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Un célèbre auteur de romans gothiques décide qu'il n'écrira plus. Lassé de se plier aux exigences du genre et aux lois du marché éditorial, frustré d'y avoir sacrifié ses ambitions littéraires, il amorce un virage radical : sa vie, désormais, sera consacrée à l'opium. Encore faut-il en trouver.
Pour cela, il traverse Buenos Aires à bord du bus 126, dans lequel il croise l'énigmatique Alicia, une femme au foyer qui pourrait bien être son amour de jeunesse, rencontrée jadis sur les bancs de la faculté d'ingénierie. Le bus le conduit jusqu'à L'Antiquité : tel est le nom de la boutique dans laquelle il est reçu par un étrange dealer, dit L'Huissier, qui lui ouvre les portes d'une nouvelle réalité.
Comme dans un hiéroglyphe, tout est mystérieux dans le roman de César Aira, à commencer par son titre. Et le lecteur va de surprise en surprise chaque fois qu'une porte s'ouvre sur un nouveau labyrinthe, un escalier secret, une pièce interdite, une tour inachevée. Hallucination, rêve ou cauchemar, Prins est le récit d'une folie qui ne semble étonner personne et où l'humour n'est jamais loin, un voyage au coeur de la littérature auquel nous convie l'un des plus grands auteurs argentins.
M. César Aira, célèbre romancier argentin (Prix Formentor 2021), nous offre avec « Prins » une merveille de roman, follement imaginatif et décalé.
Le titre se réfère à Arturo Prins, un architecte argentin. En 1909, il est chargé de réaliser la conception de la Faculté d'ingénierie de Buenos Aires. La mode étant au bâtiment gothique, il se lance dans un projet démesuré, une espèce de cathédrale folle avec une tour de plus de 120 mètres. Faute d’argent, le projet n’ira pas à son terme. Il meurt en 1939, et la légende prétend qu'il s'est suicidé car il se serait aperçu d’erreur de calculs. Reste un bâtiment fou et inachevé, avenida Las Heras à Buenos Aires, près du cimetière de Recoleta.
Le roman est à l’image de cette histoire : complètement barré. Le narrateur en est un écrivain, lassé d’écrire des romans gothiques à la chaîne, car sans la moindre qualité littéraire. Il n’en peut plus des châteaux isolés, des damoiselles en détresse, des fantômes errants, et autres clichés du genre. Il décide donc d'arrêter. Et de se trouver un nouveau but dans la vie. Son choix, complètement loufoque, sera de se mettre le plus sérieusement du monde à l’opium. Vous voyez poindre ici l'absurde, et vous n’avez pas tort, le reste sera à l’avenant. On est dès lors embarqué dans un récit rempli des influences du réalisme magique sud-américain, où l’on croisera l’Hermine, un SDF auquel on ne peut poser qu’une seule question, l’Huissier, un dealer qui conduit une antique voiture et qui a d’ailleurs passé une partie de sa vie perdu dans l’Antiquité, ou encore une bande de malfaiteurs dont le mode opératoire s’inspire du roman gothique.
Au-delà de cette trame narrative riche, le style et l’inventivité de la langue sont à saluer. L’ensemble de ce roman explore bon nombre de possibilités, on navigue entre plusieurs époques, on se perd entre plusieurs personnages féminin tous nommés Alicia, comme on se perd dans les méandres de l’immense demeure gothique et tarabiscotée du narrateur. Le tout étant également rempli de trouvailles drolatiques, à l’image de l’incessante fantaisie qui nous emmène à l’orée du rêve, un peu comme si l’on abusait comme le narrateur d’une drogue modifiant notre perception de la réalité. Réalité qui n’est pas non plus oubliée ou mise à l’écart. La ville de Buenos Aires est très présente, ses quartiers, ses habitants, ses problèmes économiques ou sociaux, font aussi partie de cette expérience romanesque jouissive.
Bref, je vous invite à vous perdre au plus vite dans les méandres gothiques de « Prins », pour ma part je ne manquerai de continuer à parcourir l’œuvre du grand César Aira.
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