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Le tueur en série est le dernier des grands monstres. Thierry Jandrok le rappelle en alternant approches psychiatriques, analyses d'oeuvres littéraires, cinématographiques et télévisuelles, courts textes de fiction. L'impact qu'il exerce sur le public tient à sa faculté d'excéder les représentations, mêlant de façon troublante réalité et fiction, psychologie et projections imaginaires. Descendant du « guerrier fou » nordique, du croquemitaine, de Dr. Jekyll et Mr. Hyde, le serial killer est connu sous sa dénomination actuelle depuis les début des années 1980, le FBI mettant alors en place les premiers programmes d'enquête raisonnée sur ces tueurs multirécidivistes. Agissant suivant des modes opératoires engagés à long terme et implacables, ils évoluent entre archaïsme et modernité, civilisation et barbarie : ils transforment le quotidien en terrain de chasse, tout en arborant un masque social (le syndrome du garçon d'à côté), dévoilent l'envers violent de l'espace urbain. On recourt volontiers aux figures de l'épouvante pour les qualifier : Ed Kemper, «l'Ogre de Santa Cruz» ; Peter Kürten, «le Vampire de Düsseldorf» ; Jeffrey Dahmer «le Cannibale de Milwaukee». Pourvoyeurs de cruautés radicales et ritualisées, animaux-machines dilatant les souffrances, cristallisant les fantasmes les plus morbides, ils incarnent l'horror (Ed Gein a inspiré Psychose et Massacre à la tronçonneuse), combinent attraction et répulsion (à l'image d'Hannibal Lecter et Dexter). Psychosexuel, prince du Mal, le serial killer domine les productions de ces trois dernières décennies, jusqu'au petit écran (Millennium, Profiler, Dexter). Avec un point culminant, 1991 : sortie du Silence des agneaux ; arrestation de Jeffrey Dahmer, tueur le plus médiatisé ; parution d'American Psycho de Bret Easton Ellis, livre glaçant. À l'aune d'un monde régi par la surenchère des images violentes, le consumérisme, la culture du pire, l'angoisse sécuritaire, le serial killer nous renvoie à deux terreurs essentielles : d'une part, notre moi perçu comme gouffre psychique, d'où la phrase de Nietzsche souvent citée : « Qui lutte avec des monstres doit veiller à ne pas devenir un monstre lui-même. Et si tu regardes longuement l'abîme, l'abîme regarde en toi. » (Par-delà le bien et le mal.) D'autre part, l'inexorable faculté du Mal à se régénérer, à se banaliser, à se concrétiser dans la répétition.
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