"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un beau jour du seizième mois de l'automne, Siméon arrive dans une vallée perdue où se succèdent inlassablement deux saisons, une de pluie et une de gel bleu, et où seules les lentilles parviennent à germer. En pleine saison pourrie, cet étranger qui se déclare écrivain cherche dès lors à prendre place dans la communauté hors du temps qui y vit, vaille que vaille. étranger au milieu de ces habitants taciturnes, Siméon devra s'affronter à une hostilité grandissante. Il est le paria, l'autre absolu.
Parviendra-t-il à écrire le livre dont il a le projet ?
Depuis près de quarante ans, Les Saisons conquit un réseau souterrain de lecteurs enthousiastes, souvent prosélytes, qui n'hésitent pas à faire circuler ce livre. Une confrérie d'initiés qui partage un même univers ; ils se connaissent et se reconnaissent entre eux, un peu comme les lecteurs de Malcolm Lowry ou de Julio Cortázar. Voici pour la première fois ce « livre culte » en poche chez Christian Bourgois. Maurice Pons s'y saisit de toute la crasse humaine pour la transformer en or.
« Quand un monde est inhabitable, on le change, ou on en change. »
Alors que le seizième mois de l’automne est arrivé et que les pluies ininterrompues inondent une vallée perdue, Siméon arrive dans un village oublié. Seule deux saisons existent : celle des pluies et celle du gel. Et les habitants ne sont pas particulièrement accueillants pour les étrangers. Siméon s’y installe pourtant, se déclarant écrivain et avec l’objectif d’écrire son grand roman. Pourra-t-il y parvenir dans ce lieu hostile où tout, des habitants aux éléments, semblent être ligués contre lui ?
Quel livre étrange que ce roman de Maurice Pons, paru initialement en 1965, réédité dix ans plus tard et disponible depuis juin dans la très jolie collection Titres de Christian Bourgois Éditeur en format poche.
J’ai été déroutée tout au long de ma lecture par ce récit à la fois perturbant et envoûtant.
Perturbant car on ne sait jamais où nous sommes exactement ni à quelle époque ni quelle est la véritable histoire de Siméon même si l’auteur nous en livre des bribes. Perturbant aussi par la violence, la crudité voire la bestialité et la monstruosité de certaines scènes ainsi que de ces habitants étranges et extrêmement frustes.
Mais aussi envoûtant par la force qui se dégage de cette nature hostile et de ces villageois qui survivent à tout, malgré tout. Envoûtant par l’espèce de naïveté qui habite Siméon tout à son projet d’écriture qui doit changer le monde, lui redonner de la beauté. Envoûtant enfin par toutes les questions que le roman soulève sur la place de la littérature, le pouvoir des mots, l’importance de l’ouverture d’esprit.
En cela il demeure totalement contemporain et on comprend que chaque réédition trouve son public.
Attention, ce livre n’est pas facile à apprivoiser, il faut accepter de lâcher prise et de se laisser embarquer dans cet univers particulier pour l’apprécier.
Simeon, aspirant écrivain « sur le point d’écrire un livre bouleversant », fuit un passé douloureux et arrive dans un étrange village, dans une vallée perpétuellement sous les eaux ou le gel et aux habitants aux meurs détonnantes.
Malgré tout ce qui aurait dû le décourager dès son arrivée, Simeon reste dans ce drôle d’endroit avec la ferme intention de s’y intégrer.
Ce roman m’a fait l’effet d’un rêve qu’on m’aurait raconté au réveil d’une nuit agitée. Surréaliste mais, malgré tout soumis à une certaine cohérence des acteurs pris individuellement.
Il est aussi intéressant de suivre les chemins détournés que prend l’étranger pour se faire accepter. Sûr de sa supériorité, Simeon joue de son statut de savant pour être intégré (« en confiant à un homme d’études et qui passait pour savant, la gestion de l’appareil hydrométrique, chacun formait la secrète espérance que les conditions climatiques, dans la vallée, ne manqueraient pas de s’améliorer. »). Mais, une fois assimilé, il perd sa différence qui aurait pu lui permettre de sauver le groupe et se trouve à nouveau rejeté (« ils ne pouvaient plus rien espérer de Siméon: il était devenu un des leurs. »).
« Les saisons » est un roman très riche dont je suis sûre qu’il mérite (au moins) une seconde lecture.
A lire devant une assiette de lentilles.
C'est dans un village à la lisière de l'humanité que nous plonge ce roman. Grouillant de créatures crasses, difformes et ricanantes, aux moeurs décapantes. Humaines pourtant. Quand Siméon débarque dans l'auberge, c'est pour y découvrir une tenancière hilare, à califourchon sur un douanier agrippé à ses fesses, hilare également de se faire pressurer le nez pour en faire gicler le pus. Un temps d'avant le Biactol, ou d'après, un temps à ne pas mettre un troll dehors. On est dans le 16ème mois de la saison dite pourrie, la pluie incessante y défie le temps des saisons avant les 40 mois d'hiver à venir, où les animaux seront réquisitionnés pour servir de fourrure vivante. Un monde qui défie notre entendement. Seul Siméon l'écrivain semblerait venir de notre planète, bien qu'il soit heureux de débarquer là-dedans. Mais il faut dire qu'il fuit une cage en plein désert ensoleillé, alors la pluie lancinante elle tombe bien, il en a rêvé...
Ce roman aux allures de conte cruel ou fable moderne, publié en 1965, est présenté comme culte. Mystérieux et insaisissable, il est d'autant plus propice aux interprétations que son univers proche du notre est en décalage permanent. Un roman savonnette, à l'exégèse sous forme de kaléidoscope. Il parait plus sûr de parler des intentions de l'auteur, lesquelles transparaissent à travers les propos de Siméon l'écrivain (l'étranger, sorte de personnage témoin et observateur, avec son journal de bord), quand il se présente au conseil du village : «Ce que je dois écrire n'est pas beau en soi. Je puis bien vous l'avouer, ce sont des horreurs que je dois décrire, des horreurs et des souffrances surhumaines – comme par exemple la mort de ma soeur Enina- et c'est à travers cette horreur que je dois atteindre la beauté, une beauté qui purifiera le monde, qui en fera sortir le pus, mot à mot, goutte à goutte, comme d'une burette à huile. Après quoi le monde sera meilleur, et vous-mêmes serez meilleurs dans un monde plus heureux. Voilà quelle est ma science ». Si telle était aussi l'intention de Maurice Pons, le pari est réussi. Oui son (im-)monde devient beau. Sous une écriture incisive et élégante, qui rend la vision d'autant plus trouble et mystérieuse que le sujet est laid.
Un roman étonnant, à découvrir bien sûr. Et un auteur fascinant de ce que j'en ai lu, « Le passager de la nuit » lui aussi est magnifique de mystère.
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