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Bien des écrits ont été consacrés aux mahu et raerae de Tahiti, et à leurs homologues ailleurs en Polynésie : des personnes nées garçon mais voulant vivre en fille, qualifiées de « transgenres », « hommes féminins » ou « troisième sexe ». Cette littérature, qui entend tout expliquer par « l'homosexualité », prend ses racines dès le XVIIIe siècle avant de s'élargir à toute la Polynésie. Serge Tcherkézoff, familier de la région et de certaines thématiques liées à la sexualité et au genre, examine ces visions occidentales, déconstruit les stéréotypes accumulés, particulièrement sur Tahiti, et avec beaucoup d'empathie et une connaissance du terrain à Samoa, il replace les transgenres dans le tissu des relations sociales, sans oublier les « femmes masculines » toujours passées sous silence.
J’étais particulièrement emballée face à ce livre qui annonçait faire le point sur le fonctionnement des sociétés polynésiennes en terme de genre/sexe, sur l’évolution liée à l’influence de la colonisation et sur notre interprétation de leur société. En revanche, je n’imaginais pas être confrontée à un texte si académique. La structure suit celles des publications et mémoires universitaires avec par exemple les introductions contenant problématiques et plans de chapitres. C’est déroutant d’autant plus quand on pensait avoir affaire à un ouvrage de vulgarisation scientifique. Ecriture et structure ont pour conséquence une lecture qui n’est pas toujours fluide. On a détaillé tout le raissonnement et les étape de recherche mais jamais de synthèse. Il y a un autre point qui rend la lecture laborieuse, les extraits d’ouvrage cités sont mis à la fois en version originale et en français. Une fois accepté la forme très universitaire, la lecture est loin d’être inintéressante.
J’ai aimé découvrir et suivre l’évolution au cours du temps de l’interprétation des māhū (le terme varie selon les îles) par les occidentaux. Le besoin de occidentaux à coller leur mode de fonctionnement sur des sociétés différentes est bien mis en évidence et permet d’illustrer à quel point une chose naturelle est devenue une pratique floue et dénaturée. Autre point intéressant, le « conflit » entre le sens traditionnel, les termes lgbt+ actuels et comment s’associent ou non les deux. C’est un essai complet et sourcé qui manque peut être d’un paragraphe de synthèse pour dégoupiller l’aspect touffu. Si globalement j’ai apprécié découvrir le fonctionnement des îles polynésiennes avec la conscience floue entre transidentité et homosexualité, j’ai eu tout le long une impression de décalage au niveau des connaissances de l’auteur. Aucun doute, il connait la Polynésie et est à jour au niveau de la communauté LGBT+ de ces îles. En revanche, tout au long de ma lecture et en particulier vers la fin, j’ai lu ce texte en doutant de l’actualisation des connaissances de l’auteur au sujet de la terminologie LGBT+ pour la France métropolitaine. Le spectre de la non-binarité semble n’exister pour lui que dans le monde anglophone, c’est dommage car ça empêche tout le long de regarder les māhū via ce prisme-ci ce qui semble pourtant être plus proche qu’il n’y parait.
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