"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Les photographies de Piotr ne reflètent pas la réalité, elles sont plutôt une réaction à la réalité : apprivoisée et étrangère, répétitive et enfermée dans un seul phénomène, peuplée par d'anciens dieux détrônés et persécutée par les angoisses de la civilisation. Les photographies contiennent souvent des éléments imprévisibles. Nous reconnaissons et classons ces photos dans des catégories de notre propre mémoire l'image interne. Lorsque nous choisissons une image, nous savons qu'elle est en nous depuis la nuit des temps, plus ou moins consciente; nous la portons en nous-mêmes comme l'héritage des générations: immensité des eaux, arbre, clair de lune, rayons du soleil, solitude, rire, tristesse, chemin, mort, amour, chagrin, cendres, ombre... - la portée universelle du sort humain et préhumain. L'image était précédée par le mystère, le culte, le mythe et l'expérience physique de l'espace et du temps immobile, un désir fondamental de l'homme. À l'Instar du mythe, qui est un défi porté à la mortalité et qui sait arrêter le temps qui passe, notre image interne sait arrêter la mortalité, la nier. La réalité / l'irréalité du monde contemporain où se promène Piotr Zbierski est peuplée par les «cendres» des dieux et des religions déchus. L'endroit vu par le Photographe, fixé sur la pellicule, devient un endroit qui accumule des histoires exceptionnelles, le registre de la mémoire de l'histoire qui comprend l'histoire de la vie de l'Auteur, celle de ceux que nous voyons sur les photos et de nous tous.
Ainsi on partage ses émerveillements, ses angoisses, ses fascinations, on est avec ses vivants et ses morts, on participe à la cérémonie du retour quasi archéologique à l'image gravée dans notre corps. Cette image a été saisie grâce à l'intuition exceptionnelle du Photographe, à sa certitude archétype qu'il existe une force physique exercée par cet état d'esprit qui avait fait se figer cette image à un endroit et à un moment précis.
L'image devant l'image, l'image première, l'image-question sur la cause de l'effondrement de l'ordre spirituel de l'univers. Les photographies de Piotr paraissent placer leurs destinataires devant les tensions irrésolues du passé, les revendications pas toujours comprises de la science moderne, les calculs rationnels dus au progrès audacieux de la technique qui se sont emparés de tous les domaines de l'expérience humaine. Le regard du Photographe paraît arriver au-delà des images; et en recherchant l'origine des causes et principes premiers, il retrouve le barbare, tout en étant conscient de l'avertissement de Friedrich Nietzsche qui a dit que le retour aux origines signifie en fait toucher l'encore-inhumain.
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