"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Entre 1904 et 1908, dépossédés de leurs terres, les peuples herero et nama se révoltent contre la colonisation allemande. Le général von Trotha mate l'insurrection et signe le premier ordre écrit d'extermination totale. Les deux peuples sont décimés. L'opinion internationale s'émeut, le génocide est différé.Insidieusement le crime se poursuit : le camp de Shark Island constitue une ébauche de purification ethnique. Épuisement et sous-alimentation tuent encore, les crânes des prisonniers sont livrés aux médecins racialistes pour cautionner cette suppression radicale. Après la découverte du premier diamant namibien, l'Empire décide de construire un chemin de fer sur lequel les rescapés meurent en nombre le long des voies.
Esther endurera la déportation sur la sinistre Île aux requins, elle sera ensuite l'une des esclaves du rail : une vie comme une traversée du désert à l'image de ces peuples broyés par la machine coloniale.
Entre 1904 et 1908, dépossédés de leurs terres, les peuples herero et nama se révoltent contre la colonisation allemande. Le général von Trotha mate l’insurrection et signe le premier ordre écrit d’extermination totale. Les deux peuples sont décimés. L’opinion internationale s’émeut, le génocide est différé.
Insidieusement le crime se poursuit : le camp de Shark Island constitue une ébauche de purification ethnique. Épuisement et sous-alimentation tuent encore, les crânes des prisonniers sont livrés aux médecins racialistes pour cautionner cette suppression radicale. Après la découverte du premier diamant namibien, l’Empire décide de construire un chemin de fer sur lequel les rescapés meurent en nombre le long des voies.
Esther endurera la déportation sur la sinistre Île aux requins, elle sera ensuite l’une des esclaves du rail : une vie comme une traversée du désert à l’image de ces peuples broyés par la machine coloniale.
Ce crime de l’histoire coloniale africaine est aujourd’hui reconnu comme le premier génocide du XXe siècle.
Avis et commentaires :
Encore une page abjecte de l'histoire récente de l'humanité pour laquelle Philippe Cuisset se fait le dénonciateur, ,dont il est le narrateur objectif d'un génocide qui n'a toujours pas été vraiment reconnu. C'est aussi le témoignage glaçant sur une nation colonisatrice, la Prusse, qui mit très tôt en pratique sur des ethnies africaines originaires de ce qui deviendra la Namibie, une politique de "solution finale" et dont trente ans plus tard, son plus triste dirigeant, Adolphe Hitler, s'inspira si sordidement au niveau "industriel" sur l'Europe.
Cette vision et interprétation glaçante est celle d'une société où l'économie (le développement des chemins de fer, l'exploitation des gisements de pierre précieuse, la mise à sac de toutes les ressources d'une région du monde) ne peut se faire qu'en annihilant les autochtones soucieux de défendre leur terre (expédition militaire, massacre en série, viols, travaux forcés entre autres). Cet épisode colonial prussien (peu connu ou reconnu) sanglant et génocidaire c'est l'esprit même d'un enrichissement massif, d'échanges économiques entre nations coloniales au détriment de celles et ceux qui étaient légitimement les habitants originels de ces régions d'Afrique Australe où sévirent aussi les Belges et les Néerlandais....
Ce sont les voix d'Esther, la survivante de ces victimes africaines, de quelques-uns des guerriers africains des peuples herero et nama massacrés, martyrisés, mais aussi des généraux massacreurs prussiens, des industriels, de la compagnie des chemins de fer profiteurs capitalistes et de pseudo scientifiques persuadés de la suprématie blanche qui s'entrechoquent ici sous la plume de Philippe Cuisset. Autant de témoignages où victimes et bourreaux qui rapportent la vérité historique tûe et crue de cet épisode abject et tragique si prémonitoire de ce que seront les épisodes nazis à venir et de tant d'autres où la pratique de l'extermination massive, de génocides, au profit de quelques-uns sous des prétextes totalement infondés sont autant d'actes d'accusation de nos sociétés où le capitalisme massif montre son inhumanité et son injustice. Et s'il faut utiliser des éléments fallacieux, pseudo- scientifiques pour assurer richesse et bonne conscience, certains hommes en sont les experts.
Il n'y a sous la plume de Philippe Cuisset que des éléments concrets, vérifiés, un style dans lequel il excelle avec les mots, les descriptifs justes et une volonté de dénoncer et de défendre les victimes si nombreuses et sans voix
Que l’on évoque suprémacisme racial et eugénisme, déportation, travail forcé et camps de la mort, génocide, et vient aussitôt à l’esprit l’état allemand nazi dirigé par Adolph Hitler. Mais qui sait que des crimes tout à fait semblables avaient déjà été perpétrés par le Deuxième Reich, au nom de la colonisation allemande en Namibie ?
En 1904, les peuples herero et nama se révoltent contre l’envahisseur allemand qui les chasse de leurs terres. Le général Lothar von Trotha signe l’ordre de les exterminer et entame une répression féroce qui conduit au massacre. Les survivants sont enfermés dans des camps de concentration, d’ailleurs pas les premiers de l’Histoire, puisque les Allemands s’inspirent alors de ceux créés quelques années plus tôt par les Britanniques en Afrique du Sud, lors de la guerre des Boers. En quelques années, entre les exécutions, les mauvais traitements et l’épuisement, la malnutrition et la maladie, quatre-vingts pour cent des autochtones disparaissent dans des conditions innommables, pendant que des médecins entament d’atroces expériences sur l’hérédité, au nom de la théorie d’« hygiène raciale » que les nazis devaient plus tard reprendre à leur compte.
Déportée en 1908 au camp de Shark Island, Esther est envoyée sur le terrible chantier du chemin de fer qui doit faciliter l’exploitation du diamant de Namibie, dont on vient de découvrir les premiers échantillons. Pendant que ses semblables tombent comme des mouches le long des voies qui traverseront le désert, elle assiste aux dernières échauffourées de la guérilla où les autochtones jettent leurs ultimes forces, avec l’espoir d’un soutien de la part des autres puissances occidentales présentes dans les pays d’Afrique voisins. Parfaitement informées mais redoutant la contagion d’une rébellion au sein de leurs propres colonies, celles-ci se garderont d’intervenir.
Sobre et implacable, le récit peint en traits d’effroi ce qu’Esther perçoit de l’épouvantable agonie de son peuple. Assommé par l’horreur, le lecteur ressent son épuisement et sa colère, mais aussi un effarement aussi choqué que consterné. Non seulement l’aberration nazie avait des racines bien plus profondes que l’on ne se l’imagine habituellement, puisqu’elle s’est développée sur des théories et des pratiques déjà mises en œuvre en Afrique une poignée de décennies plus tôt, mais le monde occidental dans son entier, avant tout préoccupé de ses propres intérêts coloniaux, a fermé les yeux sur ce qu’il ne peut prétendre avoir alors ignoré de ce qu’il se passait en Namibie.
L’on achève cette lecture profondément perturbé par la citation d’Aimé Césaire qui la conclut. Le monde ne s’est battu contre Hitler que parce que celui-ci s’est attaqué à l’homme blanc, et non parce qu’il s’est rendu coupable de crimes contre l’humanité. Ces mêmes crimes, considérés avec indifférence lorsqu’ils décimaient des "Nègres d’Afrique", ne sont devenus insupportables que lorsque les théories racialistes qui les motivaient se sont retrouvées appliquées en Europe. Comment ne pas se sentir accablé, lorsqu’à ce jour encore, la Namibie doit se contenter de la simple reconnaissance, obtenue en 2004 seulement, de la responsabilité du gouvernement allemand dans le génocide Herero, à des années lumière de la condamnation du nazisme ?
Après le néo-esclavagisme colonial des bagnes français, après l’abandon par le monde de tant de migrants à la dérive, Philippe Cuisset a choisi pour son troisième roman une cause encore une fois particulièrement terrible et bouleversante, et, pour le coup, totalement méconnue. Une lecture édifiante, dont on sort ébranlé.
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