"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«Une Toussaint, je me souviens. Toute l'après-midi, j'avais bêché dans le jardin, pour préparer les plates-bandes du printemps futur. Le crépuscule était descendu vite, pendant qu'une pluie, forte et froide, se mettait à tomber, et je me hâtais dans la glaise d'enterrer mes bulbes avant l'obscurité complète. Quand je relevai la tête pour courir m'abriter sous l'auvent de la terrasse, je l'aperçus. Elle avait cessé de regarder la télévision, elle s'était avancée jusqu'à la porte. Elle était là, appuyée à sa canne, derrière la vitre. Scrutant la nuit. Je restai où j'étais, arrêté en haut des marches, avec mes mains maculées, les sabots englués de boue, l'eau qui dégoulinait sous le col de ma veste en gros velours. Je me rappelle : je me doute qu'elle ne me voit pas. Je la vois, moi, qui lâche sa canne, pose une main à plat à hauteur de sa tête, pour mieux se coller à la vitre. Son visage fait une tache blanche dans le noir.» Avec ce récit, l'auteur s'est attaché à décrire jusqu'au dernier souffle la fin de vie d'une grand-mère par alliance. Jean Delabroy signe là une oeuvre très ambitieuse dont la réussite tient avant tout au travail opéré à même la langue : classique, tortueuse, nuancée, elle parvient à mettre à nu toutes les dimensions du vieillissement, sans sentimentalisme ni pathos.
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