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Michel Foucault n'a pas la réputation d'être un théoricien de l'État, et pour cause : il a implacablement critiqué les grandes théories de l'État, qu'elles soient philosophiques, marxistes ou juridiques. Contre l'assimilation de la politique à l'État, il entendait analyser les « micro-pouvoirs » là où ils s'exercent - dans l'école, la prison, la caserne, l'usine, la sexualité, la clinique, l'asile, etc. Cet ouvrage ambitieux veut lire Foucault contre Foucault et montrer que ses travaux des années 1970 (en particulier les cours au Collège de France) sont indispensables pour repenser, aujourd'hui, la question de l'État.
Il existe bel et bien une théorie foucaldienne de l'État. Bien qu'elle ne soit ni systématique ni achevée, il est possible de la reconstituer tant à partir de la fabuleuse richesse historique et conceptuelle des textes de Foucault qu'en l'obligeant à dialoguer avec de grandes entreprises voisines, venues de la philosophie et des sciences sociales : le marxisme (Althusser, E. P. Thompson, Poulantzas), Max Weber, Norbert Elias ou Pierre Bourdieu, mais aussi E. Kantorowicz, Carl Schmitt ou P. Legendre.
La généalogie est compatible avec la sociologie, que Foucault tendait à mettre à distance. Les concepts de pouvoir, biopolitique, discipline, pastorale, gouvernementalité, libéralisme ne sont pas autre chose que des outils pour saisir « l'étatisation des rapports de pouvoir », ou les processus de monopolisation politique qui, de la Renaissance à nos jours, sont au principe de nos prétendus Léviathans en Europe. L'État ? Non pas le plus froid de tous les monstres froids, non pas seulement un grand appareil répressif, mais l'effet et l'opérateur de gouvernementalités multiples, de rationalités hétérogènes, de dispositifs variés : tantôt souveraineté fragile et hésitante, tantôt bureaucratie libérale et bienveillante, tantôt parti-État totalitaire. Un rapprochement avec la sociologie historique montrera les limites comme l'originalité de l'approche foucaldienne, sur la question de la concentration du pouvoir, du rôle des luttes dans la construction de l'État, ou encore de ses origines religieuses.
Ceci n'est donc pas un nouveau livre sur Foucault. C'est un livre sur l'État et la possibilité toujours vivante d'en faire une théorie, retrempée dans l'eau acide de la généalogie, en engageant une discussion critique avec sa contribution, en déplaçant ou complétant certains de ses développements et en tirant, au bout du chemin, quelques leçons politiques de ce grand inactuel.
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