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De la source à l'embouchure, l'eau de la rivière jaillit, fait du bruit en sautant entre les roches volcaniques dures et noires, élabore sa mélodie pour flûte avant de changer de bassin et se lasse en s'étalant dans les terres plates qui mènent à la mer.
L'eau de la rivière c'est la vie qui surgit, creuse un chemin dans la pierre et la terre, cisaille et sculpte le morne pour s'éteindre après l'ouvrage dans les eaux de l'océan. L'eau de la rivière excite la joie de l'enfant, lave le linge que lui offre la femme, féconde le jardin de l'homme.
L'eau de la rivière n'est pas que douceur, une bête facile à apprivoiser, elle contient la soudaineté sauvage et brutale des forces naturelles. Regardez comme elle dévale les mornes lors des grosses pluies, des tempêtes tropicales, des cyclones(...) Man Dlo voit tout et a déjà tout vu, le jour, la nuit. Les nuits et les jours qui se succèdent sur la terre depuis bien avant les ancêtres de nos ancêtres. Elle a vu s'écouler les temps comme les vies. Elle a vu les transformations de l'endroit et de tous les endroits de la terre. Les transformations de tous les pays de la terre. Elle a vu les souffrances, les joies, les crimes des hommes à toutes les échelles du monde (...) Man Dlo voit passer son ami le temps sous ses déguisements aussi riches et différents du pôle Nord au pôle Sud. Les déguisements de cet ami sont appelés par les hommes hiver, automne, été, printemps, carême, hivernage.
Dans la mythologie des Antilles, dans ce sacré recomposé où bestiaire fantastique et figures tutélaires des Ancêtres se côtoient, le mythème de Man Dlo occupe une place à part. Héritées des Afriques originelles, génies des forêts et des eaux, êtres surnaturels protecteurs et pourvoyeurs de grandes consciences, les Man Dlo sont Femmes. Cette féminité les rend mères, non seulement de l'ensemble de la communauté, si longue à trouver la densité heureuse de son rassemblement, mais aussi de chaque morceau, chaque arbuste, chaque puissance aquatique - faune ou flore - qui vit au coeur des règnes humides où commence l'immémoriale Vie.
Émile Eadie, physicien mais aussi historien, spécialiste de l'Histoire des Antilles, ouvre ici la Porte des Allégories et rend un hommage constant, inquiet, questionnant et curieux, au mythe féminin qui sous-tend l'Homme. L'invention verbale, la constante vigilance à dire qu'il existe une visibilité - et une lisibilité - nègre du monde, mais aussi la confrontation de cette visibilité, cette lisibilité avec d'autres - Man Dlo ne rencontre-t-elle pas Gandhi ? - font de ce livre à la fois poétique et mythologique une puissante introduction créole au monde.
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