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« Rien n'est plus amer que de voir de surhumains efforts donner si peu de bonheur. Il ne reste qu'une consolation possible : se dire qu'il n'y a pas de bonheur. »
Paru pour la première fois en 1938, ce roman aux ressorts stendhaliens raconte l'ascension sociale puis la chute d'un jeune ambitieux, Jean-Luc Daguerne, dont l'amour pour sa belle le mènera à sa perte. Sur cette trame éprouvée, Irène Némirovsky fait danser les mots avec humour et se joue brillamment des passions humaines et des cruautés du sort. Mais cette Proie doit pourtant beaucoup aux années 1930, à leur énergie tragique, à tous leurs espoirs brisés. C'est cette course folle vers le gouffre qui en fait sa modernité.
On redécouvre avec plaisir l'oeuvre d'Irène Némirovsky depuis la publication posthume de Suite française en 2004. Romancière très en vue du Paris des années 1930, Irène Némirovsky, née à Kiev en 1903, morte à Auschwitz, a été arrêtée le 13 juillet 1942 par la police française.
La proie, c’est l’homme politique pris au piège. Ambitieux, passionné par le cœur humain et l’intrigue, il est prêt à toutes les concessions pour vaincre, s’imposer à tous et parvenir à la réussite sociale.
Jean-Luc Daguerne est de ceux-là. Jeune et orgueilleux, il aimait Édith et se serait contenté d’une place modeste dans le monde ; un monde injuste et dur qui l’écrase par son poids immuable.
Il suffit d’une déception amoureuse, et tout bascule. L’homme au cœur froid, sur les pas de Julien Sorel, devient calculateur et se jette dans la bataille.
Vibrante, haletante, la passion de Némirovsky pour le genre humain est palpable. La narration aux accents stendhaliens, précise et divisée en cours chapitres, dessine l’ascension sociale où les concessions sont trop nombreuses pour ne pas mener Jean-Luc à sa perte. La Proie, c’est surtout l’éloge de la jeunesse fougueuse et spontanée, désireuse de vivre, de se jeter au monde avec la force, l’élan des espoirs, et parfois des illusions.
Némirovsky sait donner de l’intensité dramatique aux sentiments et aux personnages envoûtants, desquels il est difficile de s’arracher ou de mal juger. Comment ne pas aimer Jean-Luc Daguerne, Calixte-Langon et Lesourd, tous trois guettés par le vice de la politique, animés par la soif de la réussite ? Ils ont été jeunes, en quête du pouvoir, croyant attirer ainsi le bonheur…
[...] Rarement un livre n’a atteint une telle puissance dans l’analyse du cœur humain. La proie, la victime, c’est celle qui abandonne sa part d’amour au profit de la réussite, et qui souffrira de ne pas l’avoir laissé vivre. Némirovsky, disparue trop jeune, a laissé une œuvre éclatante, vraiment moderne et passionnante. La Proie, un livre dont on n’oublie pas l’intensité et la tragédie, un livre classé dans la catégorie Postérités sans hésiter.
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