"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ce que Raphaël admirait chez Serge, c'était sa rage. Une colère, une hargne qui donnait plus d'impact à chacun de ses gestes, de présence à son corps, de profondeur à son regard. Par rapport à son ami, Raphaël se sentait trop doux. Guimauve. Et son admiration se teintait d'envie. Lorsqu'après vingt ans sans s'être vus Raphaël et Serge se retrouvent pas hasard, tous les sentiments de l'enfance et de l'adolescence resurgissent.
La même fascination. Le même soupçon de jalousie contre laquelle l'amitié lutte en vain. Mais n'est-on pas toujours le plus mauvais juge de soi-même ? Et si c'était justement à sa douceur que Raphaël devait le meilleur de son existence ?
Le temps qui passe, les illusions qui se perdent dans le dédale de la vie, quatre lettres rouges peintes à la main sur un Perfecto... « Rage ». Comme un avertissement ! Pas une révolte contre l’ordre social, non ! Plutôt la peur devant les contraintes de tous ordres perçues comme autant de menaces à la liberté. Raphaël n’est pas un marginal, il suit le mouvement et quand la rage s’invite à nouveau avec l’envie de tout passer par-dessus bord, quand l’absence de route devient trop pesante, il y a toujours moyen de trouver un refuge, le temps d’une soirée, avec les copains ou la musique. Renaud, le compagnon fidèle !
Sa mère à lui, lorsqu’elle l’accompagne chaque lundi au car qui le conduit au lycée, ne cesse de l’encourager en lui disant qu’il est beau, il en a besoin mais... ça ne suffit pas à le rassurer. Malheureusement elle semble toujours triste, sa mère, peut-être parce qu’à elle personne ne lui dit qu’elle est belle. Pas même son fils, il ne sait pas faire.
Quant à son père, tellement sérieux qui ne laisse jamais aucun geste au hasard, c’est un angoissé ! En fait, seule Virginie sa fille trouve grâce à ses yeux. Belle et brillante, mention Très bien au bac. Un jour elle sera pharmacienne. Avec son fils, c’est différent. CPE, c’est comme ça que Raphaël le désigne, ne cache pas sa déception de voir qu’il refuse obstinément de prendre la vie au sérieux.
Quand les repas à la maison n’en finissent plus, il n’y a plus qu’à fuir.
Et voilà Serge, l’ami de toujours. Lui, il a du succès auprès des filles et il ose cultiver la marge. C’est vrai qu’il se livre régulièrement à de petits trafics, mais toujours il revient. Et puis il y a le sourire de Sarah qui veille sur lui comme lui veille sur elle. Bérénice aussi, avec sa frange et ses yeux bleus, qui le trouve mystérieux.
Arrive le temps du bac, les vacances en Camargue, la fac qui se profile à l’horizon, le permis de conduire. Il va bien falloir le quitter ce monde de l’enfance. S’essayer à faire l’adulte. Et que vont-ils devenir, tous ?
Depuis toujours il écrivait des chansons, des petits textes comme il disait. C’est décidé, il sera chanteur. Chanteur de bar, chanteur de bal, avec pour commencer, les chansons des autres. Derrière son micro, dans ce petit bistrot des Saintes-Maries-de-la-Mer, pendant que les verres circulent, il chante et se sent bien. Bien sûr il est sans illusion sur l’attention distraite que lui prêtent ceux qui sont là. Peu importe, ils ont choisi ce lieu pour fuir les hordes de touristes.
Un jour, au milieu du public, il remarque Clarisse qui est là sans boire de bière et qui le regarde...
Une écriture serrée, des phrases souvent très courtes, quelques mots seulement. Comme s’il fallait se hâter à dire les choses pendant qu’elles étaient encore là. Ne rien laisser passer non plus. Les mots, pas la peine de vouloir les enrober, ils risquent de perdre leur éclat. D’ailleurs ils ne sont pas là pour raconter des histoires mais pour dire l’essentiel. Inutile de faire semblant !
J’avais aimé « Des plumes et du goudron », « L’Assassinat de Gilles Marzotti ». Christophe Desmurger vient de passer avec brio l’obstacle du troisième roman.
Une critique de Dominique Molin
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