"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Que ce serait-il passé si Damien Hirst n'avait jamais existé ? Si le jeune artiste britannique le plus célèbre et le plus influent avait été quelqu'un d'autre ? Et s'il avait été plus talentueux, plus provocateur, plus scandaleux et beaucoup, beaucoup plus drôle ?
C'est ce qu'imagine Randall, formidable premier roman campé dans le Londres des années 1990, de la « Cool Britannia », et de l'émergence des « Young Bri- tish Artists ».
En retraçant la trajectoire de son héros éponyme -un subversif et génial artiste contemporain-, l'intrigue se noue autour de la découverte, par la veuve et le meilleur ami de Randall, des années après sa mort, d'une cache de dessins et peintures pornographiques qui compro- mettent l'ensemble des acteurs du monde de l'art et de la finance de l'époque. Alors que les deux protagonistes tentent de prendre une décision - que faire de ces brû- lots estimés à des millions de dollars et qui révolution- neront sans aucun doute l'histoire de l'art contempo- rain ? - on suit par flashbacks l'ascension fulgurante de l'artiste, depuis son diplôme d'école d'art jusqu'aux somptueuses expos financées par de richissimes ban- quiers de la City. C'est une plongée dans un moment clé de l'histoire de l'art, relaté avec humour et cruauté.
En toile de fond, la folie financière contemporaine et l'explosion d'une société où ne fait plus sens que ce qui s'achète, et s'achète cher.
Traduit de l'anglais par Stéphane ROQUES
Vous le savez, je suis une inconditionnelle des chroniques de Gérard COLLARD et récemment, il a présenté un livre tout jaune, le 1er roman de Jonathan GIBBS. En arrivant au rayon Nouveautés de ma Bibliothèque préférée, je l'ai tout de suite repéré !!!
Le narrateur, Vincent, n'a pas revu Justine depuis 2 ans. C'était la femme de Randall, cet artiste peintre britannique, décédé il y a 7 ans déjà. Elle lui a demandé de venir à New York, elle avait quelque chose à lui montrer. Une fois passé le temps des retrouvailles, elle lui présente quelques dessins pornographiques dont Randall est l'auteur. Il ne s'agit là que d'esquisses. Le lendemain, elle l'emmène découvrir les toiles. La peinture à l'huile n'était pas sa technique et pourtant... d'habitude il ne signait pas ses oeuvres, mais là elles le sont... autant d'interrogations qui vont permettre de dérouler le fil de toute une époque, celle des "Young British Artists" tout juste sortis du Goldsmiths College de Londres au début des années 1990.
Le narrateur a côtoyé de très près Randall, il l'a aidé à rencontrer des acheteurs potentiels pour accéder à la notoriété. Il oeuvre aujourd'hui en sa mémoire :
"Randall fut mon ami - le meilleur ami que j'aie eu dans cette vie, et que j'aurai sans doute jamais - et si son oeuvre et dans une certaine mesure sa vie doivent continuer de trouver un écho auprès du public après sa mort, alors je veux m'assurer que l'homme que j'ai connu fait partie du souvenir que nous gardons de lui." P. 53
Une des très grandes richesses de ce roman repose dans l'approche d'une oeuvre contemporaine et de ses exigences :
"Ne pas interroger le tableau, mais attendre qu'il se révèle. Lui donner le temps de démentir sa première impression, de balbutier et brouiller son récit. Le fixer du regard jusqu'à ce que le tableau cède." P. 234
J'ai beaucoup aimé le passage sur le lien qu'entretient l'artiste avec son oeuvre jusqu'au moment où...
"[...] il n'existe pas d'oeuvre d'art en tant qu'entité autonome, en tant que Ding an sich. Tant qu'elle est dans l'atelier, elle fait encore partie de l'artiste. Quand elle est dans une galerie, c'est une marchandise, un chaudron bouillonnant de valeurs hypothétiques et pourtant indifférenciées, comme le chat dans la couveuse. Quand elle est accrochée au mur chez quelqu'un, ou dans un musée, elle devient une pièce de la collection, et tire plus ou moins son identité de cette collection. Nulle part elle n'existe par elle-même." P. 280
Vous trouverez dans ce très beau roman tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'art contemporain sans jamais oser le demander.
Mais un artiste est aussi un être vivant, ordinaire, il a une vie sentimentale, familiale, il évolue dans un environnement... Avec ce roman, Jonathal GIBBS dresse le portrait d'une jeunesse londonienne des années 90, sombrant dans l'alcool, la consommation d'ecstasy... Il profite de cette opportunité pour aborder le sujet de l'amitié et les liens à la vie à la mort qu'elle peut induire.
Ce roman prend enfin la dimension d'un thriller psychologique avec ces oeuvres cachées, inconnues de tous, des petites bombes tant dans le domaine artistique que pour chacun des individus qui s'y reconnaîtrait dans des positions ô combien provocantes. La veuve et l'ami de toujours porteront-ils au grand jour ces oeuvres d'une qualité incommensurable ? Et si une autre personne connaissait également en partie ce secret ?
Malgré qu'il s'agisse d'un roman relevant de l'exofiction, ce mouvement littéraire particulièrement en vogue aujourd'hui, je me suis laissée portée par le destin hors norme des différents personnages. Finalement, qu'ils aient réellement existé ou non m'importe peu, n'est-ce pas là le signe d'un très bon roman ?
Je crois que Nicole Grundlinger ne me démentira pas...
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