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Le savant peut-il faire de la politique ? N'est-ce pas son devoir en démocratie ? Ne doit-il pas prendre sa part dans l'éveil de ses concitoyens ? Ne lui faut-il pas contribuer à éclairer le débat public, à alerter quand certains dangers menacent ? Carlo Giulio Argan (1909-1992) et André Chastel (1912-1990) ont répondu positivement à ces questions. Dans l'Europe ravagée de l'après-guerre, ils comprennent que pour préserver le patrimoine artistique et monumental, pour assurer la transmission des oeuvres, des édifices et des idées qui les avaient engendrés, il incombait à l'Etat de contribuer à la transmission du savoir culturel et artistique. C'était-là la condition d'une prise de conscience par chacun de sa responsabilité vis-à-vis du cadre de son existence. Faute de cet engagement de l'Etat, l'ignorance ne pourrait qu'engendrer l'indifférence du public et ouvrir la voie à toutes les destructions possibles. Argan et Chastel se sont impliqués en choisissant deux voies différentes. Si le premier a milité au parti socialiste jusqu'à devenir maire de Rome et sénateur, à l'inverse, Chastel a largement privilégié une action de l'ombre, tâchant de convaincre les gouvernants et s'engageant volontiers dans la presse, toujours en position de conseiller et d'éclaireur.
Bâti autour de ces deux figures, le colloque qui s'est tenu en mars 2012 à la Villa Médicis et à l'Accademia dei Lincei, a permis d'éclairer un aspect méconnu de l'histoire de l'histoire de l'art, et du rôle politique de la discipline au cours du xxe siècle. Outre Argan et Chastel, l'évocation des Malraux, Spadolini, Picon, Zeri, Ragghianti, etc., a fait ressurgir un temps où l'art et la culture occupaient une place centrale dans le débat public. Loin d'apparaître comme des « suppléments d'âmes » relevant du divertissement, ils étaient considérés comme l'une des conditions de la pensée : une clé sans laquelle nul ne pouvait accéder à la compréhension subtile du monde, à la conscience critique et, in fine, à l'exercice véritable de la citoyenneté. Les travaux issus de ces journées manifestent la profonde actualité des questionnements qui animèrent ces figures engagées. Ils ouvrent de nouvelles voies aux recherches sur la place de la culture artistique dans notre société.
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