"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un roman bouleversant sur la vie et les regrets, sur les rêves enfouis et ceux que l'on réalise.
Pour échapper au morne quotidien de la maison de retraite, chaque soir, Amandine Berthet offre à ses compagnons d'infortune une évasion : tous s'envolent en pensées vers le Brésil et le delta de l'Amazonie. C'est là qu'Amanda, le double imaginaire d'Amandine, a passé son enfance mouvementée. Amandine déploie cette histoire fantastique, raconte la passion destructrice qui animait ses parents, décrit sa nourrice, la vieille indienne Maraja et ses potions qui soignent, et puis les cafezihno, ces petits cafés très sucrés qu'elle aimait tant...
Pourtant, la réalité d'Amandine est bien éloignée de ce conte si romanesque et exotique. Née dans une famille paysanne marquée par la pauvreté, elle passera sa vie aux côtés d'un homme violent. Une petite vie, étriquée, fanée.
Alors, quand Amandine entrevoit la possibilité de réellement s'évader de la maison de retraite, elle n'hésite pas. Cette fois, elle veut vivre la vie en grand. Peut-être pourra-t-elle même, pour la première fois, voir la mer.
Un moment d'évasion d'une rare densité et qualité que j'ai dégusté quasiment d'une traite tant le personnage central, l'exceptionnelle conteuse Amandine, m'a pris prend dans ses filets, ses descriptions et ses récits polyphoniques.
Un récit commencé en 1998 sur la base de "l'évasion" d'une vieille dame pour enfin atteindre le but qu'elle a toujours eu, celui de voir au moins une fois dans sa vie la mer, elle dont la vision du monde s'est souvent limitée à la seule ferme des Dombes (entre Auvergne et les Alpes) où elle fut confinée avec de surcroît juste un bout de fénêtre, ce qui est probablement l'explication du titre de ce très subtil roman.
Amandine Berthet est cette fugitive, de la maison de retraite suisse où son fils, pour lequel elle a tant sacrifiée y-compris son intégrité physique afin de lui épargner les coups d'un père inhumain et violent, l'a recluse par facilité. Maison de retraite qui affiche pour les familles de ses pensionnaires un programme alléchant de sorties et de réalisations de bon aloi mais hélas de facade, heureusement Amandine s'y illustre comme une conteuse hors pair pour nombre de ses congénères et la mer en est souvent le point de départ ou le cadre.... Elle invente ou recrée au besoin des vies merveilleuses et / ou tristes, poursuivant ainsi ce qui l'a aidé à vivre depuis ses plus jeunes années, sur la seule base de romans et de livres de géographie qu'elle fut obligée de lire en cachette, tant Albert, sa brute de mari désapprouvait ces possibilités d'évasion....
Le lecteur, à l'image des pensionnaires de cette maison de retraite va ainsi se retrouver plonger dans une multitude de vies, de personnages mais aussi partager la douleur, les peines et la véritable vie d'Amandine. Si cela peut déconcerter dans les premières pages, Nicole Giroud va très vite nous donner un cadre et cela autour du destin de trois personnages féminins ; Amandine (identité réelle), Amanda et Adelita (identités fictives ou / et rêvées) et de personnages clés qui vont les accompagner entre France, Portugal et Amazonie (Euclides, Maraja la vieille nourrice indienne entre autres). Amandine, passionnée de lecture et la plus diplômée de sa famille de pauvres fermiers, à l'historique sinistre (père violent, mariée / vendue contre quelques vaches, mari brute épaisse) n'a d'autres perspectives pour supporter son sinistre quotidien que d'inventer des identités tourmentées mais aux destins exceptionnels loin de tout. C'est ainsi que vont naître ses propres légendes qui vont constituer à la fin de sa vie un véritable trouble dissociatif de l'identité...
Si le roman commence par l'évocation de la fuite d'Amandine, il se termine tout naturellement par une dernière parenthèse, enfin heureuse pour elle avec la rencontre et le voyage, le seul réel, avec le groupe de la jeune équipe de Rocco, Aurélie et Carla, son dernier public mais aussi une certaine famille, enfin trouvée.
A lire d'urgence...
J'ai eu la chance en cette fin de mois de novembre de participer à une lecture commune avec les éditions les Escales. Le principe est simple: nous étions plusieurs à lire en même temps le roman de Nicole Giroud Par la fenêtre et à l’issue de cette lecture commune nous aurions la possibilité de « rencontrer » l’auteure – crise sanitaire oblige, cette rencontre serait virtuelle.
Couverture du livre « Par la fenêtre » de Nicole Giroud aux éditions Les Escales
C’est donc avec un double plaisir que j’ai ouvert ce roman à la première de couverte exotique. L’idée d’échanger avec l’auteure du roman était vraiment intéressante, c’est aussi pour cela que j’aime autant les rencontres littéraires ou les salons. Connaître le travail en amont, les sources d’inspiration apporte un regard souvent nouveau sur mes lectures.
Mais avant de vous parler de la rencontre, je vais vous parler du roman et de son intrigue.
Le roman s’ouvre sur une fugue loin d’être ordinaire. Il s’agit d’Amandine, 80 ans, qui vient de fuguer lors d’une sortie organisée par sa maison de retraite en Suisse où son fils l’a installée…malheureuse, seule, Amandine n’a qu’un rêve à l’aube de sa mort : voir la mer. Elle, la vachère, qui n’a connu que la campagne, veut voir la mer avant de mourir. Mais la surveillance dans la maison de retraite est efficace et Amandine doit ruser. Elle finit par s’échapper et croise la route de trois jeunes gens qui vont l’aider dans son ultime désir.
Telle est pourrait être la présentation de ce roman mais ce serait vous mentir car ce roman est double, il offre deux histoires. Celle d’Amandine, vachère solitaire, battue par son mari, mère martyre pour que son fils unique puisse sortir de cette terrible condition. Amandine c’est l’espoir de celle qui sait lire dans une famille d’illettrés, de celle qui obtient son certificat d’étude, l’espoir de celle qui n’aura d’autre issue qu’un mariage malheureux où la peur d’être battue sera la plus forte. Mais c’est aussi l’histoire d’Amanda, son double imaginaire, son double de papier, celle qu’elle convoque lorsque la réalité est trop sordide, trop dure. Amanda, c’est l’exotisme, le voyage, l’ailleurs, c’est le Brésil avec cependant d’autres souffrances, laisser passer dans la fiction les peurs, les craintes mais aussi les espoirs de la réalité. Car Amandine est une merveilleuse conteuse. Amoureuse des mots, elle les fait vivre, leur donne chair. Amandine, c’est la force de l’imagination.
ELLE CONSTRUIT UN MONDE MOTS QUI LA PROTÈGE DU MONDE RÉEL.
Par la fenêtre c’est un sublime roman sur la vieillesse, sur la famille mais aussi sur le pouvoir des mots, de la lecture, sur la force de l’imagination, rempart vital au désespoir de la réalité.
Et ce fut un véritable plaisir d’échanger avec Nicole Giroud qui nous a expliqué les sources d’inspiration des lieux, des personnages, la génèse de son roman. Même virtuelle, la rencontre fut enrichissante et plaisante. Elle a donné encore plus de force à la lecture de ce roman.
En résumé : une lecture chaudement recommandée et une expérience de lecture commune à réitérer !
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