"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Quel rapport y a-t-il entre Bruno Schulz et Joë Bousquet, Ida Lupino et un voyage chez les fous en compagnie de Wang Bing, la sirène Ondine et les premiers films de Sharunas Bartas, les duos de soeurs et un roman sur la guerre du Vietnam, les lettres de Rainer Maria Rilke sur la nécessité de se mettre sans cesse en danger quand on prétend créer et la fameuse « Lettre à un ami lointain » de Cioran, la philosophe Maria Zambrano qui se définissait comme une éternelle étrangère et les « veilleurs de nuit, de jour et de rêve » chez Stanislas Rodanski ? Aucun rapport, sans doute, sinon que ce sont, à travers l'évocation de ces figures ou de ces singularités, autant de tentatives d'élucider le mystère des passants qui choisissent l'ombre, se dissimulent dans l'ombre, ont été rejetés dans l'ombre, autant de tentatives aussi de faire parler la bouche d'ombre, de permettre à la part obscure d'entonner l'éloge de ce qui chante dans les ténèbres. Il y a une griserie à se projeter en pleine lumière, mais il y a peut-être une ivresse plus grande pour les artistes présents dans ces pages à se tenir en retrait et à être les habitants de cette « Nuit obscure » tant vantée par saint Jean de la Croix : ceux-là savent que c'est dans les zones d'ombre, si riches de contradictions, de paradoxes, de questionnements, que naissent les intuitions les plus fécondes.
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