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Pour Jean-Jacques Busino, le « bogue » de l'an 2000 n'a pas été d'ordre informatique. C'est son corps qui se met à dysfonctionner brutalement. Il est frappé par une maladie du système sanguin à l'origine mystérieuse, l'une de ces fameuses maladies « orphelines », qui laisse le corps médical perplexe et dans l'incapacité de proposer un traitement efficace. Les manifestations de la pathologie n'en sont pas moins réelles et spectaculaires : éruptions cutanées, jaillissement spontané du sang sous les ongles, extrémités nécrosées, violentes douleurs qui ne peuvent être soulagées que par la morphine.
L'acte deux commence quelques années plus tard, alors que Busino est toujours malade mais encore en vie, contredisant tous les pronostics des médecins. Son fils André est renversé à vélo par un chauffard. L'accident provoque des dommages cérébraux irréversibles et laisse l'adolescent plongé dans un coma végétatif.
De ces deux tragédies, Busino tire Cancer du capricorne, un récit de type autobiographique auquel se mêlent aussi des scènes dignes d'une fiction - et qui en sont probablement.
Pas plus que les précédents livres de l'auteur, on ne peut étiqueter celui-ci. Il s'agit d'une oeuvre hybride, totalement personnelle- et par son sujet et par son traitement -, qui se caractérise par un mélange de spontanéité et de réflexion longuement mûrie. Le projet du livre est annoncé d'emblée : « Reprendre l'histoire depuis le début et comprendre le pourquoi du comment. Regarder la situation comme si elle ne me concernait pas. » D'où le ton très inattendu de ce texte construit en deux mouvements, telle une étrange sonate, et placé sous le signe omniprésent de la musique, qui n'a cessé d'accompagner la vie de Jean-Jacques Busino.
Ce qui donne sa force à Cancer du capricorne, c'est la description clinique et curieusement distanciée de ce qui arrive à un corps humain devenant de plus en plus étranger à son propriétaire. Busino trouve les ressources morales et linguistiques pour jouer avec les mots de la mort et créer un climat ubuesque où domine une forme d'humour noir et décalé. Aussi autobiographique que soit la trame de ce récit, il se lit comme un roman, tant l'auteur se mesure frontalement à son sujet pour en éliminer toute trace de pathos et de sentimentalisme bon marché. En lieu et place de cela, il nous invite à de lumineuses remontées vers le temps de l'enfance et de la famille, du côté de l'Italie. C'est l'occasion pour lui de poser les questions de la filiation, de la transmission et de la paternité. Lui qui dit avoir tant reçu de son père avoue, lucide, que « comme tous les pères de (sa) génération », il n'a « rien transmis » à son fils. D'où la douleur inconsolable qui hante le deuxième temps du récit, la révolte ainsi que la tentation de la vengeance vis-à-vis de l'homme qui lui a volé la vie de son enfant. Toutes questions qui se ramènent à la plus fondamentale et la plus tragique : faut-il laisser « vivre » cet adolescent qui n'est plus qu'un corps souffrant ou mettre fin à ses souffrances ?
Ce « roman » des vies brisées est une confession intime, un bilan, mais aussi un partage. Partage d'un drame dont l'atténuation passe, pour cet « athée frustré », par la seule rédemption possible : l'écriture. Une écriture simple, lumineuse, qui emprunte ses rythmes et ses métaphores à la musique, et gagne ce pari insensé : faire surgir du fond de la douleur humaine une oeuvre incroyablement tonique et vivante.
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