"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans la lignée du Train des orphelins, Christina Baker Kline nous entraîne dans la Tasmanie coloniale de l'ère victorienne, sur les traces de ces " femmes de mauvaise vie " exilées par la Couronne britannique. Inspirée de faits réels, une fresque inoubliable.
Pour avoir naïvement cru aux promesses d'amour de son employeur, Evangeline, jeune gouvernante anglaise, a été accusée de vol et condamnée à la déportation. Sur le navire qui l'emmène en terre australe, elle pense à ce que sera sa vie dans le " pays au-delà des mers ", qu'on dit si inhospitalier, peuplé d'indigènes et de renégats. Elle pense aussi à l'enfant qu'elle porte : saura-t-elle le protéger ? Pourra-t-elle s'appuyer sur la débrouillarde Hazel avec qui elle a noué une forte amitié lors de la traversée ?
Au même moment, sur l'île Flinders, au large de l'Australie, Mathinna, une orpheline aborigène, est elle aussi retenue prisonnière. Arrachée à sa tribu, la petite a été adoptée par le gouverneur et son épouse, qui entendent bien la civiliser à tout prix.
Ces trois femmes l'ignorent encore, mais leur sort est inextricablement lié. Sur ces terres soumises à la folie des hommes, elles auront besoin de toutes leurs forces, de tout leur courage pour survivre et se frayer un chemin vers la liberté.
Evangeline a été engagée comme gouvernante dans une famille huppée, les Whitstone. Fille d’un vicaire décédé brutalement, elle a eu une éducation assez rigide et ne connaît rien des duretés du monde extérieur. Naïve, elle tombe sous le charme de Cecil le fils de la maison qui lui a offert la bague de sa grand-mère avant de partir en voyage. EN son absence, Evangeline est accusée de vol par une bonne qui la jalouse. Sous le coup de la colère devant cette injustice, elle la pousse dans les escaliers… Il s’en suit une condamnation pour vol de sept ans à laquelle se rajoute sept ans pour tentative de meurtre.
Jugement expéditif, qui ne laisse aucune place à la défense, et donc direction une prison sinistre dans des conditions insalubres (on est en 1840) et comme il faut peupler l’Australie, ces condamnées, les convicts, sont envoyées par bateau dans des conditions encore plus effroyables, avec des marins avinés qui ne pensent qu’à leur mettre la main aux fesses et même les violer. En fait, on utilise les bateaux négriers d’autrefois. Donc, elles sont dans les même conditions infâmes. Seul le médecin du bord fait preuve d’humanité.
Comble de l’infamie, Evangeline est enceinte, donc dépravée, crime impardonnable dans cette société anglaise hyper-religieuse.
Deux autres jeunes femmes font partie du voyage : Hazel, dont la mère, sage-femme a fait une faute lors d’un accouchement et s’est retrouvée déchue, plongeant dans l’alcool et obligeant sa fille à voler. Lorsqu’Hazel sera arrêtée elle se gardera bien de soutenir sa fille. La troisième compagne d’infortune est Olive.
Pendant ce temps-là, à l’autre bout du monde sur la Terre de Van Diemen (ainsi s’appelait alors la Tasmanie) une riche bourgeoise décide de prendre sous son aile Mathinna, une jeune aborigène à peine sortie de l’enfance, pour « la civiliser » et lui inculquer la culture et la religion des Blancs. Elle l’arrache à son île (à l’arrivée des Blancs tous les aborigènes ont été traqués, exécutés sommairement pour faire main basse sur leurs terres et les survivants ont été envoyés sur l’île de Flinders, rocher perdu dans l’océan.
Elle la loge dans une pièce dont les fenêtres ont été clouées avec des planches (regarder le paysage à l’extérieur ne permettant pas de d’adapter à sa nouvelle vie). On lui apprend à lire parler, plusieurs langues, on l’exhibe, comme un animal qu’on adopte et qu’on abandonne dès qu’il ne plaît plus.
J’ai beaucoup aimé cette histoire, car ces femmes sont très attachantes, elles ne se laissent pas faire, refuse de subir malgré le prix à payer, et j’ai aimé les suivre dans ce voyage à l’autre bout du monde, fers aux pieds. J’ai beaucoup aimé Mathinna, la manière dont on la traite au nom de la suprématie blanche, le réconfort qu’elle trouve dans la compagnie de son opossum, la manière dont on la dépossède de tout : de sa culture, des colliers confectionnés par sa mère autrefois qui vont enrichir la collection de sa « bienfaitrice » qui exhibe dans son salon les crânes d’aborigènes qu’on a fait bouillir pour enlever toute trace de chair : ce ne sont pas des humains n’est-ce pas ? pour ces Blancs dégénérés…
J’ai dévoré ce roman, il m’a été impossible de le poser, une fois la lecture entamée, car Christina Baker Kline décrit très bien le statut des femmes en ce milieu du XIXe siècle, la conquête à tout prix de la Terre de Van Diemen qu’on décidera de rebaptiser Tasmanie plus tard, pour se dédouaner comme si changer le nom pouvait faire disparaître les atrocités commises contre les Aborigènes. Les femmes apparaissent comme des citoyennes de seconde zone que l’ont méprise presque autant que les Aborigènes mais elles seront bien utiles pour la descendance.
Ce récit est bien écrit, dynamique, les descriptions des paysages, des tempêtes sur le bateau ou autres sont très colorées, on fait très vite partie de l’histoire. C’est le premier livre de Christina Baker Kline que je lis et je suis sous le charme donc je vais tenter, si ma PAL ne s’y oppose pas, de découvrir « Le Train des orphelins », dans un premier temps et plus si affinité.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Belfond qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure
#ChristinaBakerKline #NetGalleyFrance
https://leslivresdeve.wordpress.com/2022/11/04/le-pays-au-dela-des-mers-de-christina-baker-kline/
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