"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Paris, 1834. Le petit Charles Hû perd son bras lors de l'attaque menée par la troupe contre un immeuble de la rue Transnonain, soupçonné d'abriter des opposants au régime de Louis-Philippe. Parmi les douze civils tués figure son père. Orphelin, sans ressources, handicapé, Charles n'a que peu d'espoir de mener une vie normale. C'est compter toutefois sans sa volonté et sans l'aide précieuse d'un habile horloger qui l'équipe d'une étonnante prothèse.
Charles grandit au rythme d'un Paris en pleine expansion, celui des démolitions en cours, mais aussi celui de la Bourse, du capitalisme débridé et de ses escroqueries, de la presse et de la politique. Devenu jeune homme, fermement décidé à trouver sa place dans cette société malgré sa condition, il se fait embaucher par un entrepreneur visionnaire mais peu scrupuleux. Alors que la réclame et la publicité règnent en maîtres, il devient rédacteur des innombrables petites annonces que celui-ci place dans les journaux.
Porté par l'amour de Lisette, une jeune marchande de quatre saisons, il prend une part croissante aux affaires de son patron. Mais il en découvre aussi les sombres arcanes et s'interroge : dans ce monde où les marchands de rêve prétendent tout guérir, où les annonces par centaines vantent des produits miracles, comment rester intègre et conserver son idéal ?
Le Jeune Homme au bras fantôme a pour point de départ l’attaque menée par la troupe contre un immeuble de la rue Transnonain (actuellement rue Beaubourg), dont les habitants sont soupçonnés d’être des opposants au régime de Louis-Philippe.
Le 14 avril 1834, douze civils sont tués à coup de baïonnette et de fusil. Le père du petit Charles meurt et le fils, gravement blessé est amputé d’un bras.
La mention de cet épisode fait l’objet de précisions en fin d’ouvrage mais affiche d’emblée la teneur historique de la trame de fond. En effet, quelques évènements comme certains personnages évoqués ont réellement existé et ont servi de base à la version fictionnelle qu’Hélène Bonafous-Murat, férue d’histoire, a choisi d’écrire sur cette époque. Elle a su ouvrir un domaine de spécialité à une audience plus romanesque et capter l’attention d’un plus vaste public en transposant des faits réels dans un récit plein d’espoir.
Avec Le Jeune Homme au bras fantôme, l’écrivaine réussit à nous faire partager la vie d’un jeune orphelin manchot et des « petites gens » de Paris, au début du XIXe siècle : artisans, vendeuses de quatre saisons, fleuristes de rue, horlogers, petits commerçants.
Paris est en plein essor, la réorganisation de l’espace et l’assainissement de la capitale entament des démolitions et des expropriations dans les quartiers du centre. L’industrialisation bat son plein avec l’expansion des chemins de fer et des usines. La ville déborde sur la campagne entrainant par ailleurs le début de l’exode rural. Les banques, la Bourse, les compagnies d’assurance installent un capitalisme qui ne se démentira pas. La presse gagne du terrain. Francisque et Charles entrevoient une possibilité de progrès pour eux et leur famille, mais ne prennent pas conscience immédiatement du lot d’escroqueries qui s’y attache, l’exploitation qu’ils devront subir et les injustices qui se perpétuent.
L’affairisme ambiant est bien représenté par le personnage de Norbert Estibal – inspiré lui aussi d’une personne ayant existé –, oscillant entre le coquin et le visionnaire, méprisé par son frère Fritz. Mais le constat est simple : « Disons que dans un monde idéal, les idées de Fritz devraient être mises en œuvre par le pragmatisme d’un Norbert. Ainsi tout le monde vivrait heureux. » (p 188). Les deux frères sont un peu comme une hydre à deux têtes, dont l’une prend l’avantage sur l’autre et qui, comme à l’image de certains fléaux, augmente en proportion des efforts réalisés pour la combattre.
Sous la coupe de Norbert, Francisque devient un rouage de la mécanisation d’un prototype de prothèse et de sa production à grande échelle, mariant ainsi un besoin social à un désir d’ascension par un enrichissement possible, avant d’être victime du revers de la médaille. L’éveil de la presse et de la publicité qui envahit les murs puis les colonnes Morris complètent le décor. Tout comme son ami, Charles devient un des maillons de l’industrieux Estibal.
Cependant la conscience politique du jeune commis émerge avec la rencontre d’une poignée de républicains, opposants au régime de Louis-Philippe 1er, « Roi des français », donnant au roman historique d’Hélène Bonafous-Murat son côté de roman d’apprentissage et d’initiation. Très fortement imprégnée de résilience et de chance, la fiction optimiste transcende une réalité plus dramatique.
Le titre, poétique s’il en est, se réfère à la théorie du « membre fantôme » selon laquelle le membre serait ressenti douloureusement en dépit de son absence. Le choix de ce titre pour le roman met en relief le fait que le handicap physique n’empêche pas l’esprit de prétendre à une vie « normale », consacrant ainsi des valeurs humanistes.
On retrouve le style de l’écrivaine de La Caravane du Pape, bien documenté, posé et consciencieux. On aurait peut-être pu s’attendre à une intrigue plus enlevée de la part de l’autrice d’Avancez masqués, l’incipit poignant du Jeune homme au bras fantôme le laissant présager.
Quoi qu’il en soit, ce roman nous fait éprouver l’atmosphère de ce Paris en mutation comme de la permanence de ses valeurs républicaines. Il nous fait entrer dans la vie de ces gens simples mais pleins de ressources qui partiront défricher de nouveaux territoires, chassés par un gouvernement moins traditionnaliste mais pas assez progressiste. Le tableau de cette période mouvementée suite au durcissement du nouveau régime et à la promulgation de nombreuses interdictions est critique mais sans virulence, à l’instar de Charles, que l’on aurait sans doute aimé moins sage.
anne.vacquant.free.fr/av/
Charles-Hû est encore un enfant lorsqu’il perd son bras et son père lors d’une attaque de son immeuble, là où le terrible préfet de police Gisquet est persuadé que des opposants au régime de Louis-Philippe se cachent. Tout est détruit et les survivants doivent aller chercher ailleurs un toit. La mère devient l’ombre d’elle-même et l’enfant va grandir dans la misère avec la double peine d’être handicapé pour la vie. Ses espoirs sont sur le fil du néant.
Mais le hasard fait que Charles a gardé l’amitié d’une amie d’enfance, Pauline, et une heureuse coïncidence va le mener sur les pas d’un autre camarade, Francisque, horloger de son état, ensemble le monde va leur ouvrir ses portes. Talentueux mécanicien de précision, son ami va lui fabriquer une prothèse qui lui permettra de gagner de l’assurance et de trouver un emploi chez un certain Norbert Estibal qui arriverait à comprendre l’incompréhensible dès qu’il s’agit de finances. Passant pour un bon samaritain il va prendre le jeune homme sous son aile mais au royaume des affaires, les requins humains sont les rois.
A partir de faits véridiques – la romancière ajoute d’ailleurs quelques notes en fin de livre – c’est un parcours dans le Paris du milieu XIX° siècle avec son faste et sa pauvreté, l’enrichissement des uns, la paupérisation des autres ainsi qu’un saut de la Monarchie de juillet au Second Empire avec tout son despotisme libéral propulsé par « Le Petit » Napoléon…
Captivant parcours historique, descriptions soignées et jamais soporifiques, roman qui interpelle les sens et le lecteur se sent transporté dans un autre temps, pourtant les âmes semblent parfaitement contemporaines. Quant au héros, Charles, je mets au défi celles et ceux qui ne tomberont pas sous son charme ; à mi-chemin, d’aucuns auront sans doute envie – à l’instar de votre serviteur – de le serrer dans leurs bras comme pour lui redonner par magie l’usage de son membre détruit. Personnage solaire par excellence, tomber puis se relever ; en vrai ils éclairent le monde, en fiction ils éclairent les rêves. Sans oublier l’amour qui donne des ailes, le tout sous la plume poétique et délicate d’Hélène Bonafous-Murat.
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Elle n’en est pas à son premier, mais comme souvent, j’aurai attendu le…sixième. J’aime les comptes à rebours. C’est ainsi que je viens de découvrir l’auteure, Hélène Bonafous-Murat, et son dernier ouvrage "Le jeune homme au bras fantôme". Inspiré de faits réels, certes, mais pourtant véritable magnifique roman.
Il nous transporte en 1834, rue Transnonain à Paris. C’est là que le personnage principal, Charles Hû alors âgé de six ans, perd un bras. Il est victime de l‘attaque de la troupe contre l’immeuble dans lequel il vit avec sa famille. Les habitants sont, en effet, soupçonnés d’abriter des opposants à Louis-Philippe. Le père de Charles, lui, est tué. Vous imaginez bien que la vie de ce garçon à la fois handicapé et orphelin ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Pourtant, la rencontre quelques années plus tard d’un ancien voisin, horloger de son état et passionné de mécanique de précision va tout changer…
L’ancrage de ce récit dans une période historique peu connue – de moi en tous les cas – est d’un grand intérêt. J’ai beaucoup aimé l’étude qui en est faite à travers à la fois les personnages et les lieux. Ce Paris, des années 1850 est bien observé, décrit par le menu et le travail de recherche visiblement abouti. Les personnages, quels qu’ils soient, sont par ailleurs tous passionnants et minutieusement analysés, et à travers eux la société parisienne de cette époque. Les uns sont de braves gens, les autres largement moins et pourtant on sent chez chacun de ces derniers une lueur positive. Bien sûr, j’ai un faible pour Charles, son courage, sa résilience, son désir d’aller toujours plus haut. Mais, j’ai aimé aussi Norbert Estibal, son patron. Certes ses intentions ne sont pas toujours bonnes, certes il trempe dans des magouilles condamnables, mais au fond de lui…la petite lueur dont je parlais plus haut. Et je n’oublie pas les femmes, Pauline, Lisette, instinctives, courageuses, intelligentes.
L’écriture est simple mais totalement adaptée à la période, quelque peu précieuse et surannée tout en restant vive. Le rythme relativement lent au début prend petit à petit de la vitesse jusqu’à devenir haletant. Il m’a portée jusqu’à la fin. En parlant de la fin, justement, j’ai beaucoup apprécié la "Note de l’auteur" qui apporte au lecteur nombre de précisions des plus utiles. Et last, but not least : la très belle première de couverture.
Ce roman aux confins du précis historique et du roman d’apprentissage est tout simplement captivant.
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Avril 1834, Paris, rue Transnonais : 12 habitants d'un immeuble sont massacrés en représailles d'un tir ayant touché un capitaine d'infanterie la veille, et qui serait parti d'une des fenêtres de cet immeuble.Charles fait partie des rescapés. Lors de l'événement, il est blessé et perd son bras.Une vingtaine d'années plus tard, nous le retrouvons vivant du mieux qu'il peut de petits boulots, gêné par le regard des autres et désireux de faire de son quotidien autre chose que celui d'un infirme.Et pour cela, il peut compter sur son ami Francisque, horloger de génie qui lui confectionne une prothèse. Une nouvelle vie s'offre alors à lui.
Hélène Bonafous Murat part ici d'un fait historique pour nous conter l'histoire d'un parisien de l'époque, d'un rescapé, volontaire et désireux de se faire une place dans le monde qui l'entoure.Nous suivons son avancée dans le Paris bouillonnant du 19ème siècle, entre démolition et reconstruction de certains quartiers, réussite sociale de certains industriels de manière plus ou moins honnête, importance de la publicité, revendications contre l'ordre établi... Ce roman d'apprentissage est passionnant et les personnages sont très touchants, quoique bien différents : on y rencontre le chef d'entreprise avide de réussite, les camarades se battant contre le pouvoir en place, les commerçants travaillant dur pour faire prospérer leur commerce, les notables plus ou moins honnêtes... C'est ici une vraie galerie de personnages qui donne vie au roman, à cette histoire teintée d'intrigue et d'optimiste sur fonds de vie parisienne.
Ce fut un très bon moment de lecture et je remercie les éditions Le Passage pour leur confiance!
D’une ampleur rare, le livre s’efface. Il cède sa place pour l’enfant symbole : Charles. Paris en larmes, à feu et à sang, 1834, rappelez-vous l’attaque contre des innocents, les opposants au régime de Louis Philippe, rue Transnonain. L’effroi est trombe, des civils assassinés, son père tué, un enfant blessé, le voici devenu le petit Poulbot de Paris. Les pavés grondent, assignent les turbulences. L’horreur prend son visage de la honte. Et pourtant il est bien trop tard pour effacer la page et tout recommencer autrement. Charles est orphelin. Handicapé il doit se sauver par lui-même. Comment lorsque la faim fait vaciller les âmes ? Un seul bras pour bâtir son macrocosme. La faiblesse d’un corps qui ne peut prétendre à s’émanciper et gagner contre les nantis, les bourgeois, la société mordante et mutante qui écrase la misère sous ses pieds.
Haut les cœurs ! Lever du voile sur les ténacités, les endurances et les loyautés. Les fraternités se serrent les coudes. Charles est gerbe de blé avec Pauline depuis toujours. Francisque l’allié, l’ombre, les destinés gémellaires. Les connivences regain et plus que tout ce beau livre est spéculatif. Il apporte les preuves d’une amitié théologale, à la vie à la mort. Francisque va fabriquer un bras métallique pour son ami. Dépasser le handicap et vaincre enfin les obstacles. Charles va se métamorphoser, danser, travailler, être semblable aux autres, vivre et aimer. Paris s’élève. Sa tarentule innove les transmutations. Éclair, étoile, l’amour, l’abri grotte matrice devenue : Lisette. L’éclaircie des beaux jours, l’âge qui forge les hommes. Charles est enfin au centre de lui-même. Rédacteur d’annonces, brillant, pragmatique, il se fait remarquer par son employeur. Ce dernier est manichéen. Opportuniste, assoiffé d’argent, sociable par intérêt, fuyant mais visionnaire. La Philanthropie cachée dans les tiroirs de son bureau. Son côté sombre l’emporte, l’appât du gain gagne sur les nobles causes. Il va réaliser son projet avec l’aide indispensable de Francisque (horloger et maître des roulements et aiguillages). Il va créer une usine d’appareillages pour aider les handicapés. Jusqu’au jour où… Ce récit est basé sur des faits réels. Chaque protagoniste a véritablement existé. L’histoire prend son aura de documentaire grâce à la maîtrise hors pair d’Hélène Bonafous-Murat. On ressent Paris en latitude. Les hôtes comme s’ils étaient dans notre contemporanéité, juste un peu déplacée dans le temps. Les sentiments sont des cartographies, un plan de Paris dont on voudrait retenir le meilleur pour en faire notre modèle. « Le jeune homme au bras fantôme » fil rouge d’une histoire qui se prononce à voix basse tant sa force est ultime. Charles est son maître, le guide pour ses amis et puis voilà c’est dit pour moi aussi. Ce livre mémoriel est un hommage à la République des cœurs. Publié par les majeures Éditions Le Passage.
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