"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Selon Walter Benjamin, « écrire l'histoire, c'est donner leur physionomie aux dates ». Pour incarner la décennie des « sombres temps » brechtiens (1933-1943), Sylvie Courtine-Denamy, philosophe et traductrice de l'oeuvre de Hannah Arendt, a choisi trois figures féminines, juives et philosophes : Edith Stein, disciple de Husserl et auteur de La Science de la Croix, qui périt à Auschwitz en 1942 ; Hannah Arendt, élève de Heidegger et de Jaspers, auteur de Eichmann à Jérusalem, éveillée à l'histoire et à la politique par l'avènement d'Hitler au pouvoir ; Simone Weil, auteur de La Pesanteur et la Grâce, animée d'un antijudaïsme farouche et qui hésite pourtant sans fin sur le seuil de l'Église catholique.
Engagées, les trois grandes philosophes du XXe siècle s'efforcèrent de penser l'événement : le fascisme, l'impérialisme, l'antisémitisme, le totalitarisme, mais aussi les rapports du politique et de la religion, illustrant la formule d'Hannah Arendt selon laquelle « on est ce que l'on vit ». Contraintes à l'exil, il leur faudra. alors, non plus seulement « comprendre » une réalité monstrueuse, mais tenter de faire la paix avec elle. Pour cela, chacune empruntera des voies différentes : accepter « stoïquement » la nécessité, l'Amor fati, comme y incite Edith Stein et comme le recommande Simone Weil invoquant Rosa Luxemburg, ou garder foi dans la faculté miraculeuse que possède tout nouveau venu de renouveler le monde, l'Amor mundi dont témoigne Hannah Arendt.
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