"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«Très jeune... non, je ne suis plus très jeune. J'ai gardé ma taille, ma liberté de mouvements ; j'ai toujours mon vêtement de chair étroite qui m'habille sans un pli... j'ai changé tout de même. Je me connais si bien ! Mes cheveux couleur de châtaigne étoffent toujours, nombreux, pressés en boucles rondes, l'angle un peu trop aigu d'un menton qu'on s'accorde à trouver spirituel. La bouche a perdu de sa gaîté et, au-dessous de l'orbite plus voluptueuse mais aussi plus creusée, la joue s'effile, longue, moins veloutée, moins remplie : le jour frisant y indique déjà le sillon - fossette encore, ou ride déjà ? - qu'y modèle patiemment le sourire...»
Toujours revenir, puiser dans cette écriture unique, lorsque je veux me ressourcer.
Cinquième et dernier des Claudine même si le titre ne l’indique pas, il clôt une série.
Renaud le mari de Claudine est hospitalisé et mis en quarantaine pour cause de tuberculose.
« Laisse, je te dis, laisse, mon enfant, ton vieux mari entre les quatre murs de ce frigorifique ; on traite de même le poisson qui manque de fraîcheur… »
Claudine passe ce temps d’absence chez son amie Annie. A Casamène, les rôles s’inversent c’est l’hôte qui a pleine autorité pour mener les affaires du domaine.
Cela peut-il combler le manque ?
« Ce n’est pas du chagrin que j’endure, c’est une espèce de manque, d’amputation, un malaise physique si peu définissable que je le confonds avec la faim, la soif, la migraine ou la fatigue. »
La douce Annie qui brode comme si elle n’était pas présente au monde, cache une vie plutôt agitée.
« C’est l’Annie inconnue qui parle à présent, nette, impudique, avec un sourire retroussé de connaisseuse. La fièvre délicieuse des découvertes me chauffe les joues ! ... »
Ainsi s’affrontent et s’enrichissent deux conceptions de l’amour, mais ce duo est assurément un trio car l’amour de la nature au sens large, les paysages, les plantes et les animaux, enveloppe le tout d’une façon éternelle.
« Frileuse de sommeil, elle se tenait ce matin sur le perron aux marches disjointes, qui chancellent sous le pas comme les pierres mal assurées qui marquent le gué d’un ruisseau… Sept heures sonnaient et je sortais du labyrinthe, trempée de rosée, le nez fondu et les mains gourdes, une corbeille sur les bras. Ce matin d’octobre sentait le brouillard, la fumée de bois et la feuille pourrie, à m’enivrer. »
L’antagonisme de tempérament des deux femmes n’est-il pas seulement une apparence ?
Ce qui les sépare assurément c’est le sens d’attachement.
Claudine qui est emplie du quotidien, de cette vie qui sourd en chaque chose, chaque être et veut en faire quelque chose de particulier, alors qu’Annie n’a pas la perception de ce qui l’entoure. Elle est dans l’immédiat d’elle-même.
Claudine sait intuitivement que la maladie emportera son Renaud, n’est-ce pas pour cela qu’elle se raccroche à la nature, toujours vivante, toujours là à bout de bras, à fleur de peau, à portée de regard…
Marcel le beau-fils de Claudine sera l’intrus.
« Il est arrivé, il est arrivé ! Le vieux cheval Polisson a hissé une malle en parchemin, ma grille a grincé d’une façon malveillante, Toby-Chien a aboyé, Sainte Péronnelle Styliste s’est réfugiée sur le cadran solaire et Annie — je l’aie vue, de mes yeux, vue ! — a daigné courir. J’ai envie de m’en aller : la maison remue trop. »
Ce que j’aime chez Colette, je crois, c’est qu’elle parle femme, quotidien, nature ce qui emplie une vie dans l’instant et pour toujours. Pas de discours, de métaphysique ou de politique, non la valeur de l’instant qu’il faut savourer avec ses cinq sens.
Est-ce le secret pour être heureux ? où ce qui s’en rapproche le plus.
A chaque lecture je fais de nouvelle découverte, une phrase, un mot le tout comme une promesse de bonheur. Celui que l’on peut toucher du doigt.
On peut discourir sur Colette et sa ou ses vérités, je crois que celle-ci de vérité n’est pas au fond du puits mais bien dans cette nature célébrée et mille fois respectée.
©Chantal Lafon
COLETTE est une grande dame de la littérature, avec une plume personnelle qui écrit avec finesse ses personnages et les relations humaines. Elle nous livre des réflexions profondes sur l'amour ,qui nous laisse nous émouvoir et nous attendrir.
J'ai beaucoup apprécié ce roman, dernier livre que j'ai lu de Colette, toujours ausssi prenant, on suit Colette dans la vie d'Annie...beaucoup de réflexions surprenantes sur la vie et sur les relations humaines
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