"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Les fantômes des remords À Vilavedra, le temps s'égrène lentement face à l'Atlantique. Juana, témoin des passions cachées de la famille Ulloa durant des décennies, se souvient du vieux comte de Gondomar, le patriarche des Ulloa, éperdument épris d'une femme qui ne pouvait être sienne ; de ses fils Rafael et Jacobo, condamnés à vivre séparés par un océan ; et surtout de la jeune Laura, élue par le Destin pour accomplir ses desseins. Mais telle une légende qui se murmure à voix basse, leur histoire finit par se propager et révèle les secrets de famille, les peurs, les soupçons et désirs inavouables. La Galice et Cuba sont deux terres où les nouvelles sont apportées par le vent, où l'air entraîne les présages dans son sillage.
Le Destin de Laura U. est une saga familiale où les amours coupables, le péché et la démence mènent la danse. Susana Fortes nous plonge dans l'exotisme de la pluvieuse et austère Galice, où la piété traditionnelle flirte avec les superstitions ancestrales, et dans celui de Cuba, luxuriant et extraverti, où la religiosité se mâtine de sorcellerie.
Atmosphère troublante pour ce roman écrit et traduit avec bonheur.
Au début du XX ième siécle , une vieille domestique attachée à une grande famille espagnole raconte les amours interdites, les tourments associés aux transgressions, et ce dans une ambiance baroque.
Le roman se situe entre Cuba et l'Espagne, entre mysticisme et vieilles coutumes caribéennes.
Une vraie belle découverte ; trop courtes ces 200 pages!
Ce pourrait être le récit d’une saga familiale, dans la tradition la plus convenue du genre : le récit d’une ascension sociale, ou d’une décadence provoquée par la génétique familiale .Il n’en est rien .Dès le début du roman, le docteur Ulloa, contracte mariage le 25 juillet 1917, conformément au souhait de son père, le comte de Gondomar, seigneur de Salvatierra.
Quelque temps plus tard, le frère aîné du docteur, Jacobo, part avec son épouse pour Cuba, dans le but d’y diriger une plantation que possède la famille Ulloa de Andrade dans la province de Camagüey. À Vilavedra, localité de Galice, dans le nord-ouest de la péninsule ibérique, Juana, domestique, est le témoin direct de la vie familiale des Ulloa.
Et c’est vers une plongée dans des univers passablement inquiétants et pervers que nous entraîne Susana Fortes. Le rôle de la peur, comme moteur de conduite, y est omniprésent ; il dicte maints comportements et attitudes des membres de la famille Ulloa : ainsi, Rafael Ulloa se souvient-il avec douleur, des sentiments que lui inspirait son père : « Mais le pire n'était pas le tonnerre de sa voix, qui finissait par se briser en quinte de toux sous le poids de son propre effort, c’était le spectacle du courroux biblique d’un père despotique, capable d’infecter comme un aiguillon l’âme innocente de n’importe quel enfant. »
D’autres sentiments troubles sont décrits : celui Du docteur Ulloa, en proie à un désir de plus en plus explicite, impérieux vis-à-vis de Laura, héritière de la ligne Ulloa : « Le docteur Ulloa resta un bon monnaie à la regarder, debout contre la vitre, le gilet défait, les manches de sa chemise attachées par des élastiques. Pour la première fois de sa vie, il entendit résonner à son oreille, clairement, nettement, le démon. »
Une autre supposition est glissée dans le récit, à l’occasion entre José, un autre domestique, et Juana : « Ainsi donc, Mademoiselle Laura est la fille du comte (…) Tu veux dire, José ? Que Mademoiselle Laura est la sœur de sang de don Jacobo et du docteur, c’est bien çà ? ».
Le roman de Susana Fortes plonge dans les ténèbres de l’âme humaine, il introduit souvent des descriptions de cauchemars faits par les personnages. La superstition y tient une grande place. On pense à l’ambiance des romans de Bernanos, tels que Sous le soleil de Satan, ou Mouchette, et aussi aux peintures terrifiantes de Jérôme Bosch, très représentatives de l’ambiance de ce roman, très bien écrit, magnifiquement traduit, au style dense, au vocabulaire précis. À découvrir.
Juana a été au service de la famille Ulloa durant des décennies, et au soir de sa vie, attentive aux présages, elle se remémore les souvenirs de cette maison, ces histoires dont elle a été le témoin, ces accouchements dans la douleur, ces disparitions accidentelles, cette folie contagieuse. Dans cette famille tous les membres semblent connaître une fin tragique.
A commencer par le comte de Gondomar, patriarche régnant sur sa maisonnée, de sa belle-soeur à sa belle-fille, qui choisit par testament de séparer son fils Rafael de son frère Jacobo, parti gérer les terres de la famille à Cuba.
Tandis que Rafael, devenu docteur, fait un mariage sans amour avec Elvira, qui sombre vite dans la folie et finit par être internée, son frère meurt à Cuba, laissant seules son épouse Rebecca et sa fille Laura. Parti régler les affaires de la famille, il les convainc de revenir auprès de lui en Europe. Dès lors les fantômes de l’histoire semblent ressurgir et l’histoire se répéter.
Ce pourrait être un conte funeste avec des fantômes, des jeunes filles aux pouvoirs surnaturels, une maison à l’ambiance pesante, des amours interdites aux répercussions sans fin, jusqu’à former une étrange malédiction familiale entre deux terres, la Galice et Cuba, pétries de superstitions et de sorcellerie. C’est un livre fascinant une fois qu’on est entré dedans, avec une écriture transcrivant avec grand talent une atmosphère très particulière.
Juana se souvient, car Juana a passé sa vie au service de la famille Ulloa, dans la région de Galice empreinte de cette magie que procurent des paysages austères et rudes, dans ces familles où la passion est dévastatrice, lorsque les convenances et les obligations imposent une vie pas toujours choisie, où les apparences sont parfois trompeuses, même si elles règlent la vie de tous, chaque jour.
Dans la famille Ulloa, il y a d’abord le comte de Gondomar, le père de Rafael et Jacobo, patriarche tout puissant, homme autoritaire et volontaire, à qui nul ne résiste, ni sa belle-sœur, ni même Rebeca, sa belle-fille. Lorsque le comte meurt, l’héritage sépare inexorablement les deux frères : Rafael reste au domaine, Jacobo part gérer les terres de la famille à Cuba, dans cette ile où l’exotisme cède le pas aux croyances d’un autre temps, celles des indiens de caraïbes. Mais Jacobo vient de mourir, Rafael part à Cuba aider sa belle-sœur, régler la succession et organiser la vie du domaine, puis les deux femmes, Rebeca et sa fille Laura, retournent en Espagne. A partir de ce moment-là, les secrets inavouables, les amours clandestines et coupables, sont se révéler peu à peu, au coin du feu, dans le silence feutré des aveux et de la parole qui enfin se libèrent.
Il y a une véritable atmosphère dans ce roman, on imagine des images de contrées luxuriantes mais déroutantes pour ces émigrés contraints au départ, Cuba fait rêver, mais Cuba fait également peur, de par ses mystères et ses croyances. On y voit émerger les brumes du matin, surnaturelles et mystérieuses, dans cette région d’Espagne qui vit tournée vers l’autre côté de l’océan. Le cœur est en lutte avec la raison, emporté dans la tourmente d’un climat à l’unisson avec les esprits torturés des hommes.
Le rythme est très dense, de belles descriptions, peu de dialogues, et cependant une histoire racontée avec force détails qui ont tous leur importance. Rien d’inutile ou de verbeux, il y a à la fois profusion et économie de mots, c’est assez étrange d’ailleurs, et l’on souhaite ardemment se blottir au coin du feu pour terminer cette lecture à la fois prenante et perturbante. Voilà une saga familiale où les mystères ont des répercussions sur plusieurs générations. Laura U est une héroïne qui plonge ses racines de chaque côté de l’atlantique, des brumes sombres de Galice aux paysages éclatants de Cuba, dans les secrets de famille les plus inavouables et les mieux gardés, témoin d’une époque et d’un statut social auquel elle ne pourra pas échapper.
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