Nathalène Goossens de la librairie Atout-Livre, située Avenue Daumesnil à Paris, vous présente son coup de coeur du moment.
Lorsque Jimi Hendrix entame les premières notes de l'hymne national américain devant la foule de Woodstock, c'est le cri retentissant de toute une génération qu'il fait entendre. Une génération qui ressent un violent sentiment de révolte face à la guerre du Vietnam. Une génération pour laquelle la musique représente un refuge, un foyer. Dans une langue inspirée et mélodieuse, Lydie Salvayre retrace la vie du célèbre guitariste. Elle entonne un hymne captivant à la gloire d'un musicien de légende.
Au matin du 18 août 1969, Jimi Hendrix s'apprête à conclure avec son groupe un événement sans précédent, qui a réuni à Woodstock plusieurs centaines de milliers de personnes pour trois jours de paix et de musique. Devant un public clairsemé au terme d'un marathon pas épargné par une météo capricieuse, dans ce qui ne restera pas - loin s'en faut - parmi ses meilleurs concerts, le musicien lance un cri de révolte contre la folie guerrière qui décime la jeunesse de son pays au Vietnam. Avec sa seule Stratocaster il reprend l'hymne américain, note pour note, l'agrémentant du vacarme des bombes, du bruit terrible de leurs explosions, dans une puissance dramatique d'une rare intensité. Il fait de The Star Spangled Banner « une oraison, une prière fracassante », tout en le libérant et lui redonnant le sens qu'il portait lorsqu'il fut écrit en 1814 à seule fin de protester contre la guerre.
Lydie Salvayre fait de cet instant unique l'élément central de son texte. Elle revendique haut et fort sa vénération pour Jimi Hendrix, n'hésitant pas à l'élever au rang d'icône de pureté dans un monde perverti. Elle revient dans une partie nettement biographique sur le parcours de cette comète qui illumina le monde de la musique, génie incompris, voire dérangeant pour une Amérique musicalement traditionaliste, guindée, coincée dans des styles immuablement figés, lui, l'enfant pauvre, à la croisée de plusieurs cultures, dont l'enfance fut désespérément marquée par la trop grande absence de sa mère.
Pour ce musicien noir hors normes la reconnaissance vient finalement d'un vieux continent qui se cherche une identité dans des courants musicaux fortement imprégnés de nouveau monde, où émerge un British blues dont Eric Clapton - pour ne citer que lui - fait figure de référence. Son chemin croise également notre Johnny national, ainsi qu'un Brian Jones déjà sur la mauvaise pente, en qui il retrouve une sensibilité égale à la sienne.
L'auteure insiste sur les conditions imposées par un manager véreux, sorte de clone du Colonel Parker qui s'illustra auprès d'Elvis, attribuant à celui qu'elle appelle « l'immonde Jeffery » l'entière responsabilité de la lente mais inexorable descente aux enfers d'Hendrix, à coup de tournées épuisantes physiquement et psychologiquement, amenant lentement l'artiste à abuser des produits qui lui seront fatals.
Le style m'a quelque peu dérouté, l'enthousiasme débordant de Lydie Salvayre aboutissant parfois à une certaine emphase qu'elle reconnaît ne pas apprécier chez les autres, usant de termes provocateurs pour décrire le jeu de scène de l'artiste. Elle n'hésite pas à multiplier les comparaisons avec des compositeurs classiques, et à ponctuer ses réflexions de références littéraires, voire philosophiques, qui m'ont paru s'éloigner de la description de personnage timide et réservé qu'elle fait par ailleurs du musicien.
J'ai, en revanche, été touché par les dernières lignes, qui évoquent dans une sorte d'accéléré morbide ce que furent les ultimes tentatives de Jimi Hendrix pour continuer sa route, ses derniers espoirs, ses dernières illusions dans une possibilité de s'accomplir musicalement de façon plus satisfaisante, avant de tirer sa révérence, un 18, en septembre 1970 cette fois.
Très joli cadeau à cet artiste qui a changé la face du rock
« On dit qu’il ne sortait de sa timidité que pour être, sur scène, l’audace même. » Lydie Salvayre nous parle, ici, de Jimi Hendrix qui, le 18 août 1969, à 9 h, sur la scène de Woodstock, s’empara de l’hymne national étatsunien : The Star Spangled Banner pour en faire un cri : « il l’empoigna, le secoua, et aussitôt en fit jaillir une liberté qui souleva l’esprit. »
Avant d’aller plus loin, donnons tout de suite un conseil aux éventuels lecteurs : ne commencez surtout pas ce livre ! Si vous le faites, vous serez happés, pris dans la spirale de l’écriture de l’auteure. Fille de républicains espagnols exilés en France, Lydie Salvayre décrocha une licence de lettres modernes avant d’entrer en fac de médecine pour devenir psychiatre à Marseille puis à Argenteuil. Elle a déjà publié de nombreux romans dont certains ont été adaptés au théâtre.
Ici, elle utilise une écriture à rebonds qui donne au lecteur l’impression d’être au cœur du tourbillon qui emporta Jimi Hendrix, sacrifié par la crapulerie financière. Elle n’hésite pas à dénoncer Jefferey, son immonde manager, qui l’obligea à faire 255 concerts en 1967 et presque autant l’année suivante tout en lui fournissant drogues et psychotropes qu’il décomptait d’ailleurs en frais généraux !
Pour nous faire davantage comprendre la personnalité de Jimi Hendrix, Lydie Salvayre nous emmène au cœur de ce qui fut son enfance avec un père qui « interdit à ses deux fils d’aller à l’enterrement d’une mère qu’il jugeait indigne. » Toute sa vie, Jimi fut inconsolable, se sentant même coupable de la triste fin de sa mère.
« Sa guitare fut sa raison de vivre. » Son père lui avait acheté la première pour 5 dollars mais il la remplaça très vite par une guitare électrique et c’est ainsi qu’il créa, peu à peu, ce style inimitable : « trop pittoresque, trop osé, trop abondant, trop outré, trop inconvenant, son rock... irrecevable » mettant Jimi Hendrix « out, dehors, hors catégorie, hors norme… Sa guitare électrique était sa femme et sa maison et sa patrie. »
Jimi Hendrix joua jusqu’à sa mort, à 27 ans, le 18 septembre 1970, d’un excès de barbituriques. Une fois de plus, nous citerons l’auteure, à propos de ce fameux hymne qu’il joua à Woodstock :
« Un Hymne qui portait en lui le refus véhément de tout ce qui amputait et saccageait la vie, mais qui disait aussi son désir de bataille, et l’espoir que la hideur et la violence puissent par la musique être converties en beauté. »
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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