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Tout commence par un homme venu inscrire un nouveau-né sur les registres de l'état civil, sans se douter un instant que cet acte simple le conduirait dans le tourbillon d'une histoire kafkaïenne.
L'auteur, comme à son habitude dans ses romans, maîtrise à merveille une science subtile, celle de l'égarement. Il nous mène depuis son désert natal, berceau du soleil, des illusions et des légendes, jusqu'au dénouement, par une langue fabuleuse et une philosophie des fragments et de l'illimité au service d'une cause, qu'il défend depuis longtemps, avec la même persuasion : celle de son peuple, les Touaregs, menacés comme tant de minorités d'une disparition totale.
Chaque mot nous effleure par sa mélodie, nous enchante et nous transforme. On s'imagine qu'on pourrait guérir de la sédentarité et de la ville. Que nous sommes libres. On s'imagine même que nous avons plié bagages et que nous sommes en partance vers le Sud.
Ibrahim Al Koni est né dans une tribu Touareg, et a écrit de très nombreux livres (dont le meilleur est pour moi "Poussière d'Or"). Il n'a eu de cesse de faire connaître et revivre ses origines, et de promouvoir sa culture nomade.
Pour ce livre "Ange, qui es-tu ?" le titre est bien trompeur. Le lecteur est entraîné dès les premières lignes dans un labyrinthe administratif et bureaucratique vertigineux, d'où aucun ange ne sortira, hélas. L'état civil de Tripoli refuse le prénom connoté d'un petit garçon, nom choisi par son père, un homme venu d'une noble famille du désert. A partir de là, le père, vexé, touché et perdu, va tenter de comprendre et de poursuivre un parcours institutionnel sans cohérence, qui le mènera de bureau en bureau, de petit chef imbu à petit chef cynique, jusqu'à un imbroglio sans fin. C'est dans la deuxième partie du livre, que le lecteur comprendra, qu'en cours de route, à force d'acharnement, l'homme a été trahi plusieurs fois par son fils. Le ton change et le drame est sous-jacent. Il n'est plus juste question d'images et de prophéties, d'oppositions entre sédentarité et nomadisme, lois et âmes, perte des repères, exil, manque de reconnaissance et confrontation à l'urbanité. Le père, humilié, blessé, qui a passé sa vie à tenter de donner un prénom noble à son fils, prénom digne de leurs origines touareg, digne des légendes du désert, se sent dans l'obligation d'accomplir un geste funèbre, de la plus grande des violences, afin de sauver la "pierre sacrée du désert", testament spirituel qui porte l'empreinte des ancêtres.
"Rien ne sert de mettre des enfants au monde s'il faut se battre pour les éduquer et si, quand nous échouons dans cette tâche, la douleur que nous en éprouvons est le pire de tous nos malheurs."
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