comme l'anorexie mentale Caroline Bouffault a choisi d'adopter un ton léger et finement dosé en humour qui contribue à l'originalité de ce roman. Tout est très bien analysé : les préoccupations des ados, le désarroi des parents face au délabrement du corps de leur enfant, leur culpabilité et le poids de l'opprobre de toute une société sur leurs épaules. Les parents, démunis par une maladie qu'ils ne comprennent pas, sont émouvants dans leurs tentatives désespérées d'aider leur fille, ils vont jusqu'à installer un logiciel-espion sur son téléphone pour pister son temps passé sur internet et pour suivre ses déplacements lorsqu'elle part courir seule. Une famille complètement envahie par la maladie de Thelma, des parents obsédés par les repas de Thelma, au point d'en oublier d'autres aspects de leur vie de couple.
L'ambivalence des sentiments de Thelma est décrite avec finesse, entre jouissance tirée de l'abstinence et volonté de s'affranchir de son tyran intérieur. Ses séances chez le psy à qui elle ne dit pas tout, ses ruses envers le médecin qui contrôle son poids chaque semaine... tout sonne très juste. Thelma est une jeune fille qui touche par sa fragilité, par l'énergie qu'elle dégage, par son manque de confiance en elle mais également par sa lucidité. Elle ne peut que susciter de l'empathie.
Un tyran intérieur symbolisé par le fameux Entraîneur et le ton adopté par l'auteure font toute l'originalité de ce premier roman très réussi.
Un premier roman, une toute nouvelle maison d'édition, voilà qui sonne bien pour entamer une nouvelle année. Surtout lorsque ce roman s'avère être une jolie surprise. Ceux qui me connaissent savent que je ne me jette pas sur les textes qui ont pour thème l'adolescence et ses affres, la prouesse est d'autant plus remarquable. Le sujet est grave, Thelma est anorexique mais d'emblée l'énergie du ton emporte le morceau, il n'y aura pas d'apitoiement bien au contraire. Tout le monde pourra s'identifier à Thelma dont le regard lucide offre un panorama juste et presque drôle de son environnement familial et amical.
Des parents normalement dépassés, une fidèle meilleure amie envers et contre tous, des camarades de classe qui ne savent pas toujours se comporter face à cette brindille qui pourrait se briser en cas d'étreinte trop forte. Et un mystérieux entraîneur qui a pris possession de l'esprit de Thelma, lui impose un régime strict, des efforts physiques destinés à éliminer la moindre parcelle de graisse. La jeune fille jongle avec les injonctions intérieures et celles du médecin qui la pèse chaque semaine, du psy auquel elle cache bien sûr l'existence de l'entraineur, des parents devenus obsédés par la nécessité de lui faire absorber un minimum de calories. Elle se met en tête que peut-être l'amour physique pourrait lui offrir une porte de sortie... et jette son dévolu sur son prof de sport. Un entraîneur parviendra-t-il à en chasser un autre ?
J'ai pris un réel plaisir à suivre les aventures de Thelma qui ne vont jamais tout à fait dans le sens que l'on suppose et sont portées par des personnages à la fois humains, crédibles et suffisamment surprenants pour donner envie de leur emboîter le pas. Il se dégage de ce texte une fraîcheur joliment travaillée et un réjouissant art de la narration qui permet à la romancière de sublimer sa matière pour lui donner une portée universelle. J'avoue que la ligne sportive qui guide les pas de Thelma n'est sans doute pas étrangère à ma sympathie pour ce roman dont j'ai aussi apprécié l'équilibre dans la composition.
C'est à la fois profond et léger, bravo.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
« Thelma » l’adolescence aux abois. Moment clé de l’existence, l’évidence des métamorphoses.
Thelma est une jeune fille, complexe du homard, quinze ans et demi, entre février et juillet, le vertige de la quête de soi.
L’incipit donne le ton, résolument doux, comme une voix qui conte ce qui va advenir.
« Deux litres et demi en trois quarts d’heure, la crue menace. Des gouttelettes se forment sous les aisselles et sur la poitrine plate de Thelma. »
Elle est dans cette orée, entre désir et crainte, consciente de ses faiblesses. Une bataille entre elle et l’Entraîneur qui lui somme dans une voix venue de son corps de tout bousculer et de fondre comme la neige. Poids plume, résister et courir plus vite et plus loin encore.
Elle frappe chez son psychiatre. Le ventre gorgé d’eau, un kilo de plus, un mensonge de plus sur la balance. Faire semblant d’aller mieux, du moins pas plus mal. Le masque, malgré les confidences et les inquiétudes du docteur.
« Le travail scolaire, c’est important, Thelma, mais moins que ta santé. » « Elle doit frôler les quarante et un. Presque quarante. Un jour, peut-être, son poids commencera par trois. »
Thelma côté ville et lycée est vive et enjouée. Volontaire et énergique, un brun crâneuse avec les autres, mais sous l’écorce, une fragilité qui fissure son mental. Elle est sur le fil tendu, telle une funambule en quête d’équilibre.
De mimétisme vêtue, se fondre dans une apparence consensuelle. Et pourtant ! Elle est sur le radeau de Géricault en proie à une bataille intérieure. Un défi, devenir transparente, son alter-ego en quelque sorte, le témoin de ses torpeurs, un signe visible pour ses parents qui vivent aussi des turbulences d’adultes et de finitude de l’amour.
Thelma a une amie intime Violette. Sa complice et sa confidente, celle qui pousse Thelma dans le dos car elle pressent l’alarme dans le regard de son amie. Un appel au secours silencieux et pudique. Elle soutient Thelma, intuitive et pragmatique, Violette va aider son amie. Sans même que les ordres ou conseils soient donnés. Dans une connivence, une concorde amicale. Bâtir des solutions dans les murs même du lycée.
Monter un plan digne de jeunes filles de leur âge, un semblant de normalité. Thelma est amoureuse de son professeur de sport, le remplaçant, jeune et beau. Elle devient l’emblème même d’une jeune femme dévorée de désir et d’illusions. Thelma est peu entourée chez elle, souvent seule. Sa mère entrepreneuse, et dont le métier est plus important que tout. Un père, inquiet qui se doute que sa fille va de plus en plus mal mais dont la pudeur clos l’entraide et l’affection démontrée. Thelma aime le sport plus que tout. Courir, se surpasser. Elle se trompe de voie. Son but est de maigrir encore et encore. L’Entraîneur, en elle est un mirage et la voix sourde de ses propres démons. Elle imagine son pouvoir sur elle. Discipline de fer, grignoter, vêtements amples. Le défi cornélien, imprévisible et risqué.
Thelma flirte sur la ligne jaune. Mais Guillaume Faroy son professeur d’EPS, lucide et intuitif va lui proposer un vrai marathon. L’initier à la liberté, au lâcher-prise, à la gloire d’une renaissance.
« Faroy redevient le prof d’EPS qui exige l’attention de tous, et elle, l’élève docile et motivée…C’est l’heure. »
Thelma finira t-elle sa course ?
Ce récit sensible, d’une haute intelligence, dont la profondeur magnifique, olympienne est un plaisir de lecture infini. Ce premier roman de Caroline Bouffault qui dépasse largement ses grands frères, est une mise en abîme psychologique d’une famille et de ses tourments, ses secrets et lassitudes. Thelma, souveraine et délicate et dont le corps pleure à sa place est une course en plein vol, un hymne à la vraie jeunesse avec ses écueils et ses pertes de vitesse, ses douleurs et inquiétudes et la soif de reconnaissance infinie. On a une empathie stupéfiante pour Thelma. On a envie de la serrer fort dans nos bras. Le pouvoir immense de ce livre qui semble réalité. La beauté douloureuse d’une trame pourtant ensoleillée, dévore notre contemporanéité, tant sa justesse peut frapper à notre porte.
Salvateur et bienfaisant, un livre de salut. À lire et à offrir sans modération. Publié par les majeures Éditions Fugue.
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