"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le Cabinet des Antiques (1838) désigne le milieu de cette vieille noblesse de province, ruinée par la Révolution et oubliée par les Bourbons restaurés. Le marquis d'Esgrignon, sa soeur et ses amis incarnent ce groupe social. Hélas ! le fils du marquis, parti pour Paris, y mène joyeuse vie, s'y ruine, commet un faux, risque le bagne. Balzac excelle à peindre ces classes sociales pathétiques et dépassées, ces parents détruits par leurs enfants, le caractère impitoyable des temps nouveaux où le nom, la tradition ne sont plus rien, mais où l'argent est tout. Au tableau s'ajoute l'intrigue romanesque. Les frasques d'un jeune homme, sa perte, son salut, c'est un roman d'aventures, c'est aussi le thème des Illusions perdues.
J’ai délaissé mon cher Balzac depuis l’été dernier… C’est dommage car Le Cabinet des Antiques aurait mérité d’être lu juste après La Vieille fille. Balzac considérait ce roman comme une sorte de clôture du précédent ; en effet, les deux intrigues ont bénéficié d’une genèse et d’une écriture croisée.
Le libéral du Croisier a juré de se venger de l'aristocratique famille d'Esgrignon qui lui a refusé, autrefois, une alliance matrimoniale. Pour parvenir à ses fins, il utilise les faiblesses du jeune comte Victurnien d'Esgrignon qui va mener pendant deux ans, à Paris, une vie brillante de dandy, en l'encourageant à faire des dettes, le poussant même vers des actions malhonnêtes.
Victurnien a parfois quelques points communs avec Rastignac dans Le Père Goriot ou Lucien de Rubempré dans Les Illusions perdues, mais aucun panache. C’est un joli garçon, mais pas très futé et, surtout, malgré l’expérience des désillusions, il ne donne pas l’impression d’avoir vraiment évolué. Le dénouement le laisse égal à lui-même, tiré d’affaire, marié et riche. Un personnage fade, faible, sans relief, antipathique.
Ici, sous un titre satirique, Balzac nous donne à lire les différences entre l’aristocratie parisienne, miroir aux alouettes pour le jeune noble provincial qui va s’y ruiner et s’y déshonorer, et la noblesse provinciale étriquée, aux allures d’arrière-garde dépassée, vivant en vase clos.
Des portraits de femmes intéressants, en miroir : Armande d’Esgrignom, la vertueuse tante de Victurnien, un modèle de vertu, de bonté et de dévouement, qui se sacrifie pour l'honneur du nom et la duchesse Diane de Maufrigneuse, une jeune femme diabolique, sans illusions, qui dilapide sans scrupule l’argent de son amant.
Selon moi, le personnage qui se démarque dans ce roman, serait justement le fidèle Chesnel, l’intendant et notaire des d’Esgrignon : « la vertu de Chesnel appartient essentiellement aux classes placées entre les misères du peuple et les grandeurs de l'aristocratie, et qui peuvent unir ainsi les modestes vertus du Bourgeois aux sublimes pensées du Noble, en les éclairant aux flambeaux d'une solide instruction ».
De longues digressions, évidemment… Ayant eu un peu de mal à entrer dans ce roman, j’ai davantage apprécié la dernière partie et la galerie de personnages secondaires mis en scène autour de l’arrestation de Victurnien et de la préparation de son jugement quand le récit prend des allures de roman d’aventures.
Dans ce dernier roman des Scènes de la vie de province, situé dans une ville dont le nom n’est pas dit, « une sage retenue exigée par les convenances », peinture de rivalités et récit d’une vengeance complète, opiniâtre et calculée dans ses moindres détails, nous retrouvons les trois valeurs chères à Balzac dans une intrigue portée par le désir de vengeance « des adversaires les plus dangereux du trône et de l'autel contre l'héritier d'une vieille famille ».
Un roman peu connu de Balzac, une lecture un peu laborieuse mais intéressante.
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