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«Le déjeuner du lundi est un livre qui a toujours eu ses amateurs. Il fut plusieurs fois réédité. Les gens qui le connaissent sont curieusement sensibles au charme qu'il peut avoir. On me dit quelquefois qu'avec dix ans d'avance j'ai inventé le nouveau roman. En effet, il y a dans Le déjeuner du lundi quelques ingrédients qui ont, par la suite, fait la fortune de cette école littéraire. Voilà bien ma chance ! J'ai fabriqué un "nouveau roman" alors que personne n'était prêt à le lire ! C'est tout moi, cela. Je ne suis jamais à l'heure.» Jean Dutourd.
Tous les lundis midi, le père de Jean Dutourd, dentiste de son état, invite son fils Jean et l’oncle Alfred à déjeuner. Veuf joyeux et épicurien sans complexe, il met les petits plats dans les grands pour régaler ses deux hôtes, ce qui n’est pas un mince exploit, car dans les années d’après guerre, les tickets de rationnement sont encore en vigueur et il faut souvent recourir au marché noir pour élaborer un menu. Ces sympathiques agapes familiales sont l’occasion de discussions à bâtons rompus sur mille sujets des plus triviaux aux plus relevés dans une ambiance charmante et détendue.
Paru en 1947, « Le déjeuner du lundi » est le deuxième livre et le premier roman de Jean Dutourd. Il le présente comme étant le prototype du « nouveau roman », style qu’il dit avoir inventé avec dix ans d’avance. En effet, les cinquante premières pages donnent tout à fait cette impression avec des descriptions pointilleuses mais jamais ennuyeuses du décor de cette charmante pièce en trois actes (entrée, plat, dessert). Passé cette introduction à la Robbe-Grillet, le lecteur bascule dans le vif du sujet, les dialogues et la comédie de ce déjeuner de brillants esprits. Ça ne se lit pas. Ça se dévore. Tant c’est intelligent, amusant, plein d’humour et finement raconté. Le personnage du père, un peu vantard, heureux de vivre et toujours le cœur sur la main, celui de l’oncle, plus introverti, grand amateur de calembours, de paradoxes et d’énigmes plus ou moins scientifiques et bien sûr celui du jeune Dutourd, ancien évadé de camp de prisonnier, grand résistant, anticlérical, libre penseur et très à gauche, tous trois sont d’excellente compagnie. Les idées politiques de l’auteur peuvent surprendre. Il faut dire qu’il était très jeune à l’époque et qu’il a évolué au fil du temps et de sa réflexion personnelle. Seuls les idiots ne changent jamais d’avis ! Un bel ouvrage qui n’a pas pris une seule ride !
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