"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans une Athènes appauvrie et sous tension, les cadavres de trois personnalités d'envergure sont retrouvés. À leur côté, un enregistrement diffuse ce slogan autrefois utilisé contre la dictature des Colonels : « Pain, éducation, liberté ». Qui se cache derrière ces meurtres ? Un membre de l'extrême droite ? Un ancien gauchiste mû par le désir de vengeance ? La police non plus n'est pas épargnée par la crise et le commissaire Charitos, privé de salaire depuis trois mois, va devoir redoubler d'efforts s'il veut découvrir la vérité.
Pain, éducation et liberté, Ψωμί, Παιδεία, Ελευθερία (Psōmí, paideía, eleuthería) en version originale parue en 2012, a été publié par les éditions du Seuil en 2014 dans la collection Policiers Seuil. Il est le dernier tome de la Trilogie de la Crise, faisant partie intégrante de la série consacrée aux enquêtes du commissaire Charitos. Au moment de sa parution, il était considéré comme un roman d'anticipation politique puisque Petros Markaris avait choisi d'en situer l'intrigue au début de 2014, au moment où la Grèce décidait de renoncer à l'euro pour revenir à la drachme. Au vu des événements douloureux intervenus depuis, on ne peut que s'incliner devant le caractère prophétique de l'oeuvre. Le récit, ancré dans une actualité qui s'éternise, est écrit au présent et à la première personne. L'auteur ne propose que peu de données temporelles: pas de date, le moment de la journée est rarement cité avec précision. Le style fluide est rythmé par de nombreux dialogues. Pas de temps mort ni de longueurs.
2014. Tandis que Charitos et sa famille s'organisent afin de faire face à la suspension temporaire des salaires de la police, le commissaire s'intéresse au cas d'un jeune dealer plutôt intrigant: issu d'une famille aisée, ayant fait de brillantes études scientifiques, Charitos ne comprend pas pourquoi le jeune homme, arrêté pour détention de drogue, se justifie en déclarant qu'il avait besoin d'argent. Le flair de Charitos lui suggère qu'il y a anguille sous roche.
C'est alors que le père du jeune homme, entrepreneur, est retrouvé assassiné au centre Olympique de Faliro, couché sur un tas d'ordures. Les mobiles ne manquent pas: Vengeance d'un concurrent? En rapport avec son passé de militant? Un drame familial? Rancœur du fils? Acte terroriste? Un lien avec le crime organisé? Le commissaire Charitos et son équipe pataugent...
Puis une seconde victime est retrouvée: Nikos Theoloyis, pénaliste réputé et professeur de droit => Même génération, même profil que la première victime: tous les deux appartenaient à la "génération de Polytechnique", étaient mariés et père d'un enfant unique, vivaient dans l'aisance.
Un lien indéniable existe entre les deux meurtres mais pour quel mobile? Car les deux hommes ne semblaient pas se fréquenter. Charitos nage dans le brouillard. Pour résoudre cette enquête, il va devoir se fier à son instinct, amadouer sa hiérarchie.... et laisser sa voiture au garage!
Dans un contexte de crise économique et de faillite de l'Etat, le ministre de la Sûreté ayant démissionné, l'équipe de Guikas n'a plus personne pour la couvrir et prendre les décisions qui s'imposent; les enquêteurs vont devoir assumer toutes leurs actions et choix, et leurs éventuelles erreurs.
S'ajoute à cela la suspension des salaires, le gel des avancements, les forces de police en alerte à cause des manifestations dans les rues et les nouvelles élections qui se préparent =>De quoi mettre la clé sous la porte!!
Climat social constitue la trame de l'enquête menée par Charitos: les banques momentanément fermées, les Grecs se demandent si les dépôts sont garantis par l'Etat, et si les retraites et les salaires seront payés: "Les coupes répétées dans les salaires et les retraites n'étaient que le prélude...Je dois deux traites pour la voiture, d'accord, mais quel concessionnaire va reprendre une voiture pour si peu? L'argent que j'ai à la banque me permet de tenir trois mois, et je peux même faire traîner un loyer. Mais qui me dit que la suspension (des salaires) prendra fin dans trois mois?" (Page 21)..."Un magasin sur deux a baissé le rideau. Tantôt à louer, tantôt à vendre. Les pancartes sont là pour faire bonne figure: personne n'achète, personne ne loue".(Page 45). => Dans ces conditions, comment assurer au mieux sa mission de maintien de l'ordre?
Le +: une enquête criminelle intimement mêlée à la conjoncture du pays et au quotidien de Charitos et sa famille: comment les gens se serrent les coudes et font preuve d'initiatives originales et inventives pour tenter de se sortir du marasme, notamment le foyer pour SDF installé dans un ancien hôtel et radio Espoir.
Pain, éducation, liberté propose une analyse fine et objective de la situation de la Grèce en 2014. Plus qu'un roman policier, c'est un hymne à son pays en grande souffrance, mené à la ruine par des politiques avides et sans scrupules pour le peuple qui doit gérer au quotidien, oscillant entre dignité et désespoir. S'ajoutent à cela une intrigue parfaitement maîtrisée, un scénario crédible et des personnages qui ne sont ni des héros ni de parfaits méchants, simplement des hommes et des femmes qui se battent pour leur survie...
31 décembre 2013. La jeunesse athénienne fête dans l'allégresse le passage à 2014 et le retour de...la drachme ! En effet, épuisée par la crise et les injonctions de la Troïka, la Grèce n'a eu d'autre choix que de se retirer de la zone euro et de revenir à son ancienne monnaie.
Chez les Charitos, on s'attend à des temps difficile et on se serre les coudes. Comme tous les fonctionnaires du pays, le commissaire Charitos va être privé de salaire pendant au moins trois mois et sa femme Adriani, économe, débrouillarde et solidaire, a décidé d'ouvrir sa table à la famille et aux amis. Bon an, mal an, leur fille Katerina continue son travail d'avocate et vient d'être commise d'office pour défendre un étudiant pris en flagrant délit de trafic de drogue. Intriguée par le profil de son client, elle demande à son père de faire une enquête discrète sur l'affaire. Et si le commissaire ne croit pas à la culpabilité du jeune Kyriakos, il est perturbé quand, incroyable coïncidence, il est chargé d'enquêter sur la mort de son père, l'entrepreneur en BTP, Yerassimos Demertzis. Ce premier assassinat est suivi de deux autres, celui d'un professeur de droit et celui d'un syndicaliste. Tous trois étaient polytechniciens et tous trois avaient dans la poche un portable délivrant le même message : Pain, éducation et liberté. Ces meurtres trouveraient donc une explication dans le passé grec, à l'époque où les étudiants de Polytechnique se soulevèrent contre la dictature des colonels en scandant ce slogan, repris aujourd'hui par le meurtrier.
Pour le troisième tome de sa Trilogie de la crise, Petros Markaris se lance dans un roman de politique-fiction où la Grèce, incapable de se relever de la crise, serait sortie de la zone euro pour la plus grande joie de ceux qui en avaient assez d'être dirigés par Bruxelles.
Mais cela ne se fait pas sans heurts ! Dans une ambiance de fin de guerre, Athènes est la proie de groupuscules d'extrême-droite bien décidés à chasser les migrants, les étrangers, les sans-papiers et autres voleurs d'un travail qui n'existe plus. L'économie tourne au ralenti, les gouvernements se succèdent et imposent dévaluations de la monnaie, suspension des salaires des fonctionnaires, diminution des retraites. Mais au milieu du chaos, certains ne baissent pas les bras et ont entrepris d'aider les plus démunis, par exemple en relogeant SDF et retraités pauvres dans des hôtels réquisitionnés ou en créant une radio pour diffuser des offres d'emplois et lancer des messages d'espoir.
A pieds, en bus ou en voiture de police, le commissaire Charitos qui a laissé sa voiture personnelle au poste pour économiser le carburant, mène une enquête sur trois meurtres liés par la personnalité des victimes. Les trois homme étaient des héros de la révolte de l'école polytechnique qui en 1973 sonna le glas de la dictature des colonels. Mais loin des idéaux de leur jeunesse, ils s'étaient depuis hissés aux plus hauts postes et avaient sacrifié sur l'autel du capitalisme les valeurs qu'ils défendaient alors. Leur a-t-on fait payer leur trahison ? En s'enrichissant ont-ils ruiné le pays ?
Petros Markaris propose encore une fois son analyse de la crise grecque et va cette fois encore plus loin en imaginant un ''grexit'' lourd de conséquences mais aussi porteur d'espoir... Peut-être une voie à suivre...
Un volet un peu surréaliste, quoique, les grecs auraient renoncé à l'euro pour reprendre leurs drachmes, pourquoi pas, en France la nostalgie du franc se fait de plus en plus sentir. Le commissaire Charitos reprend du service en pleine période de fêtes de fin d'année, sachant que sa seule et unique motivation est le bien être de sa famille aimante et de ses compatriotes, car cela fait déjà trois longs mois qu'il n'a pas vu son salaire arrivé, et malgré tout il ira jusqu'au bout pour résoudre cette affaire difficile, dans un climat de violence qui monte au fil des pages.
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