"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une jeune actrice, Norma Traversini, rédige un prospectus pour informer les habitants de son
quartier de sa décision d'ouvrir un atelier où ils pourront apprendre à mieux jouer leurs sentiments,
afin d'« améliorer leur niveau de sincérité », et donc leur vie.
Peu à peu, le prospectus s'allonge, jusqu'à atteindre les dimensions d'un roman, ou plutôt d'une
novelita, puisque c'est ainsi que César Aira baptise ses récits. La fiction quitte imperceptiblement
les rues et les cafés du quartier de Flores, que hantent l'auteur et tant de ses personnages, pour se
transformer en un roman colonial foisonnant, avec héros masqué, Anglaises persécutées, Thugs
étrangleurs et machiavéliques officiers de l'armée des Indes.
César Aira se transporte d'un tour de magie de Flores à une Inde à la Kipling, délicieusement
british, mystérieuse et perverse, inventant une trame complexe et rebondissante à souhait,
écrivant quelques-unes de plus belles pages qu'il ait jamais composées, jouant au passage à
engager dans l'aventure trois de ses disciples : sous les masques assez transparents de Louis
Hittaroney, Serge Fejfec et Daniel Beguel se cachent en effet Luis Chitarroni, Sergio Chejefec et
Daniel Guebel, trois des plus remarquables écrivains argentins de la génération née au milieu des
années 1950, tous admirateurs déclarés de l'oeuvre de leur frère aîné, César Aira. Ces éléments
n'étant que la partie la plus visible du jeu incessant de l'auteur avec le matériau que lui apporte
chaque nouvelle journée, et qui intègre aussitôt sa page quotidienne.
On pourrait dire que ce roman est le plus long prospectus de la littérature. Mais on pourrait aussi
dire l'inverse : qu'il s'agit du plus court roman de la littérature, puisqu'il tient, en quelque sorte, sur
le recto et le ve rso d'un prospectus, d'une feuille volante. Cette question de la dimension du récit
n'est pas anecdotique : comme Borges avant lui, Aira joue sans cesse, dans son oeuvre, avec l'idéal
d'une histoire interminable contenue dans une forme brève, autrement dit avec l'aporie consistant
à faire tenir le long dans le court : la « fiction » pour Borges, la « novelita » pour Aira...
On notera entre autres la manière dont Aira « plie » le roman dans le prospectus, c'est-à-dire la
façon dont son texte se termine, sans daigner revenir à Norma Traversini, sur le « sourire sérieux »
de lady Barbie - ce sourire qui est devenu, au fil des années, un des principaux mythèmes de son
oeuvre, et qui tisse avec quelques autres mythèmes et biographèmes, de roman en roman, ce
continu qui constitue l'essence même du romanesque airien.
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