"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Obsédé des chiffres, antihéros évoluant dans un monde gris, il est le prototype de l'homme ordinaire, esclave du temps qui passe qu'il interroge par son travail et la vacuité de sa vie.
Entre faux journal et roman-collage, Pär Thörn invente avec Le Chronométreur -cette parodie de roman «ouvrier»- un objet littéraire à l'humour noir jubilatoire.
Dialogues incisifs, effets de listes, gimmicks, sa satire par l'absurde fait mouche : une existence fondamentalement dénuée de sens devient un défi stimulant.
«Le Chronométreur est un livre hilarant.» Peter Lindgren, Aftonbladet
C’est l’histoire d’une vie : chapitre 1 : « A ma naissance, j’ai une espérance de vie de soixante-treize ans. » Une vie comme un espace-temps à combler, une espèce de fulgurance dont il faut tenter de faire bon usage. Enfin, chacun fera comme il pourra.
Le narrateur – un homme sans nom - chronomètre tout depuis sa tendre enfance : le sport, à l’école, refusant d’arrondir les chiffres malgré la pression de ses camarades, puis, en grandissant, il mesure le temps qu’il faut pour franchir une volée de marches, faire bouillir de l’eau, confectionner un gâteau et le manger. Une vraie passion quoi.
Parfois, il se pose des questions existentielles mais pas très souvent, c’est mieux : « Pourquoi est-ce toujours pareil ? »
Logiquement, adulte, il trouve enfin son métier, ce pour quoi il est fait, une vraie vocation : chronométreur. Il lui faudra surveiller (sans les déranger pour autant) les moindres gestes, les mouvements infimes des travailleurs qui l’observent d’un œil noir.
Certains d’ailleurs le surnomment « chronobite », d’autres lui demandent : « - Tu chronomètres aussi quand tu chies ou quoi ? »
Il faut comprendre, l’entreprise ne peut se permettre de perdre du temps, car le temps, c’est de l’argent (Time is money) disait Benjamin Franklin.
Alors, il convient, pour être tout à fait sérieux et à la hauteur de la tâche qui lui incombe, de faire clairement la différence entre travail et temps libre. Heureusement, une conférence en Pologne avec la Société tayloriste va l’aider à résoudre des problèmes fondamentaux : est-ce que se gratter la jambe est une micropause ou un geste nécessaire à la poursuite d’un travail efficace ? Et puis, « Est-ce que ce qui est une micropause en Pologne est une micropause en Suède et inversement ? » A l’heure de l’Europe, c’est important de faire comme les voisins…
Ça occupe, ce genre de questions, ça fait réfléchir, tandis que le temps passe et que « le lundi devient mardi. Le mardi devient mercredi. Le mercredi devient jeudi. Le jeudi devient vendredi. »
Le responsable du département de chronométrage, Roland Hedåker, pour tuer le temps, donne des noms aux couloirs : l’un s’appelle « Pologne », l’autre « Flandre », un autre encore : « Närke ». Ne prenez pas ça comme une échappatoire « mais comme une façon de créer du bien-être, et ainsi de la joie au travail, et ainsi un accroissement de la productivité. »
Donc, quand il se « déplace dans les frontières de Närken, les eaux du lac Hjälmaren bruissent dans ses veines. », dans le couloir nommé « Flandre », il « respire un parfum de pralines grillées et de gaufres. »
Vous n’y aviez visiblement pas pensé… Essayez dès lundi ! (Testez peut-être avant d’en parler aux collègues.)
Un court roman, aussi court qu’une vie, un texte satirique, inventif et cinglant sur une société complètement absurde où les mots « rendement », « compétitivité », « rentabilité » guident le monde, façonnent les esprits, maltraitent les corps, plongeant les hommes dans un océan de vacuité et de désespoir qui finira bientôt par les engloutir dans un néant absolu, remplacés qu’ils seront à plus ou moins long terme par les machines : « Dans un monde très proche, se dit très lucidement le narrateur, je surveillerai probablement davantage de machines que d’hommes. »
L’écriture est froide, neutre. Elle est de l’ordre du constat, du rapport qu’on pose sur un bureau. Un bilan. Ni sentiments, ni émotions. Enfin, le moins possible, on n’est pas là pour ça.
On rit mais l’humour est noir, glaçant, grinçant. Le comique de répétition tourne à l’angoisse et à la folie comme dans ce chapitre 62 où les mots bégaient, se superposent presque, s’entassent, s’accumulent, vides de sens, dénués de vie et d’âme, comme pris dans une spirale sans fin : « Les heures les heures les heures les heures s’ajoutent aux heures aux heures aux heures aux heures. Les mois les mois les mois les mois s’ajoutent aux mois aux mois aux mois aux mois. Les années les années les années les années aux années aux années aux années aux années. »
On aimerait se dire que ce récit n’est qu’une fiction…
Lireaulit: http://lireaulit.blogspot.fr/
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