"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
V. vient d'apprendre que l'on a retrouvé le corps sans vie de sa mère, rejeté par le Saint-Laurent sur une plage de la Gaspésie, l'équivalent « du bout du monde ». Elle regagne là-bas, brusquement, sa maison natale, et se confectionne une « île » au milieu du salon venteux, lieu désigné pour découvrir et mieux effacer - ou la ramener - l'histoire des femmes de sa lignée à travers les journaux manuscrits de sa grand-mère. V. se voit prise dans sa lecture, incapable de s'en détacher. Sa seule échappatoire réside derrière le comptoir d'un bar au village, dans une chevelure rousse aérienne, et s'appelle Chloé.
Les Falaises fait le récit d'un chaos à dompter, d'un grand voyage onirique, historique et féminin, qui de la Gaspésie à l'Islande réunit ces survivantes de mère en fille qui admettent difficilement être de quelque part, préférant se savoir ailleurs et se déraciner à volonté.
V. est de retour dans la maison familiale après le décès de sa mère qui s'est suicidée. Le retour est difficile après plusieurs années d'absence.
En rangeant les affaires de sa maman, elle découvre les cahiers de sa grand-mère dont elle connaît très peu de choses. V. va découvrir l'histoire des femmes de sa famille.
Ces carnets vont l'emmener dans le passé et l'histoire de ces femmes entre le Canada et l'Island.
Un très beau roman sur la transmission, très bien écrit, fort, sensible et poétique. Un très beau moment de lecture, un coup de cœur……
A la mort de sa mère, V. se rend dans la maison familiale en Gaspésie, lieu dont elle a jusqu’ici plutôt cherché à s’éloigner. Pendant qu’elle trie les affaires de la défunte, refluent les souvenirs rythmés par l’humeur fantasque de la mère, par les voyages aussi, comme si toujours il fallait aller chercher ailleurs une part manquante. En rangeant la vie de sa mère, V. tombe sur des carnets rédigés par sa grand-mère maternelle de 1968 – année de la naissance de sa mère – à 1992 – sa propre naissance. Elle y découvre une filiation islandaise et s’envole vers cette île de volcans, de falaises et d’aurores boréales, sur les traces de ces deux femmes si insaisissables. Un départ comme une urgence, un vertige nécessaire pour enfin s’ancrer dans la terre.
Dans ce premier roman, Virginie DeChamplain explore les manques qui forgent, les cicatrices avec lesquelles on se construit, l’amour maladroit, la puissance de la filiation. Partir toujours, rêver ailleurs : les femmes de la famille ont appris à déguiser la fuite et pourtant toutes finissent par revenir au même endroit, dans cette maison au bord du Saint-Laurent. Parce qu’il y a des liens qui vous obligent, inexorablement. Un livre découvert comme en apnée, dans un vertige, chavirée par la poésie que draine la langue aux accents québécois de Virginie DeChamplain.
Le fleuve a ramené son corps, mais son âme est déjà loin. Elle allait s’y jeter, un jour ou l’autre. Elle avait déjà essayé. Cette fois, personne ne l’a empêchée. V. doit soutenir sa sœur, vider la maison, faire son deuil. Elle se retrouve dans cette bâtisse dont l’escalier craque, encore pleine du parfum et des affaires de sa mère. Elle retrouve les journaux intimes écrits par sa grand-mère. Elle lit, et voyage entre trois vies : celle de sa grande-mère, celle de sa mère et la sienne. Toutes trois étaient à la recherche d’une terre et d’un sens. Dans cette maison où V. , sa sœur et sa mère posaient leurs valises entre deux voyages, elle se demande ce qui l’a poussé à partir, et surtout, à ne jamais vouloir revenir. Perdue sur cette falaise, qui semble si loin de son appartement métropolitain.
La plume ouvre la porte à la rêverie et s’interroge sur les origines. La narratrice nous ouvre son cœur, tout en nous tenant à distance. Un joli texte, qui plaira aux amateurs des styles nordiques.
Harmonieux « Les falaises » est une ode à la Femme. Un châle brûlant sur des épaules frêles frigorifiées. Retenir ces brassées de mots. Ce style admirable qui contre les ressacs, les violences intérieures. Les points fixes et les douleurs infinies. « Les falaises » est l’espoir à flanc de falaises. Un pas de côté qui désire forcer la marche des existences englouties et à venir. Virginie Dechamplain délivre un premier roman majestueux, tissé d’une main de maître, dentelles sur des genoux écorchés. Portraits de femmes blessées à vif par les affres de la vie, cherchant l’issue et les croisements salvateurs. Macrocosme d’une féminité en excellence dans un espace- temps où tout est encore plausible. « Je pense que je suis brisée. » « J’ai l’automne à l’envers. » « V. » la narratrice est une jeune femme qui apprend le décès brutal de sa maman. Noyée dans un lac, l’emblématique « Le Saint-Laurent », femme égarée, « « Folle » disent-ils. » Pas de pathos ici dans « Les falaises ». Virginie Dechamplain écrit avec de l’encre douce. Dans un style contemporain qui râcle l’écorce et encense l’invisible. « Ma mère est morte et je n’ai pas encore pleurée. » V. choquée se heurte aux flots du Saint-Laurent. Fleuve, grotte abyssale, matrice, « Ma mère en sirène ». V. retrouve sa sœur Ana et vont franchir les frontières mentales. Plonger dans les entrailles des souvenirs. Métaphore d’une mère disparue. Elles vont aller à La Gaspésie dans l’antre familial. « Il ne reste que nous. Marie, Ana et moi. Marie, protectrice de ces jeunes femmes refuge pour V. et Ana. « Ses petites mains froides comme des serres douces. » constante et consolante. « Marie nous regarde de côté, avec des grands yeux inquiets…. Je regarde Ana. Ses yeux de feux de forêts. » L’écriture sublime délivre ces pans de vies subrepticement à pas de velours et de persévérance. On entrevoit ce que murmure mélancoliquement l’après où la force des courants du Saint-Laurent charrie un générationnel écartelé. V. va se frayer un passage. Chercher le point d’appui. Revenir seule. Ranger, jeter, acter une délivrance, retirer les milles peaux qui enserrent ses espoirs. Brûler ce passé convulsif. Violente envers elle-même, en colère contre le mal de sa mère et ses silences abandonnés. Se doutant à l’extrême d’être son double. Emancipation, puiser l’amour dans les écueils des doutes. Ne rien trouver d’autre qu’un amas de sanglots meurtris sur des cahiers. Dissonance. Elle va lire. Page après page, les confidences de sa grand-mère. Comprendre. Femme ivre d’espaces, de liberté, broyée bien avant l’heure du jour. Piégée par un trop plein d’espoirs et d’illusions, le bovarysme en absolu. Mère devenue. « Un jour nous irons. Je te jure. Toi et moi nous les femmes. » Ainsi, cette grand-mère, assoiffée d’un féminisme écrit. Transmet son mal être qui, en manichéenne attitude cherche à vaincre tel Le Mythe de Sisyphe, les contresens oppressants. V. va lire. Affronter les parois des falaises paraboliques. Transmettre le flambeau d’une génèse accomplie. Ce récit est un pèlerinage. Une pelote de laine qui roule à flanc des falaises existentialistes. Démêlant les nœuds et désirant l’ultime renaissance. « Ma grand-mère devant ma mère et moi dans leur sillage. Les plaines sauvages brunes et vertes me rappellent La Gaspésie après un hiver triste. L’océan à ma gauche. Les cahiers tirent à leur fin. J’entame le dernier. » Que dire de V. hôte de ces pages glaises où s’épanche Virginie Dechamplain dans un jeu de lumière impressionnant. Ces falaises sont bleues nuit. Bouleversant, ce grand récit est une mappemonde. Les femmes se retrouvent dans l’orée où l’horizon tremble par leurs convictions, leurs souffrances, leurs désirs. « Les falaises » est un hymne à la femme, à la transmission, au générationnel, à l’héritage des cœurs, à la quête des origines. Bien plus qu’une résilience, on apprend à vivre, à Revivre. Publié par les majeures Editions La Peuplade.
Le fleuve, le vent, les criques et les falaises.
Des femmes éparpillées, déconnectées.
Un deuil.
Une quête personnelle.
Un bistrot et encore une femme.
Un voyage.
Fuir puis revenir.
La Gaspésie, les rives du Saint-Laurent et au loin l'Islande.
Le poids des non-dits.
Une ambiance, un rythme, un style.
De la poésie, de la poésie qui sent la terre.
Une langue totalement libre.
C'est beau.
C'est rare un premier roman comme celui-là.
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