"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
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Très bien documenté
La tension est grande dès les premières lignes de ce roman essentiel dont je n’avais pas entendu parler à l’époque de sa parution mais qui, heureusement, est ressorti en poche.
Devant la Préfecture de police, Samba fait la queue depuis quatre heures, sous le soleil de juillet. Il vit et travaille en France depuis plus de dix ans. Né à Bamako (Mali) en 1980, Samba Cissé attend une carte de séjour alors qu’il bosse et paie ses impôts. Quand enfin, il est reçu par un fonctionnaire, on l’envoie en salle d’attente et sa réflexion est savoureuse : « Samba est repassé devant la file de gens qu’il avait quittée à peine cinq minutes auparavant, en se demandant vaguement pourquoi on faisait patienter tout ce monde debout, s’il y avait une salle d’attente quelque part. »
J’ai beaucoup aimé lire Delphine Coulin qui sait parfaitement plonger son lecteur dans la vie de ceux que l’on nomme des sans-papiers sans négliger les retours au pays d’origine de Samba et de son oncle, Lamouna qui l’héberge dans une cave aux fenêtres horizontales au ras du trottoir. L’auteure raconte le périple, l’odyssée, la montagne de souffrances endurées par tous ces gens qui fuient leur pays pour venir vivre en Europe et envoyer de l’argent à ceux qui sont restés.
Samba fait connaissance avec le Centre de rétention de Vincennes où il rencontre Jonas qui lui parle de Gracieuse, femme qu’il espérait épouser en France. « Qu’avait-il fait de si grave pour être enfermé de cette manière ? Rêvé d’ailleurs ? Est-ce que le rêve était un crime ? » Un peu plus tard : « Il disait que les jours passés à Vincennes resteraient parmi les plus violents, les plus bruyants, les plus horribles de toute son existence. »
Enfin, entre en jeu la Cimade dont fait partie la narratrice, bénévole comme beaucoup d’autres : « Nous rédigions alors des recours juridiques où nous traduisions dans la langue de la République les arguments de ceux que nous étions venus aider. Nous étions des traductrices. »
Samba pour la France permet de suivre la vie d’un jeune homme, chez nous, prêt à assumer les travaux les plus durs afin de s’intégrer, d’être enfin admis. Mais « ce pays se moque de nous, » dit Lamouna qui ajoute : « Il y a deux camps avec des idées opposées : la France pays des droits de l’homme, et la France rassise, moisie. C’est une guerre et nous faisons partie du mauvais camp. »
Avant qu’une fin réussie, ouvre une porte sur l’espoir, il faut encore citer Delphine Coulin : « Officiellement interdits, mais officieusement employés, ils fournissaient une main-d’œuvre commode, nombreuse et sous-payée, nécessaire à la bonne marche de l’économie générale. Dans la France souterraine, ils balayaient les rues, triaient les ordures, torchaient les vieilles dames et nettoyaient les moquettes des bureaux la nuit pour que le jour, tout puisse fonctionner à merveille, comme si la crasse, la vieillesse et les déchets n’existaient pas. Comme si eux-mêmes n’existaient pas. »
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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