"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans un Rio de Janeiro miné par la fracture sociale, les habitants des favelas vivent leurs vies d'enfants, d'adolescents et de jeunes adultes, au milieu des narcotrafiquants et de la violence policière. Les bains de mer, les plaisirs de la drogue, la camaraderie et le rire, surtout, viennent adoucir une existence difficile, où la pauvreté quotidienne force ces jeunes gens à trouver par tous les moyens une échappatoire. Ainsi, l'argent âprement gagné en boulots subalternes sert à aider une mère au foyer, mais aussi à payer sa consommation de cannabis et les policiers corrompus. Un pistolet chargé, trouvé dans un tiroir, devient un jouet dans les mains d'enfants dont l'imaginaire est nourri par la violence qu'ils vivent au quotidien. Pour se débarrasser d'un cadavre, un jeune dealer maladroit, rejeté par sa bande, doit traverser la ville dans une vieille voiture capricieuse, au risque de se faire tuer par la milice, organisation criminelle composée de policiers, de militaires et de vigiles à la retraite.
Geovani Martins a su décrire avec humour, avec grâce, sans complaisance aucune, la réalité à la fois terrible et belle des favelas. Ces treize nouvelles au rythme haletant, où l'on sent planer à chaque page une menace sourde (la police, les dealers, les voyous, la milice, l'omniprésence des armes à feu, mais aussi le regard apeuré des classes aisées), nous dépeignent un univers sombre, parfois chaotique, souvent violent, où l'individu ploie sous le poids du réel, mais où l'on parvient, malgré tout, à s'en sortir.
Le soleil sur ma tête connaît un immense succès au Brésil et ailleurs (une dizaine de pays ont déjà acheté les droits de traduction). Dans une langue vive, actuelle, maniant avec jubilation les mots, ce jeune auteur brésilien nous fait voir de l'intérieur, à travers ses yeux et ceux de ses personnages, un monde nouveau, mystérieux et déconcertant.
Geovani Martins est né en 1991 dans un quartier périphérique, Bangu, à l’ouest de Rio. A 11 ans il déménage dans une autre favela située au sud de la ville qui longe des quartiers de luxe. De cette confrontation, de cette différence abyssale, s’est construit chez Giovani Martins une envie de raconter, ce qu’il a vécu, ce qu’il a vu, ce qui s’est construit chez lui.
Comme l’auteur l’exprimait lui-même lors d’une conférence donnée à la Maison de la Poésie à Paris le 16 octobre 2019 « il a vraiment pris conscience de la réalité de la société brésilienne avec ce déménagement. J’ai pris conscience que j’étais pauvre ; avant la richesse je ne la voyais qu’à la télé. A partir de ce moment là, j’ai commencé à avoir honte et j’ai écrit pour me sortir de cette honte. La littérature est devenue un potentiel très fort, l’écriture m’a déculpabilisé tant je finissais par avoir honte d’avoir honte ».
Le résultat est que Geovani Martins peut être fier de son parcours. Autodidacte, il réussit un tour de force littéraire en mélangeant les différentes formes d’écriture de façon spectaculaire, allant d’un argot extrême à la pureté des vocables dans un bain de poésie, notamment avec la nouvelle sur le papillon.
Le lecteur découvre 13 nouvelles aussi différentes les unes des autres et pourtant avec le même cordon ombilical : la violence et la vie. Dans cet univers sans limites, la drogue et la violence sont omniprésentes, mais derrière cette rudesse, ce sont des personnes qui circulent et des cœurs qui battent sans aucune envie qu’ils s’arrêtent. Chaque nouvelle amène une autre nouvelle avec toujours le même rythme final, une chute très musicale.
L’autre particularité est de traverser en quelques secondes de différence de la sérénité d’un regard sur la plage à une course poursuite périlleuse, d’une odeur florale à celle de la merde, d’un papillon à un rat, d’un éclat de rire entre potes à la violence des armes. Et ainsi de suite. C’est une haine endormie, une paranoïa de circonstance. Une peur du demain, un espoir du surlendemain. Le tout écrit avec une plume qui dessine une délicate sensibilité dans l’impétuosité des fracas.
Mention spéciale au traducteur Mathieu Dosse pour qui travailler le texte du jeune brésilien a dû être une gageure, pour un résultat époustouflant et qui permet aux lecteurs français de pouvoir découvrir l’un des deux auteurs les plus vendus actuellement au Brésil.
Une polyphonie littéraire à l’image de la diversité d’un peuple et de son histoire, ses histoires.
Blog : https://squirelito.blogspot.com/2019/10/une-noisette-un-livre-le-soleil-sur-ma.html
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