"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
New York, 1950. McCarthy et son équipe interrogent une certaine Maria Apron, 37 ans, actrice. Elle est accusée d'être entrée en Amérique avec un faux passeport et d'avoir assassiné un agent secret de l'OSS en Union soviétique. Pour se défendre, Maria raconte sa vie pour sauver sa tête. De 1932 à 1950, elle relate son passage du monde russe au monde yiddish, puis américain.
En 1950, alors que l’hystérie anti-communiste menée par McCarthy bat son plein et que le HUAC (House Un-American Activities Committee) s’en prend au milieu du cinéma depuis quelques années déjà, l’actrice Maria Apron est accusée d’être entrée aux Etats-Unis sous une fausse identité après avoir tué un agent secret américain infiltré en Union Soviétique. De son vrai nom Marina Gousseiev, la jeune femme tente de s’expliquer. Oui, elle est bien russe. Non, elle n’a jamais été communiste. Au contraire, poursuivie par les autorités soviétiques, elle a dû fuir Moscou et, se faisant passer pour juive, s’est réfugiée au Birobidjan, cet état juif autonome créé par Staline dans l’extrême Est du pays, à la frontière mandchoue. C’est là qu’elle a connu et aimé un médecin américain du nom d’Apron, bientôt envoyé au goulag pour espionnage, et qu’elle s’est retrouvée à nouveau contrainte de fuir, cette fois aux Etats-Unis…
Certes rocambolesque, cette histoire ne s’en lit pas moins avec grand plaisir tant elle est bien menée et bien écrite, et tant elle présente d’intérêt historique. Car, au-delà des très rebondissantes aventures de sa très romanesque héroïne, plus encore que son évocation de la terreur stalinienne, des conditions du goulag et de la chasse aux sorcières après-guerre aux Etats-Unis, c’est la découverte du sort méconnu des Juifs en Union Soviétique pendant la seconde guerre mondiale qui rend ce roman passionnant. On y apprend ainsi l’instauration du Birobidjan en 1934, premier territoire juif officiel, son rôle de terre d’accueil pendant la Shoah et sa vitalité culturelle en yiddish. Une vitalité qui connaîtra le coup de grâce avec la création de l’État d’Israël.
Utile rappel historique donc, mais aussi hommage aux auteurs juifs en Russie, en tête desquels on retiendra Pasternak, prix Nobel de littérature dont tout le monde connaît Le Docteur Jivago, le texte de Marek Halter se teinte aussi d’ironie, lorsqu’en pleine époque nazie en Europe, son héroïne russe cherche le salut... en se faisant passer pour juive ! Cette couverture la transformera d’ailleurs profondément, puisque la jeune femme n’aura de cesse de gagner sa légitimité au sein d’une communauté qui l’aura accueillie sans réserve. Appliquée à partager le mode de vie, la langue, la culture et le sort de son entourage juif, elle finit par devenir laïquement juive, conformément à cette conviction qu’à l’auteur qu’ « on ne naît pas juif, on le devient», et qu’ « un individu qui se dit juif est juif ».
Ses points d’intérêt tant historiques que culturels, en plus du libéralisme religieux qu’il laisse entrevoir, font de ce roman, par ailleurs agréablement écrit et mené, une lecture tout à fait recommandable, à laquelle on pardonnera aisément ses premiers abords "rocambolesquement" romanesques.
Comment évoquer des sujets tragiques (le sort des Juifs européens au XXème siècle, les meurtres de masse du stalinisme, les procédés répugnants du McCarthysme) sans (trop) tomber dans le pathos ? Marek Halter réussit brillamment l’exercice en composant, à travers l’histoire de Marina, jeune et jolie comédienne dont le destin bascule le soir où elle croise la route et l’obscène brutalité d’un des plus grands assassins de l’histoire. Elle fuit le Kremlin, résiste aux terribles années de guerre, à la terreur des polices politiques, au mensonge élevé à un art et au désespoir qui borne le quotidien, pour finir entre les griffes du sénateur McCarthy et de ses acolytes l’accusant d’être une des espionnes ayant dérobé le secret de la bombe au profit de Staline. Au-delà de l’intrigue consistant à savoir si elle échappera ou non à la chaise électrique, le lecteur fasciné découvre l’univers cauchemardesque de l’Union soviétique des années 30-50 et comment la perversité du monstre régnant par la terreur le conduisit à déporter dans une contrée désertique au climat sibérien la majorité des Juifs d’Union soviétique avec leur quasi-assentiment.
Ca se lit comme un polar mais, hormis les deux personnages principaux et leur belle histoire d’amour, tout le reste est (malheureusement) vrai, tragiquement vrai à un point tel qu’on finit par se dire que, si certains ont pu écrire que la France était, par le nombre de ses habitants et la longueur de son histoire, le plus grand ossuaire du monde, la Russie et ses satellites soviétiques constituent sans doute le plus grand déversoir de larmes et de désespoir de la Terre.
« Parfois, un enfant qui était allé faire une course revenait et ne retrouvait plus sa famille. Tous disparaissaient du jour au lendemain, accusés de trotskisme, de défaitisme, d'insulte au bolchevisme. Une parole, une phrase, un rire vieux de vingt ans suffisait à vous condamner. Parfois, tous les ouvriers d'une usine étaient arrêtés au prétexte de sabotage. Des deux mille délégués au XXVIIème congrès du Parti de janvier 1934, mille huit cents ont été assassinés dans les deux années qui ont suivi. Même Kirov, le puissant maire de Leningrad qui s'y était fait applaudir, a été assassiné. Staline est allé pleurer sur son cercueil. Ensuite, selon sa volonté, le NKVD s'en est pris à l'Armée rouge. Soixante-dix mille officiers, capitaines, commandants et généraux ont été exterminés... La pire des pestes nous rongeait : la peur. Certains ne pouvaient plus voir leur reflet dans un miroir. Ceux qui ne supportaient pas se suicidaient. Cela semblait si apaisant, de mourir. C'était mieux que de vivre avec cette peur. Les suicides, on ne les comptait plus. Chaque fois que j'apprenais un nouveau suicide, je pensais à Nadedja Allilouïeva.
Mais quand on n'avait pas le courage du suicide, il était difficile de ne pas devenir un monstre. La peur vous pourrit l'âme. On ne ressent plus rien d'autre. L'envie vous vient de caresser vos bourreaux... »
Et au fin fond de la Sibérie, dans ce Birobidjan perdu au milieu de nulle part, où règnent, comme partout dans l’immense pays, le mensonge, la peur, les rancoeurs et les haines ordinaires qui se payent au prix fort, on trouve aussi un peu de chaleur humaine, d’entraide, de mains tendues qui allègent un tout petit peu le poids du malheur.
Un roman passionnant, bien écrit et très émouvant. Une construction habile pour rendre hommage, à travers l’histoire d’amour de cette héroïne bien résiliente, à cette page d’histoire méconnue du Birobidjan, premier état juif du XXème siècle, et à ces millions de victimes silencieuses qui méritent vraiment qu’on ne les efface pas de nos mémoires.
1950
C'est le destin de Maria Apron qui se joue devant la commission des activités anti-américaines:elle doit prouver son innocence en 4 jours pendant lesquels elle retrace sa vie de jeune comédienne,de femme amoureuse,de fausse juive,devant des politiques qui ont besoin d'elle comme coupable.
Un roman puissant,basé sur des personnages et des faits historiques réels,qui pourraient nous amener à penser que tout est vrai.Un grand roman.
"Marina Andreïeva Gousseïev faisant renaître son passé par sa magie de conteuse."
Interrogée par la commission HUAC, commission des activités anti-américains, elle va tenter de convaincre Nixon, McCarthy, le procureur Cohn et le juge Wood de son innocence. Mais en cette période chasse aux sorcières et suite au démantèlement d'un groupe d'espions ayant livré des plans de la bombe atomique aux Russes, les mensonges de cette actrice et son tempérament ne jouent pas en sa faveur.
Seul un journaliste de New York Post se laisse convaincre par sa beauté.
Je suis assez réfractaire aux histoires d'espions qui me paraissent toujours très compliquées. Mais ici, l'auteur n'en abuse pas et s'étend plutôt sur le récit de la vie de Marina, de Moscou à Birobidjan. Et c'est une vraie épopée, avec des histoires de séduction, d'exils, de passion amoureuse. Alternant les audiences aux États-Unis et les récits en Russie, l'auteur me semble un peu trop dans le narratif.
Je n'ai été passionnée que par la découverte de cette communauté juive â Birobidjan où la réserve mais la solidarité des juifs sont émouvants.
Au delà de cette histoire un peu romanesque, le roman permet de retracer des périodes historiques importantes des États-Unis, de la Russie et de l'Europe. D'ailleurs le tableau récapitulatif en fin de livre nous restitue les événements sans oublier les faits importants artistiques. J'ai apprécié ces annexes qui authentifient les faits et les personnages. Je ne connaissais Birobidjan, cet espace désertique et glacé attribué aux juifs par Staline. L'auteur, apparemment moins que dans ses autres romans, défend les traditions juives et dénonce ces perpétuelles agressions contre leur peuple.
L'inconnue de Birobidjan est donc un roman pour ceux qui aiment les grandes histoires romanesques sur fond d'espionnage, avec tout de même un contexte historique important et une découverte des richesses du peuple juif.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !