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Après Amor & Furor en 2007, recueil de « nouvelles-bonzaï » proches du poème en prose ou des courts textes de L'Imitateur de Thomas Bernhard, puis Vienne et moi en 2009, récit autobiographique consacré à l'émergence de l'Actionnisme Viennois et brossant le portrait de l'artiste en trublion doublé d'un Pierrot lunaire, c'est une autre facette de cet artiste majeur que découvrira le public français à travers Pictura jacta est !
Dans ce recueil de « poésies théoriques », ainsi que les désigne leur auteur, aphorismes, notes et proses brèves livrent les réflexions de l'artiste et poète Günter Brus sur l'art, la littérature, la musique et plus généralement sur la place de la culture dans nos sociétés. Si l'ellipse et la fulgurance de la pensée fragmentaire évoquent immanquablement Lichtenberg, les fusées lâchées par Brus, mêlant calembours et jeux de mots, s'inscrivent dans la grande tradition autrichienne du Witz : Kraus n'est jamais très loin. Entomologiste à l'humour ravageur, Brus épingle en effet critiques, institutions culturelles ou marché de l'art, dénonçant le cynisme et la duplicité qui, à plus vaste échelle, régissent le Zeitgeist. « Considérations inactuelles », tel pourrait en effet être un autre sous-titre de cet ouvrage commis par celui qui se désigne comme un « rejeton tardif du romantisme ».
Si toutefois la verve de ce maître artificier n'épargne rien ni personne, pas même sa propre pratique artistique, la révérence, voire la déférence, occupe une place tout aussi importante dans ce florilège d'aphorismes dont certains peuvent se lire comme de véritables « exercices d'admiration » : ainsi de Kubin, dessinateur et poète lui aussi, d'Artaud, de Goya, des maîtres anciens, ou encore de Mozart qui « plaçait des êtres humains sur la scène et non des marionnettes à voix de soprano ou de ténor. On ne peut manquer d'être subjugué tant par l'immense culture de l'auteur - aucune expression artistique ne semble lui être étrangère - que par son courageux refus d'une pensée simplificatrice et univoque - Günter Brus nous fait parfois partager ses interrogations bien plus qu'il n'assène de jugements.
Regroupées sous 95 entrées classées par ordre alphabétique, ces « jaculations » sont accompagnées de dessins de l'auteur reflétant avec force jubilation la composition de l'objet livre lui-même.
A propos de Vienne et moi, Jean-Luc Tiesset écrivait dans La Quinzaine littéraire : « Il y a des peintres qui écrivent, ou des écrivains qui peignent. La musique, parfois, accompagne cette joyeuse réunion de muses sous un même crâne, dans un même coeur, dans une même main. L'Autrichien Günter Brus, comme d'autres est victime du préjugé qui n'admet pas que plusieurs fées aient déposé leurs dons dans le même berceau. » Or, Brus a refusé depuis le milieu des années 70 de scinder son double talent de peintre et d'écrivain, et a, pour ce faire, créé avec ses images-poèmes une synthèse entre écrit et dessin. D'ailleurs il remarque : « Je crois qu'à l'avenir mon art donnera davantage matière à lire qu'à voir. Les collectionneurs de mes travaux se rendront compte que leurs acquisitions ont plus à voir avec la réflexion qu'avec le dessein de faire impression.» Une bonne raison de le lire !
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